Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé( Télécharger le fichier original )par Audrey Arnoult - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006 |
c) Le « maintien de l'engagement »Après « l'engagement dans la prise en main », la jeune fille décide de continuer, de maintenir l'engagement. M. Darmon nomme cette seconde phase, la phase du « maintien de l'engagement » qui se fait grâce à un travail « réfléchi et volontariste »474(*) qui prend diverses formes. L'auteur distingue « le travail sur les techniques »475(*) et « le travail de mesure »476(*). Il serait trop long de détailler toutes ces pratiques anorexiques d'autant plus qu'elles varient d'un cas à un autre même s'il existe des points communs. Nous n'exposerons donc que les pratiques les plus courantes. Ce que la sociologue nomme « travail sur les techniques » correspond à une intensification et une rationalisation des techniques de perte de poids utilisées dans la première phase. Par exemple, l'anorexique comptabilise de façon encore plus systématique la valeur calorique des aliments en s'appuyant les informations qu'elle peut trouver. C'est d'ailleurs souvent dans la presse féminine que l'adolescente se documente sur les différents types de régime, les valeurs caloriques des aliments... Ainsi, nous pouvons dire que la presse féminine est un adjuvant de l'anorexique, grâce à laquelle elle acquiert progressivement le savoir-faire. Plus ses connaissances diététiques augmentent, plus elle sélectionne les aliments. Elle pratique une véritable rationalisation de ses consommations alimentaires (pesée, calcul des calories, diminution de ses portions alimentaires...). A côté de cette restriction alimentaire, elle intensifie ses pratiques sportives et s'investit de plus en plus dans ses études. « Le travail de mesure » concerne la mesure des résultats obtenus par les pratiques que l'adolescente a mises en oeuvre. Quatre instruments lui permettent d'évaluer la transformation de son corps : la balance, la glace en pied, les vêtements et la comparaison avec les autres477(*). Sans entrer dans les détails, ce travail de mesure permet l'anorexique de se fixer de nouveaux objectifs et de radicaliser sa prise en main si elle juge les résultats pas assez satisfaisants. Le « travail sur les techniques » et le « travail de mesure » supposent tout deux une forte volonté de la part de la jeune fille qui contrôle et maîtrise tous ses gestes. Les notions de contrôle et de maîtrise sont particulièrement importantes car elles constituent le fondement du comportement anorexique. M. Darmon précise que l'engagement est certes maintenu mais aussi enduré, il ne va pas de soi. Les jeunes filles se forgent des habitudes qui les aident à maintenir leur engagement. Par exemple, elles se créent des dégoûts pour certains aliments qu'elles appréciaient auparavant ; elles mettent en place diverses stratégies pour oublier leur faim... Il ne faut pas oublier que contrairement à ce que l'étymologie du mot « anorexie » laisse entendre, la faim ne disparaît pas et les anorexiques luttent activement contre cette sensation. Le maintien de l'engagement est « un travail de la personne sur le temps [qui] peut devenir un travail du temps sur la personne »478(*) car la mise en place de pratiques, l'instauration d'un nouveau « `régime de vie' »479(*) va transformer les habitudes de la jeune fille et se traduire par l'incorporation de dispositions. Un basculement s'opère : l'adolescente ne se contrôle plus mais elle est sous l'emprise de sa maladie. Le contrôle devient une seconde nature, « la maladie a pris le pouvoir et c'est désormais elle qui dirige l'existence de la jeune fille anorexique. Cependant, elle leurre cette dernière en lui faisant croire qu'elle agit pleinement de son libre-arbitre »480(*) (cf. Annexe n°7, témoignage n°7). * 474 DARMON, [2003], p. 143. * 475 Idem, p. 143. * 476 Idem, p. 154. * 477 Idem, p. 156. * 478 Idem, p. 165. * 479 Idem, p. 166. * 480 PERILLAT, Audrey, Les dimensions narcissiques et identitaires dans l'anorexie mentale, mémoire de fin d'études de psychologie, Ecole de psychologues praticiens, Lyon, 2004, p. 19. |
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