Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé( Télécharger le fichier original )par Audrey Arnoult - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006 |
b) Des pratiques qui deviennent plus discrètesTous les agents que nous avons mentionnés vont constituer un « réseau de surveillance » et user de stratégies pour inciter l'anorexique à reprendre du poids. Les parents vont d'abord se montrer conciliant et essayer d'instaurer un dialogue. Cette stratégie est souvent vaine et les rapports entre l'adolescente et ses parents deviennent conflictuels. Les professionnels peuvent menacer d'hospitalisation pour faire réagir la jeune fille. Quelles que soient les stratégies employées, toutes participent à une stratégie plus générale de surveillance de l'anorexique. Un véritable réseau de surveillance se constitue : plus le temps passe et plus les agents sont nombreux. Au cours de cette phase, l'anorexique conserve ses pratiques et maintient son engagement cependant, elle doit faire un « travail de discrétion »489(*) pour pouvoir continuer malgré les alertes et la surveillance. Elle doit rendre moins perceptible ses pratiques considérées comme déviantes. Ce « travail de discrétion » aboutit souvent à un « travail de leurre »490(*) : l'anorexique finit par mentir, par faire semblant, voire par s'exclure de tous les endroits où elle est surveillée. C'est pourquoi, l'adolescente est souvent qualifiée de manipulatrice, de menteuse ; elle semble nier sa maladie. En réalité, la plupart des médecins s'accordent aujourd'hui pour dire que ce mécanisme de déni est inconscient. L'anorexique n'a pas conscience de sa maigreur et affirme que tout va bien. Ainsi, nier qu'elle est malade ne signifie pas mentir. Inconsciente de la gravité de son état, elle ne s'inquiète pas de sa perte de poids et continue à être très hyperactive. Comme nous l'avons mentionné, à ce stade de l'anorexie, l'adolescente n'a plus de prise sur la maladie. Les médecins mettent l'accent sur le rapport paradoxal qu'elle entretient avec la nourriture : elle a peur de grossir et de manger mais la nourriture est une obsession qui envahit ses pensées. Ainsi, Maria Hornbacher explique : « ne croyez jamais une anorexique ou une boulimique qui vous dit qu'elle déteste manger, c'est faux. On est habité par la nourriture. Au lieu de manger, on ne pense qu'à ça »491(*). * 489 Idem, p. 210. * 490 Idem, p. 210. * 491 HORNBACHER citée par TONNAC, [2005], p. 32. |
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