V.2.3. Les crédits connexes
« Des crédits, chez nous, c'est ce
qui marche le plus. Etant donné que pour qu'on t'aide à cultiver
ton champ tu es obligé de préparer du riz et faire une eau bien
sucrée et vu que les cotonculteurs ne disposent pas de liquidité
en saison pluvieuse, nous allons prendre des sacs de riz et des paquets de
sucre avec des commerçants garantissant le paiement par la vente du
coton. Le boutiquier, étant sûr que le coton s'achètera,
accepte le contrat moyennant une petite rélevation des prix ».
La situation ici dépeinte par ce producteur de la quarantaine d'age
résume la stratégie en oeuvre chez de nombreux producteurs. Il
existe en effet un endettement parallèle à celui des intrants
agricoles et qui entre pleinement en ligne de compte de la production
cotonnière. Si certains prennent directement avec des commerçants
des sacs de riz et du sucre, d'autres préfèrent de l'argent
liquide. « Là, c'est sans intérét que l'on
rembourse », nous informe un adepte de cette pratique, producteur
depuis quatre (4) saisons. Cet argent emprunté est soit utilisé
pour les besoins d'une entraide culturale, soit pour d'autres besoins
pressants. Leur dénominateur commun c'est le coton qui est indexé
comme garantie de paiement.
Par ailleurs, alors que les cotonculteurs se réclament
de cette pratique, les non producteurs s'en défendent. « Nous,
prendre des crédits avec des commerçants ! Aucunement. Ni en
espèce, ni en nature. Nous n'avons pas de raison de le faire et
d'ailleurs je ne suis pas sUr que si nous le voulions, ils auraient
accepté de nous accorder ces crédits car nous n'offrons aucune
garantie de solvabilité », soutient un non producteur. Des
raisons de le faire, les non producteurs déclarent ne pas en avoir du
fait que l'entraide dans les champs de vivres est sanctionné, soit par
le dolo (bière de mil) exclusivement, soit par la préparation du
tôt (pâte de mil ou de maïs) et d'une eau sucrée ou non
selon la capacité ou la volonté de l'hôte, chose qu'il sort
chaque jour de son grenier. Etant donné qu'ils n'ont pas d'argent en
vue, les non producteurs déclarent en conséquence « se
débrouiller pour sortir de la maison » de quoi faire face aux
besoins financiers en cette saison pluvieuse.
Ainsi, on peut dire de tout ce qui précède que
le coton constitue en réalité un mirage, un horizon fuyant
inaccessible auquel aspirent les producteurs. Bien que le coton se
présente comme un facteur d'enrichissement dans ce milieu paysan, la
MARI évaluée plus haut nous renseigne sur sa portée
financière réelle. Et si les
paysans le produisent encore, c'est en réalité
parce que le coton s'inscrit dans une logique de mobilisation ou de
rassemblement de richesse extra subsistance plus efficace. Après
déduction des coûts des facteurs de production et de
crédit, beaucoup sont les paysans diabolais qui nourrissent chaque
année le sentiment de campagne manquée.
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