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L'impact religieux et socio-économique de l'épiscopat de monseigneur Paul Etoga sur le développement de la mission catholique de Nlong de 1995 a 1987

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par Joseph Hervé NGAH EKANI
Université Yaounde I - DIPES II 2007
  

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B- L'organisation religieuse et socio-économique

Lorsque les missionnaires arrivent à Nlong comme partout ailleurs, ils trouvent dans la localité une organisation religieuse et socio-économique établie. C'est celle des Beti qui nous intéresse ici.

1-Les rites et traditions religieuses

Comme tous les Beti, les Ewondo et les Eton de Nlong croient à l'existence d'un créateur suprême ; car le Beti ne connaît pas une société civile, la sienne étant toujours religieuse, c'est-à-dire rattachée à des forces religieuses13. C'est dans le contact avec la puissance invisible que l'homme beti agit avec efficacité dans son milieu de vie. La nature de cette puissance est qu'elle peut être partout présente, dans la matière organique ou non, dans l'ici bas et dans l'au-delà14. Cette puissance se manifeste et se communique dans la liturgie de la religion Beti à travers des rites. Nous nous proposons ici d'analyser quelques rites importants :

13 I. Tabi, Les rites Beti au christ. Essai de pastorale liturgique sur quelques rites de nos ancêtres, Paris, St. Paul, 1991, p. 6.

14 E. Dammann, Les religions de l'Afrique, Paris, Payot, 1978, p. 16.

a- Le so

Ce rite de démonstration, de courage, de ruse et de débrouillardise était réservé aux hommes. En effet, comme le dit P. Laburthe Tolra : « Tout garçon beti était tot ou tard admis par sa famille à devenir un homme complet en subissant le grand rituel d'initiation connu sous le nom de so »15

Le so se déroulait en plusieurs étapes qui se faisaient à des intervalles plus ou moins longs. Ce rite était vécu par les Beti comme le centre de leur vie. Le rituel consistait à amener des jeunes garçons en brousse. On choisissait alors un arbre sous lequel on construisait une voûte. Celle-ci avait au dessus, des arbustes ayant des fourmis et des insectes qui piquent. Et le long de cette voûte, qui mesurait une centaine de mètre, le jeune garçon devait marcher nu pendant que les initiés tenus aux abords secouaient les supports. Les insectes, les épines tombaient sur le jeune garçon qui ne devait ni courir, ni crier, ni pleurer, mais devait dire so, je serai un homme »16 tout au long de sa marche. Au sortir de la voûte après un aller-retour, un initié ayant un objet pointu venait tracer les balafres sur le dos du garçon. Après cette phase, d'autres cérémonies suivaient. A la fin, le jeune garçon sortait de la brousse sous les acclamations de joie qui signifiaient que ce dernier était déjà un homme accompli selon la tradition beti.

Cette pratique fut interdite par les autorités coloniales car selon les missionnaires, elle détournait les populations des règles religieuses. Les femmes avaient à leur tour un rite le mevungu.

b- Le mevungu

Réservé aux femmes, le mevungu était très différent du so dans la mesure où les femmes se mariaient très tôt et allaient loin de leur famille d'origine. Le

15 P.Lburthe Tolra, Initiation aux sociétés secrète au Cameroun. Essai sur la religion Beti, Paris, Karthala, 1985, p.229

16 Ibid.

mevungu se présentait pour ses adeptes comme une célébration du clitoris et de la puissance féminine17.

Le rituel consistait à amener les jeunes filles dans une brousse. La mère du mevungu réclamait un secret absolu, elle se mettait alors nu en invitant l'organisatrice et les candidates à l'imiter. Elle allumait un grand feu autour duquel on plaçait un paquet à réchauffer. Ensuite, on passait à la cérémonie des invocations en transperçant le paquet d'aiguilles de raphia en disant : « Si je suis une mère coupable, mevungu emporte moi », « si j'ai donné l'evu à tel ou tel enfant, mevungu emporte moi », « celui qui m'a fait telle ou telle chose mevungu tue le moi ou bien couvre-le d'abcès ».

Après cette phase, les femmes mangeaient ce qu'elles avaient préparé et dansaient toute la nuit en sautant au dessus du feu18. Nous devons mentionner ici que le mevungu était célébré quand le village était dur, aled en beti, c'est-à-dire quand rien ne poussait dans les champs, aucun gibier n'était pris dans les pièges, les femmes étaient trop malades ou stériles.

Le mevungu était l'affaire des femmes parce qu'elles étaient assimilées à la procréation. Et cette procréation que ce soit des animaux en brousse ou des nourritures des champs, est rapprochée par P. Laburthe Tolra à la fécondité de la femme, car si la femme est féconde, c'est parce qu'elle est efficace auprès de la nature et des ancêtres. Les autorités coloniales ont vu à la pratique de ce rite une façon de se détourner du christianisme et l'ont interdit.

c-Le tsoo

Le tsoo est un rite de purification ou de la prévention d'une souillure par la famille, soit à la suite du meurtre d'un parent, soit à la suite d' un suicide ou d'une mort violente et sanglante (accidents de travail, de circulation, noyade...). En plus de l'accident, la souillure est parfois contractée par l'infraction de l'interdit sexuel touchant un membre de la famille. Et pour savoir que quelqu'un

17 Ibid, p. 327.

18 P. Laburthe,Tolra, Initiation aux Société secrètes au Camerouni. p.330.

avait contracté cette souillure, il y avait une augmentation des maladies, de décès des jeunes et des stérilités dans la famille.

Pour remédier à toutes ces situations, on pratique le tsoo. Ce mot vient du mot tsag qui signifie écraser. Les éléments du rite étaient écrasés et mélangés. Cette potion était alors bue par les membres de la famille et les participants du tsoo. Le reste était versé dans un cours d'eau qui devenait zone interdite appelée en Eton bina jusqu'à la levée de l'interdit, deux à trois ans après.

Par ce rite, les Beti de Nlong voulaient prévenir le mal. Nous pouvons dire de ce fait que le beti était conscient qu'au départ, il vivait en harmonie avec Dieu et il lui a manqué de respect. Et pour se libérer de cela, il fallait faire le tsoo et suivre ses interdits. C'est pourquoi, nous pouvons rapprocher le tsoo à la liturgie chrétienne qui veut que le pécheur reconnaisse sa faute et par la suite qu'il fasse pénitence pour que ses péchés lui soient pardonnés. En plus du tsoo nous avons également l'esié

d- L' esié

L' esié est un rite de pénitence et de réconciliation par la purification en vue de libérer un malade et en obtenir une guérison dans une échéance brève19. Dans ce cas, chaque membre de la famille entretient avec le malade des plaintes et des griefs qu'il porte contre lui. Après cela, l'enquête se tourne vers le malade lui-même pour comprendre les causes de sa maladie, car il en sait lui-même peut être quelque chose. En suite l'initiateur du rite donne publiquement le résultat et dit que justice soit faite. Le malade est alors envoyé se faire soigner là où il veut. La guérison prompte est indiquée. Le « oui » que toute la famille professe est la réconciliation des coeurs et toute la famille dit unanimement : « qu'il vive, dans tant ou tant jours qu'il se relève »20 . Ensuite on égorge un cabri (bouc) dont le sang est mêlé à l'eau et servira au bain du malade. Pour ce qui est de la viande, elle est partagée à tous les assistants et le coeur est réservé au malade.

19 I. Tabi, Les rites Beti au christ. Essai de pastorale liturgique. p. 21.

20 Ibid.

L' « ésié » se rapproche dans la liturgie chrétienne, à la confession et à l'onction du malade pratiquée par les prêtres. La confession générale après laquelle, on procède au sacrifice de réconciliation, prépare le malade donc le pécheur à recevoir l'eau de la purification de la paix et de la santé.

Nous constatons que les rites religieux des populations de Nlong sont pour la plupart semblables aux cultes catholiques. Qu'en est il de la société Beti ?

2- L'organisation socio-économique

A l'arrivée des missionnaires catholiques les habitants de Nlong menaient dans chaque famille des activités économiques.

a- Une société patriarcale

Les Beti de Nlong ont une société où l'autorité se transmet de père en fils. Dans chaque famille (Mvog), il y a le père fondateur qui a une autorité sans contestation au sein de la famille. Ce chef de famille est appelé mot dzal c'est- à-dire l'homme du village comme le prouve ce proverbe Beti : « A chaque bosquet son écureuil mâle»21. Au dessous de ce chef de famille, il y a ses épouses ; car la famille est essentiellement polygamique. En 1955, la pratique de la polygamie persistait à Nlong alors que les missionnaires combattaient énergiquement ce fléau qu'ils qualifiaient de social. Pour abolir ce régime matrimonial des mesures avaient été prises avec la création des sixa et l'isolement des familles polygamiques.

Ces épouses connaissaient entre elles une hiérarchisation basée sur le rôle que chaque femme au sein de la famille.

On avait alors :

- l 'Ekomba qui est la femme dont le travail a enrichi l'homme ;

- l 'Ebeda-ekomba, celle qui a été dotée par le père ;

- la troisième Mpeg désigne la préférée. C'est elle qui réside dans la case du père de famille ;

- la dernière catégorie est constituée des femmes délaissées qui vivent dans la concession.

Après les épouses, il y a les enfants qui sont aussi hiérarchisés en fonction du sexe et de l'âge. Nous avons également les dépendants mintobo. Ce sont les gens venus s'installer dans le village ; ils travaillent au compte de la famille. Nous avons enfin les esclaves beloua ou les esclaves.

b- L'agriculture de subsistance

Les populations de Nlong pratiquaient l'agriculture sur brûlis qui est un système agricole qui consiste à défricher un pan de la forêt ou de la brousse et à mettre le feu sur les friches desséchées avant de labourer et enfin semer. Il y avait ici une répartition du travail entre les hommes et les femmes22. En fait les hommes défrichaient les zones destinées aux cultures, mettaient le feu sur les friches. Les femmes quant à elles venaient alors labourer et semer. On cultivait le macabo, le manioc, l'igname, la patate, le plantain, la banane douce, le maïs, l'arachide, etc, et les fruits comme les oranges, les mangues,... La production agricole était complétée par la chasse.

c- La chasse

La chasse est une activité réservée aux hommes. Elle est pratiquée de plusieurs manières23. Il y a d'abord les pièges appelés en Beti melam qu'on faisait dans un coin de la brousse et on venait surveiller de temps en temps si les animaux ont été pris. Une autre technique consistait à creuser les trous que l'on recouvrait légèrement afin que les animaux de passage tombent à l'intérieur.

22 Brigitte Ngah, 88 ans, agricultrice, N long le 11 mai 2007.

23 Marc Ekani, 63 ans, militaire retraité, Nlong le 15 mai 2007.

Nous avons également une autre technique praticable uniquement en saison sèche, qui consistait à mettre le feu dans un pan de la brousse après l'avoir encerclé. Cette technique est appelée en Eton nsan. Tout comme la chasse, la pêche faisait aussi partie des activités des populations de Nlong.

d- La pêche

Elle se pratiquait aussi bien par les hommes que par les femmes. Mais les Techniques sont différentes selon le genre qui pratique24. Les hommes pratiquaient la pêche à la ligne appelée nlob et les femmes quant à elles pratiquent la pêche qui consiste à barrer une portion de la rivière à l'aide des troncs d'arbustes, du feuillage et de la boue25. Ensuite la partie isolée est asséchée à l'aide des récipients et quand elle est presque sèche, les femmes attrapent les poissons qu'elles mettent dans un type de panier appelé en Eton nkouma. Cette pêche s'appelle en Eton alok et a la particularité d'être pratiquée uniquement en saison sèche.

Au terme de cette analyse, force est de constater que l'univers socioculturel et économique des Beti est régi par ses caractéristiques propres d'où sa spécificité. Nous notons un peuplement disparate aux activités économiques correspondant à une société de consommation, un système de répartition de travail entre les hommes et les femmes. Cette société est par ailleurs religieuse où la vie de l'individu est marquée par l'omniprésence de l'invisible sur fond du visible. Le dialogue avec les ancêtres se fait au moyen des rites. Le ntondo obé, seul Être suprême est l'expression d'une religion traditionnelle monothéiste. C'est dans cet état d'équilibre parfait que les missionnaires vont arriver.

24 Entrtien avec Brigitte Ngah.

25 Entretien avec Marc Ekani.

CHAPITRE II. L'EVANGELISATION DE NLONG, DES
ORIGINES A 1955

L'idée de la création d'une mission catholique à Ngulmakong vient du chef Tsanga Manga II1. En effet au cours d'une de ses tournées pastorales, Monseigneur François Xavier Vogt2 s'arrêta à Mbama à Ngulmakong chez le chef Tsanga Manga II. Ce dernier profita de l'occasion pour demander à l'évêque la création d'une mission catholique dans son territoire3. Emerveillé par l'accueil et par l'hébergement, Monseigneur F.X. Vogt garda un bon souvenir de son séjour à Ngulmakong. De retour à Yaoundé, il exauça la demande du chef en créant un poste catéchiste dans la localité en 1923. Ce poste fut dirigé par Joseph Zoa4 . Par la suite, il procéda à la création d'une mission catholique autonome en 1926. Cette mission avait un double objectif : la conversion des populations de Nlong au catholicisme et la création des oeuvres à caractère social et économique.

I. L'ARRIVEE DES MISSIONNAIRES A NGULMAKONG

L'arrivée des missionnaires à Ngulmakong fut précédée par l'arrivée du chef catéchiste Joseph Zoa.

1 Tsanga Manga II était le chef des Eton Il s'était installé à Ngulmakong grâce au chef Bassa, Matip. Ce dernier était en conflit avec les Ewondo. Le chef Tsanga Manga II aurait empêché l'attaque de ce dernier par les Ewondo. Par reconnaissance, les Bassa vont céder à Tsanga Manga II leur territoire de Ngulmakong faisant de lui le chef de ce territoire.

2 Monseigneur F.X. Vogt est né le 3 Décembre 1870 à Marlenheim. Il arrive au Cameroun après la Première Guerre Mondiale avec la nouvelle congrégation des Pères du Saint Esprit. Il coiffe cette congrégation des Pères du Saint Esprit au Cameroun.

3 Abbé Théodore Léandre Nzié, 40 ans, curé actuel de la paroisse de Nlong, Nlong le 6 Décembre 2007.

4 Joseph Zoa est né vers 1885 à Simbock près de Mendong à Yaoundé. Jeune diplômé de l'école supérieure des moniteurs de Yaoundé, il arrive à Ngulmakong avec le titre de chef catéchiste.

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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King