Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé( Télécharger le fichier original )par Audrey Arnoult - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006 |
5. Libération : la performance de l'anorexique, une performance insenséea) Internet, un adjuvant de l'anorexiqueLibération ne s'intéresse pas plus aux pratiques de l'anorexique, à sa performance qu'aux causes de l'anorexie. Sans rien mentionner qui pourrait tenir lieu de commencement, les allusions à l'idéologie de la minceur et aux mannequins anorexiques, que nous avons évoqués dans l'analyse du destinateur, laissent deviner que pour le journal l'anorexie débute par un régime. Deux articles seulement nous donnent quelques indications quant aux pratiques anorexiques. Dans Les fans de l'anorexie servent leur soupe sur le Web556(*), Libération se contente de citer les témoignages qui se trouvent sur les sites pro-anorexiques. Ainsi, nous pouvons lire : « J'aime sentir mes os saillir. J'aime me sentir vide. J'aime me dire que j'ai passé une journée sans manger. J'aime perdre du poids ». Ici, en citant ces paroles au discours direct, le journal prouve que des propos qui pourraient paraître invraisemblables, sont pourtant véridiques. L'anaphore du mot « j'aime » reflète la dépendance de l'anorexique à son comportement, un processus psychique que nous avons déjà évoqué. Ce témoignage met en valeur la recherche du sentiment de légèreté et l'addiction au jeûne, une addiction que le titre suggère en qualifiant les anorexiques de « fans ». D'ailleurs, dans un autre article, le journal confirme cette dépendance. Ce n'est « pas à une substance que l'anorexique est dépendante mais bel et bien à son propre comportement »557(*). Un second témoignage permet d'illustrer les stratégies de dissimulation et de manipulation auxquelles se livrent les anorexiques comme celle de « tromper [sa] faim ». Un détail a retenu notre attention : Libération précise que ces sites sont le lieu d' « échanges de photographies » et de « conseils pour maigrir et maigrir encore ». Internet est ici présenté comme une source d'apprentissage pour les anorexiques donc un adjuvant dans la réalisation de la performance. En effet, au cours de la phase de l'engagement dans la prise en main, les anorexiques recourent à différentes sources de documentation pour trouver des informations qui leur permettent de se forger leur hygiène de vie. C'est pourquoi les sites Internet jouent ici le rôle d'adjuvant, permettant aux malades d' « enrichir » leurs pratiques. Un expert confirme effectivement que ces sites « entretiennent ceux qui sont déjà anorexiques ». * 556 Libération, 20 août 2001, p. 15. * 557 Libération, 3 février 2005, p. 10-11. |
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