Initiatives diplomatiques et occupation de l'espace africain. le cas du golfe de guinée (2001-2008). une approche de usages géostratégiques de la diplomatie( Télécharger le fichier original )par Théophile Mirabeau Nchare Nom Université de Yaoundé II - DEA sciences politiques 2009 |
SECTION II : INTELLIGENCE GEOSRATEGIQUE ET ANCRAGE DES POSITIONS CONTINENTALES DANS LE GOLFE DE GUINEE
La multiplicité des acteurs dans le golfe de Guinée exige pour la survie de leurs acquis l'intellection du cadre et des logiques géographiques de la région afin d'y assoir leurs positions et neutraliser leurs adversaires. Ainsi, font-ils recours à la géostratégie entant que savoir-utiliser l'espace dans leur conduites diplomatico-stratégiques. Dans ce contexte où les rapports de force et la dialectique des intelligences échappent aux chefs d'Etats de la région, la sauvegarde des intérêts individuels prime sur l'affichage des logiques libérales énoncées. Deux procédés sont de ce fait mis en perspective : l'émulation des postures diplomatico-stratégiques et la construction des infrastructures d'intérêts stratégiques. Paragraphe 1 : L'émulation des postures diplomatico-stratégiquesNous entendons par émulation la propension des grandes puissances à s'égaler ou à se surpasser dans leur conduite diplomatico-stratégique. Sous l'angle réaliste, dans une perspective de fixation continentale, l'analyse des déterminants à l'oeuvre amène à voir avec Raymond Aron la dualité des personnages au travers desquels elle est menée : les diplomates et les soldats232(*). Ainsi, les représentations diplomatiques et la présence militaire des grandes puissances dans les Etats du golfe de guinée ont été pourvues de sens et de puissance. A- Sens et puissance des représentations diplomatiquesDans les pays du golfe de Guinée, la somptuosité des infrastructures abritant les services des chefs de mission diplomatique est asymptotique de l'intérêt de chaque puissance. En conséquence, depuis le regain d'intérêts de ces puissances pour les ressources de la région, celles-ci se sont attachées soient à ouvrir des missions diplomatiques dans les pays où elles étaient jusque là absentes, soient à reconstruire celles existantes et revigorer les attributions et la personnalité de son ambassadeur. Chaque puissance s'attache de ce fait à rivaliser les autres par la magnificence de ses infrastructures diplomatiques. Au Cameroun, en Guinée Equatoriale, au Nigéria et en São Tomé et Principe, les Etats-Unis ont en conséquence construit de nouveaux locaux pour leurs ambassades au courant des années 2002-2003. La sous-secrétaire d'Etat aux affaires africaines, Jendayi Frazer, avait de ce fait effectué une tournée d'inauguration, grandement médiatisée et saluée comme une illustration de l'excellence de leur coopération avec Washington233(*) . En 2002, l'ouverture de l'ambassade américaine à Luanda en Angola par le Secrétaire d'Etat Colin Powel plaçait aussi ce pays dans la ligne de mire de Washington234(*). La Chine, l'Inde et le Brésil quant à elles disposaient en 2008 des ambassades dans tous les pays de la région. La Chine par exemple compte en Afrique 47 ambassades et 7 consulats généraux. Le Brésil quant à lui disposait en 2002 de treize ambassades en Afrique. En 2006 le nombre était passé à trente235(*). Par ailleurs les chefs de mission diplomatique ont été appelés à sortir des sentiers battus de leur profession. La pluralité des puissances en présence à conduit à l'adaptation fonctionnelle de leurs institutions diplomatiques dans des missions géostratégiques. En réalité, c'est au niveau de l'information ; troisième fonction diplomatique traditionnelle après la représentation et la négociation que se situe la fonctionnalisation géostratégique des institutions diplomatiques des puissances en rivalité géopolitique dans le golfe de Guinée. La configuration mouvante des rapports de forces, l'imprévisibilité des issues des dispositifs d'hégémonisation et d'ancrage des acquis géopolitiques ont conduit ces puissances à mettre sur pied dans leurs structures diplomatiques des cellules d'information de circonstance. C'est ce que les Etats-Unis ont appelé Intelligence Preparation of Battlefield (IPB). Fondé sur le Système d'Information géographique ( SIG), il s'agit d'une méthode d'analyse ou d'étude des régions conflictuelles ou susceptibles de devenir un champ de bataille236(*). On peut dès lors comprendre pourquoi les plénipotentiaires occidentaux, sud américains et asiatiques s'intéressent de plus en plus aux dimensions géographiques, environnementales et géospaciales de leurs pays hôtes du golfe de Guinée. Sous le couvert de la protection de l'environnement, les atouts physiques (relief, climat, hydrographie, végétation, etc.), les marqueurs sociaux, culturels, économiques attirent plus que par le passé leur attention, amenant à les assimiler à ces explorateurs qui avaient écumé l'Afrique avant la colonisation pour s'enquérir des meilleures stratégies de prise en possession des territoires et de neutralisation des puissances rivales. Suivant la logique géostratégique du savoir-penser l'espace pour mieux l'utiliser, les représentations diplomatiques dans le golfe de Guinée sont de ce fait devenues des outils majeurs de prospection pour l'élaboration des stratégies de positionnement, d'occupation et de contrôle de la région. * 232 Raymond ARON, Paix et guerre entre les nations, op.cit., pp.17-18. * 233 Au Cameroun par exemple, évaluée à 24 milliards de F.cfa, la nouvelle chancellerie américaine a été inaugurée en février 2006 en présence du président Biya et des hautes autorités de l'Etat. Présence remarquable et unique dans l'histoire du pays, Jendayi Frazer n'avait pas manqué dans son allocution de souligner que c'était la première fois depuis une vingtaine d'années qu'un secrétaire d'Etat adjoint aux affaires africaines prenait part à une cérémonie d'une telle envergure. Pour le président Biya, « La nouvelle ambassade était le « véritable reflet de l'excellence des relations entre le Cameroun ». Dans un communiqué de presse, la nouvelle chancellerie, était pour l'Ambassadeur Niels Marquardt « une preuve de plus de l'engagement clair et ferme des Etats-Unis aux cotés du Cameroun. Les Etats-Unis ont « l'intention d'être ici pour toujours ». Voir Alexis NZEUGANG, « Une lecture de la coopération américano-camerounaise depuis 2001:contribution à l'étude des dimensions pétrolière et militaire », Mémoire de Master II en Science politique, Université de Yaoundé II, 2006, pp.14-15.. * 234 Eric MARCLAY, « Visées américaines sur l'Angola : Enjeux sur l'arrière-scène mondiale », in Chaire Raoul Dandurand des études stratégiques et géographiques, http://www.dandurand.uqam.ca fichier PDF, consulté le 8 août 2009. * 235 Elisa DRAGO, « Afrique - Amérique du Sud: L'Union fait la force », op.cit., p.1. * 236 Sur le sujet lire dans Wikipédia, « Géostratégie », http://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9ostrat%C3%A9gie, consulté le 28 mai 2009. |
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