L'interpretation des traités et son incidence sur l'évolution du droit international public : essai sur la théorie de l'interprétation.( Télécharger le fichier original )par Augustin ANGAKOMO GBONDONGO Université de Kisangani - Licence en droit option droit public 2008 |
SECTION III. LES MOYENS DE L'INTERPRETATIONIl peut être fait appel à des moyens complémentaires d'interprétation et notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu, en vue, soit de confirmer le sens résultat de l'application de l'article 31 précédent, soit de déterminer le sens lorsque l'interprétation donnée conformément à l'article 31 précité : a. Laisse le sens ambiguë ou obscur ; b. Conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable. § 2. RECHERCHE DE LA LANGUE. De nos jours, il y a une quantité d'accords internationaux rédigés en deux ou plusieurs langues. Après la première guerre Mondiale, deux Etats les plus puissants ont demandé à la conférence de VERSAILLE d'accepter de joindre l'anglais au français comme langue officielle des négociations. Cette demande acceptée, et l'Italie va profiter immédiatement pour demander à son tour le même droit pour sa langue italienne. Il s'ensuivit que le traité de VARSAILLES fut rédigé en français et en anglais et que d'autres traités ceux de saint GERMAIN, de Trianon et de Neuilly le furent en français, anglais et Italien. Pendant l'entre - deux - guerres tous les actes de la SDN ont été rédigés en Français et en anglais, tel le pacte de cette organisation. Ce furent aussi les langues officielles de la Cour Permanente de Justice Internationale. Depuis, 1945 l'anglais est devenu la langue la plus importante dans les relations internationales, mais d'autres puissances, soucieuses de leur prestige, ont demandé et obtenu la reconnaissance de leur langue. Ainsi, la charte des Nations Unies est rédigée en Français, anglais, Espagnol, Russe et Chinois. Alors, les Etats n'appartenant pas au groupe linguistique anglais, Français ou Espagnol font souvent plusieurs rédactions d'un accord bilatéral en utilisant les langues propres à tous les contractants et une troisième langue d'audience universelle. C'est ainsi que, les Etats Arabes dans leurs relations utilisent exclusivement leur langue commune qui a effectivement acquis une valeur diplomatique en Afrique du Nord et au Proche - Orient. Quand à la rédaction des accords internationaux, la pratique internationale récente nous donne trois possibilités : 1. D'abord un traité peut être rédigé en une seule langue. C'est le cas le plus fréquent pour les Accords bilatéraux appartenant à une même sphère linguistique. Ici, il ne peut y avoir de difficulté concernant l'interprétation. Cependant, si un Etat n'appartenant pas à la même sphère linguistique que son Co - signataire ne conclue l'accord qu'en une seule version, il peut alors pour son usage intérieur le faire traduire et publier au journal officiel. Cette traduction n'a aucune force probante en cas de désaccord avec l'original. 2. Ensuite, le cas le plus fréquent dans la pratique internationale, les contractants rédigent plusieurs exemplaires d'un même traité en stipulant expressément qu'une seule version fera foi. Tel est le traité de paix de Saint GERMAIN dont la disposition finale posait que seule la version Française ferait foi en cas de désaccord. En ce cas, la version indiquée comme faisant foi est la seule valable pour l'interprétation. 3. Enfin, c'est le cas le plus important pour notre étude, l'accord rédigé en plusieurs langues mais dont deux ou trois versions font également foi. Il s'agit de traités les plus importants comme par exemple le traité de VERSAILLES dont les versions Française et Anglaise faisaient toutes deux fois. Puis la Charte des Nations Unies et la déclaration Universelle des droits de l'homme où les cinq versions ont la même valeur. La question qui se pose alors est celle de savoir, comment appliquer et interpréter une disposition dont le sens diffère avec chaque version ? A cette question, la doctrine n'a pas fourni une réponse unanime ; certains proposent que : « chaque partie n'est liée que par le texte de sa propre langue. En outre, une partie ne peut pas demander les bénéfices du texte de la langue de l'autre »1(*). D'autres soutiennent la prise en considération de l'intention probable ou possible des contractants ; comme CAVARE qui pense « qu'on doit suivre l'interprétation la plus favorable au débiteur »2(*). La faiblesse de ces opinions apparaît alors que l'on envisage le cas où le désaccord provient d'un contractant dont la langue officielle n'a pas été employée pour la rédaction du traité. A ce sujet, ANZILOTTI3(*) et EHRLICH4(*) recommandent de trouver un sens qui concilie tous les textes. Enfin, d'après une autre tendance, il faut partir du texte dont la langue a été utilisée pour la rédaction du projet. A notre avis, il faut s'en tenir à l'acceptation en vertu de laquelle la clause ou traité est valable, de préférence à celle selon laquelle il ne serait pas ; parce qu'ici le principe de l'effet utile comme base de conciliation de diverses rédactions est reconnu ; mais tout en tenant surtout compte de la langue dans laquelle le traité a été rédigé. § 3. RECHERCHE DU VOCABULAIRE. Ici, c'est répondre à la question de savoir si, lorsque les termes employés dans un traité ont plusieurs significations comment interpréter les différents termes ? Dans ce domaine, il y a deux règles posées par GROTIUS et acceptées par toute la doctrine classique postérieure. La première dit que les mots doivent être pris en considération dans leur acception ordinaire, dans leur signification usuelle, et non dans celle que leur donne les savants et grammairiens. La seconde conclue du contexte du traité, en précisant qu'il s'agisse d'un terme qui présente une signification spéciale c'est - à - dire technique, il faut interpréter toute disposition correspondante selon le sens particulier. Ces deux règles étaient appelées par la doctrine respectivement règle du « sens ordinaire » et règle du « sens technique ». Cette ambivalence entraîne une confusion, car plusieurs écrivains ainsi que des juges en certaines de leurs sentences, ont confondu cette notion du sens ordinaire avec celle du sens clair. Alors que la règle du sens clair nécessite une exégèse plus vaste, celle du sens ordinaire, ne comprend que la recherche terminologique. La première est devenue règle juridiquement obligatoire, alors que la seconde n'a pas acquis la force d'usage ; elle est limitée par sa contre règle, celle du sens technique. La règle du sens ordinaire n'est qu'un conseil destiné aux juges ou aux arbitres, mais en tout cas elle ne présente qu'un caractère facultatif. § 4. RECHERCHE DU CONTEXTE Si les termes d'un traité sont interprétés sans tenir compte de la totalité des dispositions, elles peuvent prendre un sens déformé et erroné. C'est pour Christian WOLFF a établi la règle d'après laquelle il convient d'interpréter les termes obscurs de manière qu'ils s'accordent avec le sens des termes qui sont clairs. Cette pensée fut acceptée d'abord par VATTEL, puis par toute la doctrine postérieure. D'autres auteurs estiment également que « le traité doit être envisagé, comme un tout ». Parmi eux, Oppenheim, Cavaré, ... A notre avis c'est SCHWARZEMBERGER qui a formulé le plus clairement ce moyen auxiliaire d'interprétation en précisant que : « le sens des mots se rapporte toujours à leur contexte ; les paroles employées dans un traité peuvent acquérir une signification seulement dans un large contexte des sentences, alinéas, articles et du traité comme un tout ». La jurisprudence recourt plusieurs fois à l'étude du contexte, et de diverses manières ; notamment : 1. Recours à la phrase dans laquelle figure le mot à interpréter. 2. Recours à l'article dans lequel figure la phrase à interpréter ; 3. Recours à la partie du traité dans laquelle figure l'article à interpréter ; 4. Recours au préambule du traité 5. Recours au traité dans son ensemble. 1. L'ANALOGIE. Elle permet d'éclaircir des dispositions obscures ou de compléter des dispositions insuffisantes. Il y a une controverse doctrinale sur l'application de cette inférence logique en droit international. D'abord la doctrine positiviste est contre celle - ci ; à ce titre, ANZILOTTI déclare : « dans le droit international on ne peut pas admettre l'extension par analogie des normes quand cette extension ne s'avère pas comme expressément ou tacitement voulue par les parties.1(*) En suite, d'autres auteurs estiment que l'analogie est permise, mais seulement pour les traités conclus par les mêmes contractants. Quant à nous, pour éclaircir un texte obscur, il suffit de recourir au procédé de comparaison entre les traités qui ont un objet identique, conclus entre n'importe quels contractants. 2. LE PRINCIPE DE L'EFFET UTILE. Cette inférence logique rappel la règle « ut res magis valeat quam pereat », c'est - à - dire, il faut interpréter les stipulations d'un traité dans le sens où elles produisent un effet positif plutôt que dans le sens où elles n'en produisent aucun. Ce principe est l'oeuvre de GROTIUS. Ce moyen auxiliaire d'interprétation à pour objet, la recherche du texte comme élément du traité essentiel pour l'interprétation. C'est pourquoi, il appartient à la méthode textuelle, et non à la méthode subjective ou même fonctionnelle comme les prétendent certains auteurs ; comme EHRLICH, qui soutien que, c'est une conséquence logique du principe de la bonne foi qui cette règle soit basée sur ce postulat que le traité doit être efficace1(*). Le cas d'application de ce principe fut par l'avis consultatif de la Cour Internationale Justice, du 03 mars 1950 ; sur la compétence de l'Assemblée générale de l'Organisation Nation Unies pour l'admission d'un Etat aux Nations Unies. Dans cet avis, « la cour a cru nécessaire de dire que le premier devoir d'un tribunal, appelé à interpréter et à appliquer les dispositions d'un traité, est de s'efforcer à donner effet, selon leur sens naturel et ordinaire, à ces dispositions prises dans leur contexte »2(*). Cela signifie que, le texte clair est un élément qui détermine l'application de la règle de l'effet utile ; car cette règle ne peut pas autoriser la cour à interpréter une clause de telle sorte qu'elle contredirait la lettre et l'esprit du traité. 4. INTERPRETATION CONTRA PROFERETUM.
Cette interprétation veut que les dispositions douteuses doivent être interprétées dans le sens le plus favorable à l'Etat obligé. Elle est d'origine du droit privé interne c'est pourquoi, les opinions doctrinales sur sa portée ne sont pas unanimes. Pour les uns, ce procédé d'interprétation à une portée générale (les auteurs classiques et d'autres), pour les autres par contre cette règle n'est applicable que pour les traités - contrats. Ainsi, la jurisprudence internationale est assez réduite sur ce procédé d'interprétation. En peu de mots, on peut constater que les inférences logiques dans le cadre de la méthode textuelle, n'ont pas une portée particulière. A l'exception du principe de l'effet utile qui n'est manifestée comme un moyen auxiliaire très utile, et nécessaire, jusqu'à un certain point sauf l'analogie, les autres inférences, logiques sont les reliquats de l'époque classique, et c'est seulement au mérite des anciens doctrinaux qu'elles ont encore aujourd'hui une valeur pratique. Quant à nous, la valeur de ce procédé peut être plus périlleuse qu'avantageuse. D'abord parce que interpréter une stipulation restrictivement ou contre proferetum signifie tenir compte des quelques règles logiques abstraites plutôt qu'au texte et à l'intention primitive des contractants. Ceux - ci, ne diminuent cependant pas la portée d'interprétation en général. Mais les règles du sens clair, du sens ordinaire et de l'effet utile ont une valeur incontestable, confirmée par la jurisprudence internationale. Seulement, les prémisses logiques touchées ont une valeur pratique très relative et très limitée, bien qu'elles aient pour objet la recherche du texte. C'est à ces propos que prend fin le premier paragraphe de cette deuxième section, ce qui nous permet d'aborder le deuxième paragraphe qui porte sur la méthode subjective. § 2. RECOURS AUX TRAVAUX PREPARATOIRES. C'est le procédé de l'interprétation le plus discuté chez les auteurs modernes. Ainsi Sir HERSCH, attribue une portée plus large à ce procédé, lorsqu'il écrit dans l'article : 2 de son premier projet de résolution de l'institut de droit international ce qui suit : « le recours aux travaux préparatoires, lorsqu'ils sont accessibles, est notamment un moyen légitime et désirable aux fins d'établir l'intention des parties dans tous les cas où malgré sa clarté apparente, le sens d'un traité prête à controverse. Il n'y a aucun motif d'exclure l'usage des travaux préparatoires dûment consignés et publiés à l'encontre d'Etats ayant adhéré au traité postérieurement à sa signature par les parties originaires déclare- t- il ».1(*) Par contre, LORD MC NAIR, dit : « j'admets que nul traité oeuvre humaine n'est parfaite, mais dans les relations internationales, comme dans les relations commerciales, c'est la certitude qui est préférable à tout. Il me parait déclare - t - il que plus on permet le recours aux travaux préparatoires plus on introduit un élément d'incertitude et plus on retranche le lien obligeant les parties. Plus on encourage les avocats à fouiller dans une masse des travaux préparatoires, plus on affaiblit les termes du traité »2(*) Nous estimons de notre part que face à ces divergences d'opinion, seule la jurisprudence internationale peut décider de la portée qu'il peut accorder aux travaux préparatoires dans l'interprétation d'un traité. Ce qu'il faut déduire de ces divergences d'opinion et de la jurisprudence est que la valeur du recours aux travaux préparatoires est très relative et qu'ils doivent être employés avec la plus grande prudence. * 1 OPPENHEIM. ; Op. Cit, p. 525. * 2 CAVARE . ; Op. Cit, p.97 * 3 ANZILOTTI. ; Op. Cit, p. 107. * 4 EHRLICH. ; « l'interprétation des traités, Récueil des cours, Tom 24, Berlin 1928. * 1 ANZILOTTI, Op .Cit, p.116. * 1 EHRLICH, L. ; Op. Cit, pp 5-139 * 2 C I J, Avis consultatif du 3 mars 1950, (Rec. de 1950 p.8). * 1 ANNUAIRE de l'institut de droit international de BATH, 1950, Vol. 43 - 1, p. 433. * 2 Idem, p. 450. |
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