CHAPITRE II
Ancrage culturel africain.
La négritude est un mouvement littéraire et un
concept philosophique qui s'est inspiré de courants socio - culturels,
politiques, artistiques et littéraires. Sa finalité est d'oeuvrer
à la réhabilitation des cultures africaines.
C'est d'abord les Américains noirs comme Langston
Hugues, Countee Cullen, Claude Mac Kay, Jean Toomer, etc. qui ont
exprimé des sentiments de révolte contre les blancs qui les
opprimaient avant que les étudiants africains comme Léon Gontran
Damas, Césaire, Senghor, etc. ne s'affirment à leur tour à
travers leurs oeuvres.
Le mouvement de la négritude était un projet
collectif qui exprimait un instinct de conservation et de développement
historique. Il faut garder non seulement son authenticité mais aussi se
dépasser et s'accomplir. Il faut être et non paraître, tel
était le but affiché par la négritude définie par
Senghor comme étant une manière spécifique
d'« assumer les valeurs de civilisation du monde noir, (de) les
actualiser et féconder, au besoin avec les apports
étrangers » (1997) (11)
La poésie pacérienne s'inscrit dans ce sillage
car elle ne cesse de développer le thème de la fierté
d'appartenir à une civilisation africaine. Cette appartenance doit
entraîner une révolution qui conduit au dépassement,
à l'accomplissement de soi. Pour cela, le poète s'ouvre à
d'autres cultures
(11) L. S. SENGHOR, Liberté 3,
« Négritude et civilisation de l'universel », le
Seuil, Paris, 1997, P270
qui enrichissent la sienne. Toutefois, il veille à la
sauvegarde de sa culture de manière efficace. Il n'hésite pas
à dénoncer tout
ce qui vient la compromettre. Affirmation de soi et
révolte semblent donc caractériser cette poésie qui se
veut universelle.
La célébration d'un passé ancestral, le
recours à un héritage culturel africain sont des indicateurs
assez satisfaisants pour que PACERE soit traité non seulement d'adepte
mais aussi de continuateur de la négritude. Ardent défenseur de
sa culture, le poète ne se lasse pas de fustiger certaines pratiques qui
la tuent. Redonner aux sociétés africaines leur lustre d'antan
est le combat noble qu'il mène et qu'il veut gagner non pas seul mais
avec tous ses frères de race et de culture.
Les oeuvres négro- africaines d'expression
française, depuis la période post - coloniale, présentent
une originalité formelle. Par leur enracinement géographique et
culturel, elles se distinguent des oeuvres de la littérature
française. Les écrivains africains, grâce à leur
culture, confèrent une certaine littérarité à leurs
productions littéraires. Le recours à la tradition orale ou
à des « fragments non traduits du
vernaculaire » (12) permet de rendre spécifique leurs
oeuvres, de leur donner un caractère hybride. Le sceau de la culture
orale traditionnelle marque de façon indélébile les
oeuvres littéraires.
Les écrivains Africains bien qu'ils aient eu un contact
avec la culture occidentale refusent d'être
dépossédés de leur culture, d'être mutilés
par une culture étrangère. Ils n'acceptent pas la
néantisation de leur patrimoine culturel. Ils ont une conscience
culturelle et elle est manifeste dans les
(12) Nora - Alexandre KAZI - TANI, Roman africain de langue
française au carrefour de l'écrit et de l'oral (Afrique noire et
Maghreb), l'Harmattan, 1995.
écrits. Beaucoup d'oeuvres africaines témoignent
de l'influence de la littérature traditionnelle africaine. Et ce qui est
important à signaler c'est leur enracinement culturel. Elles
perpétuent ainsi un héritage culturel.
Compte tenu du constat fait ci-dessus nous pouvons partager la
réflexion de M-a M. Ngal qui dit ceci dans son ouvrage intitulé
L'Errance (13) :
« La science moderne par son rouleau
Compresseur croit avoir anéanti
Ces étages qui avaient tissé les
fibres de notre moi par le
travail des contes, des chants,
des fables, des énigmes, des
forces facéties (...)
C'est que le prétendu rouleau
Compresseur n'atteint pas le
Niveau de créativité de l'Africain.
C'est que le prétendu rouleau
Compresseur n'atteint pas le
Niveau de créativité de l'Africain
Cette sphère qui en elle même
Révèle notre foyer créateur,
Reste hors d'atteinte »
(13) M.a.M. Ngal, l'Errance, Editions Clé,
Yaoudé, 1979, PP11 - 12
Dorénavant l'interprétation des oeuvres
africaines ne se fera plus selon les canons classiques de l'esthétique
occidentale. L'adaptation de l'écriture romanesque et poétique au
discours traditionnel, aux réalités culturelles africaines permet
non seulement de mieux se réaliser, de mieux s'exprimer mais aussi de
s'adresser à un public africain avec lequel on partage un destin commun,
un passé commun et des valeurs communes. Un public étranger se
verra obligé, afin d'accéder au message, d'étudier la
culture qui a inspiré l'écrivain.
Une innovation stylistique remplie de symbolisme constitue
aussi une autre dimension de la spécificité de l'oeuvre. La
métaphore - identification est beaucoup utilisée par les
poètes africains en général et Me PACERE n'en fait pas
l'exception. Leur style est chargé d'images et pour nos prochains
travaux, tous les éléments culturels qui créent un espace
littéraire pour nos littératures nationales feront l'objet de
notre attention. Ils seront recensés et analysés selon leurs
emplois.
Les écrivains Africains font tout pour concilier deux
cultures car un retour en arrière n'est plus possible. Aussi le
poète s'impose - t-il des règles édictées surtout
par son milieu culturel. Il jette le pont entre les cultures et refuse
l'aliénation. Une intégration des valeurs d'ailleurs aux
nôtres doit être prônée. La destruction des valeurs
africaines pour les remplacer par d'autres serait un parricide. Le poète
nous montre l'exemple car il intègre sa culture dans des écrits
d'expression française.
Par le recensement de certaines expressions traduites
littéralement, de « fragments non traduits du
vernaculaire », de symboles et d'images nous rendrons palpable
ce qui vient d'être dit. L'interpénétration culturelle n'a
pas été source de perte d'identité.
II. 1. Traduction littérale
Certaines expressions ou certains termes issus de la langue
natale sont employés par le poète et font la
spécificité du texte littéraire. Ces expressions ou termes
représentent des topoi africains qui renferment des structures de style
et des pensées propres à la littérature traditionnelle
africaine.
Ainsi certaines expressions sont la traduction
littérale de patronymes des Moosé.
« Ceux qui sont étalons »
est une périphrase qui désigne ceux qui portent le nom
OUEDRAOGO.
« Ceux qui espèrent en des lendemains
meilleurs », il s'agit de ceux qui portent le nom
TIENDREBEOGO ;
« Ceux qui occupent la brousse »
sont ceux qui portent le nom YAMEOGO.
« S'ajoutent aux grandeurs », il
s'agit du patronyme du poète PACERE.
Ceux qui ont « le cache - sexe en
fer » désigne les habitants de Piligtenga, village voisin
de Manéga.
Pour une bonne interprétation de ces périphrases
il faut tout un contexte situationnel et culturel.
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