I-2- Expériences de quelques pays de
référence
Cette section mettra en évidence l'expérience
de certains pays en matière de libéralisation du secteur
financier, notamment les pays d'Asie du SUD-EST et le Chili, pays
d'Amérique latine.
I-2-1- Expérience des
pays d'Asie du Sud-est
Les mécanismes de libéralisation
financière mis en oeuvre par les économies d'Asie du Sud-est,
à travers surtout la suppression du contrôle des mouvements de
capitaux, la déréglementation des taux d'intérêt et
le relâchement des coefficients de réserves obligatoires
imposés aux banques, a indéniablement profité à
l'activité productive de ces pays.
En Corée, par exemple, la libéralisation des
taux d'intérêt s'est faite entre 1991 et 1993 et avec elle la
modification du taux des réserves obligatoires qui est passé
d'environ 30 % en 1990 à 7 % en 1996. De la même façon, les
pays asiatiques se sont inscrits dans le processus de mondialisation
financière en adoptant des politiques d'élargissement de la
concurrence entre les institutions financières. Ainsi,
l'Indonésie et la Malaisie ont-elles assoupli les conditions
d'entrées dans le secteur bancaire en 1988 et 1989, tandis que la
Corée et la Thaïlande modéraient, respectivement en 1991 et
1993, les restrictions jusque-là imposées sur l'activité
des banques étrangères en leur sein (Chang, Velasco, 1998).
L'ouverture financière s'est avant tout traduite, pour
l'ensemble des pays asiatiques, par des entrées remarquables de
capitaux. Les cinq pays du sud-est asiatique que sont l'Indonésie, la
Corée du sud, la Malaisie, les Philippines et la Thaïlande ont vu
les flux de capitaux tripler dans la première moitié des
années 90, passant d'environ 25 milliards de dollars en 1990 à 66
milliards en 1996. Pour la période 1995-96, ces pays ont
bénéficié de flux nets de capitaux privés
équivalents, en moyenne à 6,6% de leur P.I.B (Chang, Velasco,
1998).
Les flux massifs de capitaux vers les pays du Sud-est
asiatique ont rapidement conduit, grâce à une croissance rapide
des crédits domestiques et à la transformation efficiente de
l'épargne en investissements productifs, à la performance
économique de ces pays, ce que retracent favorablement les
agrégats macroéconomiques recensés dans le tableau
1. La combinaison d'importants flux de capitaux et des taux
d'investissement intérieurs élevés mesure combien, dans la
première moitié des années 90, l'ouverture
financière a été efficace en matière de croissance
économique pour ces pays. En Malaisie, par exemple, la FBCF passe de 37
% du P.I.B. en moyenne sur la période 1990 - 95 à plus de 42 % en
1996.
Tableau 1 : Quelques
données macroéconomiques des pays d'Asie du Sud-est
|
Croissance réelle du PIB
|
inflation
|
Solde budgétaire
|
Epargne/PIB
|
Investissement
/ PIB
|
|
1985
|
90-95
|
1996
|
1997
|
1998
|
90-95
|
1996
|
90-95
|
1996
|
90-95
|
1996
|
90-95
|
1996
|
Indonésie
|
2.5
|
7.3
|
8.0
|
4.9
|
13.7
|
8.6
|
6.4
|
-0.2
|
0.0
|
28.4
|
30.6
|
33.4
|
32.7
|
Corée
|
6.2
|
7.7
|
7,1
|
5,0
|
-5,8
|
6,4
|
4,9
|
-0,5
|
0,2
|
35,4
|
33,9
|
36,5
|
36,8
|
Malaisie
|
-0,1
|
8,8
|
8,6
|
7,8
|
-6,7
|
4,0
|
3,6
|
-0,4
|
-0,5
|
34,6
|
40,6
|
37,0
|
42,2
|
Philippines
|
-7,4
|
1,8
|
5,7
|
5,1
|
-0,5
|
10,7
|
8,4
|
-2,2
|
-0,5
|
19,1
|
22,7
|
22,5
|
23,9
|
Thaïlande
|
4,9
|
8,5
|
5,5
|
-1,3
|
-8,0
|
5,1
|
5,9
|
2,6
|
1,5
|
28,6
|
31,5
|
40,3
|
42,5
|
Sources : FMI et J. P Morgan, Chang, Velasko
(1998), Little, Olivei (1999).
Progressivement insérés dans l'économie
mondiale, l'ensemble des pays asiatiques enregistre, à la veille de la
crise financière qui les frappera de plein fouet en 1997, des
performances économiques remarquables, mesurées par une
croissance rapide, une inflation modérée, des finances publiques
solides, une épargne élevée et des secteurs productifs en
progrès.
En 1996, les économies asiatiques font, en outre,
preuve de situations fiscales et monétaires saines comme l'indiquent,
dans le tableau 1, et l'évolution favorable des réserves
internationales rapportée par le tableau 2 suivant.
Tableau 2 : Les
réserves internationales des pays asiatiques en milliards de dollar
Années
|
Indonésie
|
Corée
|
Malaisie
|
philippines
|
Thaïlande
|
1990
|
7459
|
14793
|
9754
|
924
|
13305
|
1991
|
9258
|
13701
|
10886
|
3246
|
17517
|
1992
|
10449
|
17121
|
1722
|
4403
|
20359
|
1993
|
11263
|
20228
|
27249
|
4676
|
24473
|
1994
|
12133
|
25639
|
25423
|
6017
|
29332
|
1995
|
13708
|
32678
|
23774
|
6372
|
35982
|
1996
|
18250
|
34037
|
27009
|
10030
|
37731
|
Sources: World development indicators
(2005), FMI, Chang, Velasko (1998), Little, Olivei (1999).
On constate qu'avant 1996 dans les données statistiques
disponibles pour l'Indonésie, la Corée, la Malaisie, les
Philippines ou encore la Thaïlande, la libéralisation
financière est sans nul doute en mesure de tenir ses promesses en faveur
de l'inscription d'une économie sur le chemin de la croissance. Les
événements récents le rappellent, en dépit de bons
indicateurs macroéconomiques, les économies asiatiques sont
passées, en l'espace de quelques mois, du statut de
référence des marchés financiers à celui de
victimes de la crise financière (Reisen, 1998). La libéralisation
financière a laissé s'exprimer le pire. La montée des
risques est-elle le corollaire de la libéralisation financière?
Aujourd'hui beaucoup d'économistes s'accordent à dire que
l'ouverture financière des pays asiatiques s'est faite de manière
trop brutale et mal maîtrisée et les tentatives d'explication des
causes de la survenance de crises sont maintenant nombreuses.
A l'état des données statistiques disponibles
sur les pays d'Asie du sud-est, il nous semble que ce sont l'affaiblissement
des bilans des banques asiatiques en raison des entrées massives de
capitaux et d'une ouverture financière désordonnée, d'une
part, et d'impardonnables fautes dans les stratégies de prêts des
pays qui les ont satisfaits d'autre part, qui sont avant tout à
incriminer dans l'instabilité et la vulnérabilité des
systèmes qui se mettent en place. Qu'elles soient de nature interne ou
externe, les causes de la crise financière asiatique tiennent
principalement à une réglementation trop vite laxiste et, par
conséquent au non-respect de l'« ordre optimal » de la
libéralisation financière, garant de la réussite de
celle-ci (Bernou et Grondin, 2001).
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