Recommandations
L'approche théorique confortée par les
résultats de l'enquête menée sur le terrain a
fait apparaître le décalage existant entre les nouveaux concepts
apportés par la réforme et la réalité du terrain
qui révèle la non préparation du Personnel de
Santé.
Au travers des lectures précédentes, il
transparaît que le changement passe un apprentissage de nouvelles formes
d'action collective et qui suppose l'acquisition de nouvelles capacités.
Ce processus nécessite du temps et la mise à disposition de
moyens tout au long de ce processus.
Donc, au regard des éléments
précédents, nous pouvons confirmer
que : « Le changement ne se décrète
pas, il s'anticipe, se prépare, s'accompagne ».
L'objectif de ce chapitre est de dégager des axes de
réflexions qui nous permettront, avec le temps imparti, de
réduire les résistances ( ou les non-acceptation) du changement
imposé « d'en haut », par la préparation et
l'accompagnement. Au vu de l'approche théorique et de l'étude du
terrain il transparaît de façon claire un certain nombre de
thèmes clés, incontournables et impératifs dans toute
réussite du changement souhaité, qui seront étudiés
ci après.
Néanmoins, ceci reste tributaire d'un certain nombre de
conditions indispensables dans la mise en oeuvre des Réformes par
l'institutionnalisation des différentes Dispositions contenues dans le
Rapport Préliminaire du Conseil National de la Réforme
Hospitalière afin de réussir à mettre en oeuvre le
changement souhaité.
Autrement dit, il est plus que nécessaire
d'inscrire le changement dans un Projet Institutionnel et de construire un
environnement propice à son développement.
Parmi les thèmes clés qui ont surgi à
travers notre approche théorique confortée par les
résultats enregistrés sur le terrain, nous notons :
- L'information - Communication ;
- La formation ;
- Amélioration des Conditions du travail ;
- La valorisation Financière ;
- L'intéressement.
Donc, on peut avancer à dire qui si l'individu
constitue un frein au changement, il en est sans nul doute le vecteur, à
condition qu'on arrive à mettre en place un plan d'actions qui doit
s'inscrire dans une politique institutionnelle permettant la création
d'un environnement favorable à l'épanouissement et à
l'acceptation du changement par l'individu.
Par notre modeste travail, ici présent, et afin de
respecter rigoureusement les objectifs, que je me suis assigné, ce plan
d'actions doit s'articuler principalement sur trois principaux axes, qui de mon
simple avis, sont incontournables, pour la préparation de
l'élément humain engagé dans un processus de
changement.
Ces trois axes sont :
1) Information - Communication
2) Formation
3) Accompagnement
1) Premier Axe :
Information - Communication
« La réussite de la mobilisation collective
autour d'un projet de changement suppose une phase d'explication des raisons
de l'entreprise de Modernisation, une connaissance des caractéristiques
du système de Santé, ainsi qu'un diagnostic partagé de la
situation de l'hôpital, des enjeux de son évolution, des
défis qu'il doit relever, enfin une appréciation de l'importance
des efforts à réaliser » citation extraite du livre
intitulé « Réussir le changement de
l'hôpital »par George Arbuz et Denis Debrosse .
L'objectif est de rendre l'information accessible à
tous, tout en étant attentif à répondre aux questions des
professionnels de Santé. A partir là, il devient
nécessaire de mettre en oeuvre, destiné à ces
professionnels, une politique d'information sur les problèmes de
Santé mais aussi sur les enjeux de la Réforme du système
de Santé.
Cette politique d'information, d'ailleurs ne peut être
fondée sur un seul moyen de Communication, ni être confiée
à une seule personne.
En effet, la communication ne doit pas être
négligée car elle représente un facteur de réussite
ou d'échec important. Plus elle sera organisée et plus elle
permettra de limiter le phénomène de
« Rumeur » qui est souvent générateur de
résistances et de non-acceptation du changement souhaité. Comme
disait George Nizard : « Comment favoriser le changement
(...) ? Par l'ouverture aux idées, l'exposition aux informations,
la liberté laissée à des acteurs qui ont envie d'oeuvrer
au sein du système, l'autonomie accordée aux
sous-ensembles »..
Dans le même ordre d'idée, il
est important que chacun ait une idée précise des thèmes
abordés par la réforme, des enjeux sous jacents, des atouts ainsi
que des opportunités et de pertinence de sa mise en oeuvre. Comme le
souligne Micher Crémadez dans son livre : « les
Clés de l'évolution du monde hospitalier », je
cite : « Un professionnel dans ce genre d'organisation
peut opposer, à tout changement dont il ne verrait pas
la nécessité, une force d'inertie pratiquement
incontournable ».
Cependant, il ne s'agit pas de distribuer de l'information il
est nécessaire que le message soit compris. Pour cela, il
faut « adapter les systèmes d'information à une
stratégie, c'est le mode de décodage et la valeur relative de
chaque type d'information », citation tiré du livre de Mr
Thévenot intitulé « la culture
d'entreprise ».
Tous s'accordent sur la nécessaire mise en place d'une
stratégie d'information et de Communication, ayant pour objectif de
sensibiliser, d'expliquer, de convaincre, de persuader et de faire
adhérer afin de rendre possible la participation de tous les acteurs de
la Santé et à tous les niveaux de la hiérarchie
Sanitaire.
En outre, il est primordial que cette stratégie ne doit
en aucune manière occulter le Retour d'information. Ce
retour d'information est décisif pour la définition des
problèmes, le suivi et l'évaluation des résultats dans le
domaine qui nous intéresse.
2) Deuxième Axe :
La Formation
Une démarche de changement ne peut s'instaurer de
façon durable sans être soutenue par une démarche de
formation. Ces deux démarches doivent être accordées.
Malheureusement, force est de constater qu'il n'existe pas à ma
connaissance une réelle politique de formation pour accompagner les
réformes. Certes, des actions de formation ont été
réalisées, mais elles s'ajoutent les unes aux autres de
façon ponctuelle, sans s'inscrire dans une véritable
stratégie.
Autrement dit, il n'y aura pas de démarche de
changement, s'il n'y a pas de Politique Nationale de Formation.
La démarche du changement et la démarche de
formation nécessaire à sa mise en OEuvre doit se
référer à des conceptions et à des méthodes
qui ne doivent pas s'improviser.
Dans ce cadre, un certain nombre de disposition devraient
être prises afin de Faciliter une Stratégie de formation dans tous
les Etablissements.
a) La formation des Cadres de Direction et des
Médecins :
En effet, la mise en oeuvre des Réformes est tributaire
à l'engagement et à l'implication des Directeurs et des
Médecins. Or, ce ne sont pas quelques conférences, ni même
quelques brèves journées ici et là, d'information et de
sensibilisation, qui permettent l'acquisition des connaissances et des
méthodes indispensables à la compétence requise pour une
démarche de changement initiée par les différents
thèmes de la Réforme Hospitalière.
Donc, pour préparer l'avenir, une véritable
formation doit être envisagée.
Ainsi, pour les Cadres gestionnaires la formation initiale
doit comportait des programmes composés d'un enseignement
théorique et méthodologique conséquent sur les conceptions
de la Santé, sur le management participatif, sur la réflexion
Stratégique, sur l'animation de projet, sur les méthodes et
Stratégies de formation.
Cette formation de base devrait être
complétée par une formation continue en cours d'emploi pour
réactualiser les connaissances dans ces domaines.
Pour les Médecins Spécialistes occupant, ou
appelé à occuper, des postes de Chefs de Service, une formation
importante dans ces mêmes domaines doit être prévue, ainsi
que dans les principales méthodes de gestion utilisées à
l'hôpital.
b) La formation des Responsables de
formation :
Au moment où nos Etablissements de Santé se
trouvent en attente de transformation décisive par la mise en place des
réformes de notre Système de Santé, il devient urgent que
les responsables de formation soient suffisamment préparés
à une mission primordiale mais difficile pour l'avenir de nos
Etablissements.
En effet, une formation appropriée et
préparée avec la participation des cadres de direction ayant
déjà acquis une solide expérience dans le domaine de la
formation, devrait être créer afin de répondre aux demandes
exprimées par les établissements pour exercer les fonctions de
responsables de formation.
Celle ci doit être ouverte non seulement pour les cadres
gestionnaires, mais également aux Médecins et aux responsables
paramédicaux qui souhaiteraient se consacrer à la formation.
Parmi les domaines de connaissances indispensables à
une compétence de responsables de formation à l'hôpital, on
cite : l'évolution des conceptions et des pratiques de
Santé, leur approche philosophique, l'évolution des professions
de Santé, la psychologie ainsi que la psychosociologie du changement,
les nouvelles approches en sociologie des organisations, l'évolution des
pratiques du management, la démarche Stratégique, les
méthodes de formation ainsi que la gestion de celle-ci.
En conclusion, la formation est restée une fonction
secondaire dans la plupart de nos établissements. En effet, même
les objectifs institutionnels actuels de formation restent des réponses
au coup par coup à des Besoins sectoriels, peu intégrés
à une vue d'ensemble des changements attendus et nécessaires.
Donc, il est temps pour que la formation soit
considérée comme une exigence collective et que sa mise en oeuvre
ne peut plus se faire selon le modèle habituel, mais nécessite
une démarche stratégique globale et participative.
Il y va de l'avenir de nos hôpitaux mais aussi de
l'avenir des pratiques de Santé.
3) Troisième Axe :
l'Accompagnement
Les bouleversements induits par le changement qui implique la
mise en place de nouvelles règles de fonctionnement, une modification
des connaissances engendre une dimension émotionnelle non
négligeable chez les Professionnels de Santé, nécessitant
impérativement la mise en place d'un accompagnement de ces derniers.
Cet accompagnement, par expérience, se traduit par le
fait d'être à l'écoute de l'autre, de ses désirs, de
ses souhaits, de ses capacités ou potentialités, ce qui lui
permettra à faire les bons choix aux bons moments.
D'autant plus que ces mêmes Professionnels de
Santé sont aussi les premiers acteurs du processus du changement. Pour y
contribuer dans les meilleures conditions, ils doivent apprendre à
maîtriser une somme de connaissances et de techniques relatives à
la conduite du changement. Pour y arriver, il est impératif qu'une
communication de proximité soit instaurée d'une part et d'autre
part de privilégier la formation adaptée à chaque
thème et à chaque Corps.
Cet accompagnement est nécessaire pour les aider
à accepter le changement et à faire évoluer leurs
façons de faire et leur comportement, et demande par certains moments
qu'il soit individuel.
a) La Communication de
Proximité :
En effet, la Communication est l'élément qui
facilite, voire qui rend possible la mobilisation, la participation, de
diminuer ou de supprimer les résistances et de mettre en exergue les
enjeux sous jacents des Réformes.
Cette Communication doit avoir comme objectif principal de
clarifier la vision qui va guider le changement. Il ne suffit de se limiter
« à la simple information ».
La Communication doit porter sur l'ensemble des
éléments abordés dans la mise en oeuvre du processus des
Réformes, chaque professionnel de Santé doit avoir une
connaissance et une compréhension aussi complète que possible
sur ce processus entamé.
C'est cette façon de faire, devrait être la plus
honnête, qui pourra produire le déclic attendu afin de les faire
contribuer activement et de réduire leurs inquiétudes.
Mais cela, reste insuffisant. En effet, il faut que cette
Communication serve en plus à Informer tous les acteurs de l'avancement
du processus et cela tout au long de la durée du changement.
Ceci permettra à chaque professionnel de Santé
d'acquérir une connaissance globale et claire du changement,
réduisant ainsi les effets négatifs produits par la
« rumeur ».
Ainsi, chacun pourra évaluer le chemin parcouru et
celui restant à parcourir, d'appréhender les écarts avec
les prévisions arrêtées et donc se situer par rapport
à l'avancement général.
C'est par ces actions de Communication qui permettront la
réussite du changement par implication de tout à chacun.
Dans ce sens, si on arrive à instaurer une
stratégie de Communication qui est ouverte, réceptive et
interactive elle facilitera l'engagement du Personnel de Santé dans le
changement.
En effet, selon F. Kourilsky« Les
problèmes de résistance au changement résultent le plus
souvent de Communications inappropriés. ».
Autrement dit, le personnel responsable doit pouvoir
accompagner humainement le Changement. Il doit notamment faire preuve
d'écoute, il doit être connu pour ses valeurs et qu'il soit
vigilant quant aux messages qu'il véhicule.
Concernant ce dernier point, le message, pour être
compris correctement, il doit tenir compte du cadre de référence
du Récepteur. Autrement dit, il est souhaitable que le message soit
ciblé, c'est à dir,e il faut que les informations à
transmettre soient sélectionnées et adaptées en fonction
des professions et des Secteurs d'activités destinataires.
De plus, la Communication permet la valorisation des efforts
individuels ou de groupe qui se sont inscrits dans la dynamique du
changement.
Enfin, la Communication a besoin d'être à la
fois verticale, horizontale et diagonale ; descendante, ascendante et
transversale ; Globale, locale et partielle.
Tout cela suppose la mise en place indéniable d'une
organisation et la mise à disposition de moyens voués
exclusivement à la Communication.
b) La Formation
Adaptée :
L'apport théorique cumulé à
l'expérience personnelle a mis en exergue que la préparation de
l'individu doit passer inexorablement par la formation.
Ce qui nous fait dire que celle ci reste un puissant vecteur
d'adaptation de l'individu aux réalités de l'heure. Seulement,
cette formation doit répondre aux besoins des individus, tout en
permettant une certaine interactivité et qu'elle fasse apparaître
« un retour sur investissement ».
C'est à dire, il faut que les acteurs mettent en
pratique leurs apprentissages pour faire évoluer leur situation de
travail.
De plus, la formation est souvent utile pour apaiser les
inquiétudes, encourager l'ouverture au changement, extraire les
individus de leurs comportements routiniers et susciter ainsi leur
mobilisation et donc leur participation à ce processus.
En outre, j'insiste sur l'importance du contenu de la
formation en conduite du changement. Celui ci doit être défini en
fonction de la nature du processus du changement et de son intensité.
Tout en tenant compte du niveau de responsabilité des acteurs et de leur
rôle dans la hiérarchie hospitalière. Elle doit être
proposée d'abord aux principaux acteurs impliqués dans le
processus du changement puis généralisé à
l'ensemble du personnel de Santé.
Ce qui permettra de créer un environnement
professionnel propice à l'acceptation par l'individu tout en lui
facilitant l'adaptation au changement et à l'accélération
de celui ci.
De ce qui précède, nous pouvons dire que la
formation et la Communication constituent des leviers essentiels
d'accompagnement pour faire évoluer les attitudes et les comportements,
permettant ainsi une plus grande acceptation du changement par les individus.
Pour pouvoir réussir dans ce sens, il faut aboutir à ce que
« le chef d'hier doit aujourd'hui laisser place à la
personne ressource, au stratège et au Pédagogue ».
(F.Kourilsky )
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