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Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé

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par Audrey Arnoult
 - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006
  

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4. L'Humanité : entre le discours propre et le témoignage de Clara

a) Un premier mode de commencement : le régime

Dans les articles de L'Humanité, nous retrouvons deux des modes de commencement de l'anorexie évoqués par M. Darmon : le régime et « ne pas commencer tout de suite par un régime ». Le régime est le mode de commencement que le journal évoque le plus souvent. Dans le premier article de la période, il apparaît de façon implicite : le journaliste fait uniquement référence à la lecture des magazines féminins et explique que l'anorexie est « diagnostiquée chez les femmes quand le printemps revient »548(*). L'allusion au printemps nous permet de déduire que les femmes deviennent anorexiques suite à un régime. Deux articles du corpus viennent confirmer cette hypothèse : L'Humanité désigne explicitement le régime comme modalité de commencement : « un régime de trop, trop long et on bascule dans l'enfer »549(*), et évoque ces « jeunes femmes, qui après plusieurs régimes souffrent d'anorexie et d'anémie, accompagnés des troubles divers »550(*). L'Humanité n'aborde pas les autres phases de la carrière de l'anorexique.

b) Le témoignage de Clara, une illustration des pratiques anorexiques

La seconde façon de « commencer » correspond à ce que M. Darmon nomme « commencer mais pas par un régime » : Clara a commencé à perdre du poids suite à une opération pour les dents de sagesse551(*). Ensuite, ses propos révèlent le cercle vicieux du comportement anorexique car elle dit : « en une semaine j'ai perdu cinq kilos, et ça ne s'arrêtait plus » puis elle précise que « les gens qui font des régimes sont contents quand ça s'arrête, mais là, il fallait que ça descende encore, et encore ». D'un côté elle donne l'impression de vouloir perdre du poids de façon consciente (emploi du pronom personnel « je ») mais de l'autre, elle semble sous soumise à un processus qu'elle ne peut pas contrôler (tournure impersonnelle « ça »). La jeune fille nous donne peu d'indications quant à ses pratiques. L'une concerne son activité sportive : « je forçais sur le ski pour brûler des calories », et l'autre sa restriction alimentaire : « je ne mangeais presque pas », des pratiques qui permettent à Clara d'atteindre son objectif : perdre du poids. Cependant, très vite cette restriction n'apparaît plus comme volontaire : « elle ne pouvait pas manger », « je ne peux pas » et « ce n'était plus parce que je ne voulais plus grossir, mais parce que je ne pouvais pas ». Cette dernière phrase illustre le basculement qui se produit au cours de la maladie : l'anorexique passe d'une phase de restriction volontaire qu'elle contrôle à une phase de « restriction agie » où elle est contrôlée par la maladie. La performance n'est plus du ressort du pouvoir faire ni du vouloir faire.

Cet article est le seul qui relate la phase du maintien de l'engagement. En effet, des indications sur le poids de Clara scandent le récit : « en une semaine, j'ai perdu cinq kilos », « l'été d'avant la terminale, je suis descendue à 44 kilos », et « je suis descendue à 39 kilogrammes en un mois ». Cette accumulation de données chiffrées met en valeur la vitesse de l'amaigrissement. Généralement, c'est au cours de cette phase que l'adolescente est étiquetée anorexique et que son comportement est stigmatisé comme déviant. Or, ici aucun terme péjoratif ne vient qualifier les pratiques de Clara de déviantes. De plus, les parents et les amis ne sont pas présentés comme des anti-sujets mais tentent au contraire d'aider Clara : « mes parents, mes amis me demandaient : `comment peut-on t'aider ?' ». Ils essaient de comprendre le comportement de leur fille : « pourquoi est-ce que tu ne manges pas ? ». Les pratiques de dissimulation, de leurre ou de manipulation propres à cette phase, qui permettent à l'actant sujet d'atteindre son objectif, ne sont pas évoquées. Seules des phrases telles que « C'est pas grave, ça va revenir » ou « ça va bien, ça va bien » mettent en évidence « l'aveuglement » de Clara. La notion de déni, couramment employée par les médecins pour désigner cet aveuglement, ne figure pas ici. Le recours au témoignage permet de ne pas stigmatiser Clara puisque c'est elle qui raconte sa propre histoire, ne laissant « aucune » place pour l'intervention du journaliste. Cependant, nous avons déjà signalé que L'Humanité n'infirmait pas les propos de Clara et que cet article faisait figure de dissonance dans l'ensemble du corpus.

* 548 L'Humanité, 7 avril 1993.

* 549L'Humanité, 7 septembre 2000.

* 550 L'Humanité, 1er avril 1999.

* 551L'Humanité, 27 juin 2000.

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