A. Les commissaires aux comptes fautifs
En ce qui concerne les commissaires aux comptes, tout part de
la mission de contrôle qui leur revient dans la société
commerciale183. Chargé de certifier la
régularité des comptes sociaux et d'assurer la transparence dans
la société, le commissaire aux comptes peut engager sa
responsabilité pénale sur le fondement d'une complicité du
délit de présentation des comptes annuels ne donnant pas une
image fidèle de la situation de la société. Tout comme il
peut aussi engager sa responsabilité lorsqu'il s'abstient de
dénoncer des faits délictueux plus graves quand le commissaire
aux comptes donne ou confirme des informations
mensongères184.
Le commissaire aux comptes certifie que les états
financiers de synthèse sont réguliers et sincères et
donnent une image fidèle du résultat des opérations de
l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et
du patrimoine de la société en fin d'exercice185. La
violation de cette importante mission est sanctionnée par l'article 889
AUSCGIE qui réprime tout commissaire aux comptes qui soit en son nom
personnel, soit au titre d'associé dans une société de
commissaires aux comptes, aura sciemment donné au confirmé des
informations mensongères sur la situation de la société.
Cette infraction est matérialisée par l'existence d'une
information mensongère et la transmission de celle-ci (1) et une
intention coupable est nécessaire (2).
1. L'élément matériel de
l'infraction
L'élément matériel consiste en
l'existence d'une information mensongère. La loi ne fait aucune
précision sur le contenu de cette information. Elle peut donc être
entendue au sens large186. Elle peut donc aller au-delà de
l'information financière. Le mensonge incriminé consiste en toute
inexactitude sur la situation de la société, telle qu'elle
résulte des documents comptables. Tel est le cas lorsqu'une
écriture
183 Art. 716 de l'AUSCGIE.
184 Art. 899 AUSCGIE.
185 Art. 710 AUSCGIE.
186 V. ANOUKHA (Fr.), ABDOULLAH CISSE, NDIAW DIOUF, NGUEBOU
TOUKAM (J.), POUGOUE (P.G), MOUSSA SAMB, Sociétés commerciales et
GIE, op. cit., n° 474, p.278.
figurant au bilan de l'actif est fausse ou si le rapport
établi approuvant un bilan postule la régularité des
comptes, affectés pourtant de graves anomalies. Il importe à ce
sujet que l'information soit précise, ce qui exclut de cette infraction
tout renseignement général sur l'avenir de la
société, ne se rattachant plus à l'exercice de sa mission
par le commissaire187. Nous voyons un arsenal solide pour la
sanction des commissaires aux comptes dont le rôle est fondamental dans
les SA. Cette répression est plus soudée par le délit
d'initié. Le complément de cet élément
matériel est la communication de l'information mensongère. Le
mode de communication est indifférent. Il peut être écrit
ou oral, publique ou privé certains auteurs considèrent que la
réticence compte puisque « le fait de ne pas démentir une
information mensongère revient à l'avaliser et la qualité
de professionnel du commissaire aux comptes est déterminante ».
L'infraction de communication d'informations
mensongères est une infraction intentionnelle.
2. L'élément intentionnel
L'infraction est consommée et la culpabilité de
l'individu établie lorsqu'il a eu conscience du caractère inexact
des informations en cause188. L'article 889 AUSCGIE démontre
que ces informations doivent avoir été communiquées «
sciemment ». Il ne fait aucun doute que la qualité de professionnel
du commissaire renforce sa culpabilité car il est impossible de
cautionner la faute d'un commissaire aux comtes qui affirmerait n'avoir pas eut
conscience de la fausseté des informations qu'il a
communiquées.
La loi camerounaise du 10 juillet 2003 portant
répression de certaines infractions contenues dans l'acte uniforme punie
cette infraction d'une amende de 500 000 à 5 000 000 FCFA et ou d'un
emprisonnement de deux à cinq ans.
En dehors des cas où le commissaire aux comptes est
fautif, existe celui où il est plutôt gêné dans
l'exercice de ses fonctions de clarification de l'information.
187 V. WILFRID (J.), Droit pénal des affaires, Dalloz,
Paris, 6e édition, 2005, p. 371.
188 Cass. Crim., 26 Mai 1986, Bull cncc, Mars 1987, 65, p 83 ;
paris, 9è ch., 1 Avril 1992, revue des sociétés, 1992.
Somm. 559, obs. GUYON ; Lyon, 10 juillet 1985, bull., Mensuel d'information des
sociétés, 1986, P.767.
C'est à cet effet que l'art. 897 de l'AUSCGIE convient
aux dirigeants sociaux qui n'auront pas provoqué la désignation
du commissaire aux comptes de la société ou ne les auront pas
convoqués aux assemblées générales. La sanction de
obstacles aux vérifications ou au contrôle des documents ou la non
communication de ces documents est consacrée à l'article 900 de
l'AUSCGIE.
Outre cette infraction relative à la personne du
commissaire aux comptes, d'autres sont étendues aux acteurs sociaux et
à toute autre personne.
B. Les infractions touchant les acteurs sociaux et les
tiers
Nous l'avons vu plus haut. Les mécanismes d'information
des acquéreurs des titres sociaux sont le RCCM, les journaux et d'autres
modes qui ont leur particularité due au fait que la
société fait appel public à l'épargne. Il n'est pas
surprenant que le législateur OHADA ait accordé une place
importante à la répression des infractions qui ont lieu à
la constitution de la société par l'offre des titres supposant
principalement la souscription de ceux-ci à la création de la
société et subsidiairement alors que celle-ci est
déjà constituée.
L'article 886 de l'AUSCGIE dispose : « est constitutive
d'une infraction pénale, le fait pour les fondateurs, le
président-directeur général, le directeur
général, l'administrateur général ou
l'administrateur général adjoint d'une société
anonyme d'émettre des actions avant l'immatriculation, à
n`importe quelle époque lorsque l'immatriculation est obtenue par fraude
ou que la société est irrégulièrement
constituée ».
Ainsi, le canal classique de tout temps de l'information s'en
trouve protégé. Il s'agit en effet des cas où
l'émission des titres a lieu avant l'immatriculation de la
société au RCCM, ou à toute époque si
l'immatriculation est frauduleuse.
Les irrégularités ici constituent la condition
d'existence de l'infraction et non un de ses éléments
constitutifs. L'élément intentionnel n'est pas requis donc la
simple négligence suffit même si un acte matériel est
requis.
Lorsque la société fait appel public à
l'épargne, l'infraction relative à l'émission de l'article
905 sanctionne également les atteintes à l'information. Cet
article dispose en substance qu'« Encourent une sanction
pénale, les présidents, les administrateurs ou les directeurs
généraux de société qui auront émis des
valeurs mobilières offertes au public :
1) sans qu'une notice ne soit insérée dans un
journal habilité à recevoir les annonces légales,
préalablement à toute mesure de publicité.
2) sans que les prospectus et circulaires reproduisent les
énonciations de la notice prévues au paragraphe 1 du
présent article, et contiennent la mention de l'insertion de cette
notice au journal habilité à recevoir les annonces légales
avec référence au numéro dans lequel elle a
été publiée.
3) Sans que les affiches et les annonces dans les journaux
reproduisent les mêmes énonciations, ou tout au moins un extrait
de ces énonciations avec référence à ladite notice,
et indications du numéro du journal habilité à recevoir
les annonces légales dans lequel elle a été
publiée.
4) Sans que les affiches, les prospectus et les circulaires
mentionnent la signature de la personne ou du représentant de la
société dont l'offre émane et précisent si les
valeurs offertes sont cotées ou non et , dans l'affirmative, à
quelle bourse .
La même sanction pénale sera applicable aux
personnes qui auront servi d'intermédiaires à l'occasion de la
cession des valeurs mobilières sans qu'aient été
respectées les prescriptions du présent article >>. Il
s'agit là d'une incrimination quasi-parfaite de la publicité en
cas d'appel public à l'épargne. Le seul fait à
déplorer demeure l'absence des sanctions.
L'élément matériel consiste donc en
l'émission des valeurs mobilières. Notion complexe,
l'émission désigne à la fois, l'introduction en bourse ou
l'appel au public pour la souscription des titres. Depuis la
dématérialisation des titres, elle désigne l'inscription
en compte. En droit pénal par contre, tantôt c'est la
création du titre qui est punie, tantôt c'est l'offre qui doit
pouvoir être annulée. Tel que le souligne un auteur «
l'émission a deux visage : elle est l'un et l'autre, tout à la
fois offre et délivrance du titre de valeur mobilière
>>189. Certains auteurs considèrent qu'elle sera
appréciée au gré des espèces. Il suffit que
l'émission du titre laisse
189 TREBULLE (G.F.), op., cit., p.24.
croire que la société est
régulièrement constituée alors qu'elle ne l'est pas.
L'élément intentionnel n'est pas exigé. L'article 23 de la
loi Camerounaise du 10 juillet 2003 déjà citée punie cette
infraction d'un emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende
de 100 000 à 1 000 000 de F CFA. Au Sénégal seule une
amende est prévue et est comprise entre 200 000 et 2 000 000 FCFA.
Il faut remarquer que le législateur OHADA est
conservateur en ce qui concerne les infractions qui visent à assainir le
monde des affaires. En effet, contrairement à certains
pays190ou communautés qui ont mis un système de
dépénalisation des infractions en marche, le législateur
OHADA s'active à réprimer les comportements qui mettent en
péril l'information des investisseurs. Le législateur OHADA se
veut pragmatique sur la question ce qui est appréciable car le droit
OHADA tient compte de l'espace qu'il régit. La jeunesse de nos
marchés nécessite un cadre juridique ferme pour la
sécurité des investisseurs. Peut être que cette mesure
pourra traverser l'esprit du législateur OHADA mais ce sera au regard de
l'évolution des mentalités. Il est vrai que les investisseurs
étrangers sont dépaysés lorsqu'ils consultent notre
législation mais ils doivent admettre en toute honnêteté
que c'est dans leur intérêt afin que leurs affaires n'en souffrent
maux. Et la crise financière mondiale actuelle est due à une
déréglementation de certains secteurs par les autorités
compétentes. Donc cette option n'est pas toujours la bonne.
Mais il faut se garder d'y voir une
dépénalisation à outrance car certaines infraction restent
et demeurent sanctionnées par le code pénal sous la qualification
d'escroquerie, faux en écriture. En plus, la loi du 15 Mai 2001, a
prévu à la place d'une sanction pénale un recours à
l'injonction de faire sous astreinte prononcée par le président
de tribunal statuant en référé. Il faut ajouter que le
colportage est
190 En France par exemple les dépénalisations de
2001 résultaient du rapport Marini sur la modernisation du droit des
sociétés publié en 1996. Ce rapport avait pour objet la
dépénalisation de certaines infractions et le maintient de celles
qui sont les plus intentionnelles et frauduleuses. Parmi les infractions
supprimées, l'on peut citer le défaut de mise à
disposition des actionnaires des sociétés anonymes les documents
comptables, des résolutions proposées du rapport des organes
dirigeants des commissaires aux comptes, la liste des actionnaires, des
feuilles de présence, et des procès verbaux d'assemblée,
la fausse déclaration dans le certificat du dépositaire, la
simulation de souscription ou de versement et la publication de faits faux, le
fait de reproduire ou de distribuer un prospectus de sollicitation de
souscription incomplet ou contenant des informations fausses. Ces sanctions qui
concernent le plus les actionnaires est due au reproche qui leur est fait
constamment de ne pas exercer leur droit à l'information dans les
délais prévus.
expressément interdit, le démarchage
limitativement autorisé avec le respect des exigences dues à
l'information des investisseurs191.
Au delà de ces canaux d'information cités plus
haut, il ne faut pas perdre de vue que la sanction de l'information des
acquéreurs associés est aussi prévue par les droit des
affaires. C'est le cas spécifique de l'information de l'associé
qui est sanctionnée à l'article 892 de l'AUSCGIE qui
réprime l'entrave à la participation aux assemblées. Elle
concerne toutes personnes qui auraient empêché sciemment un
associé de participer aux assemblées en dépit du fait
qu'aucune décision n'ait été prise. Outre le droit
pénal des affaires de l'OHADA, tout acquéreur des titres sociaux
dans les sociétés anonymes peut se référer aux
infractions boursières.
§3. LES INFRACTIONS BOURSIERES
Le droit boursier de l'espace OHADA est une collection de
textes sécrétée par les différentes bourses, les
textes nationaux. Ce droit est ultra sensible au non respect des dispositions
régissant l'information. La particularité des infractions
boursières est que celles-ci ne concernent que les
sociétés qui font appel public à l'épargne au
regard des exigences d'information plus accrues quand le public est
sollicité. Les épargnants doivent donc être
protégés contre les man°uvres des aigrefins
spécialistes et habitués des mécanismes boursiers qui les
utilisent aux fins douteuses. Nous envisagerons d'une part, la
répression de la violation de la confidentialité de l'information
(A) et d'autre part la répression de la manipulation de l'information
(B).
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