Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé( Télécharger le fichier original )par Audrey Arnoult - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006 |
b) Une nouvelle définition du « facteur socioculturel »Le facteur socioculturel est la seconde cause de la maladie qui apparaît dans les discours de Santé Magazine. Nous avons montré que plusieurs quotidiens, en particulier L'Humanité, accusaient très nettement la presse magazine d'être à l'origine de l'anorexie des jeunes filles. C'est pourquoi, il est intéressant de voir comment le magazine se positionne par rapport à cette hypothèse. En 1991, il présente explicitement le contexte socioculturel comme facteur déclencheur de la maladie. Celle-ci « est liée au contexte socioculturel qui favorise une image de la restriction, de la maîtrise de soi, de bonne santé, où les messages préventifs tournent autour de la restriction alimentaire »447(*). La norme qui serait imposée est celle de la restriction alimentaire. Ainsi, le sens que confère le magazine au terme « facteur socioculturel » diffère de celui que lui accordent les autres quotidiens. En effet, il semble difficile que Santé Magazine définisse le facteur socioculturel comme l'imposition de normes corporelles, l'idéologie de la minceur car cela reviendrait à se désigner comme destinateur. C'est pourquoi, au début de la période ce sont les parents qui sont accusés de valoriser un certain idéal corporel. Nous avons remarqué que dans les articles suivants, la définition du facteur socioculturel évolue mais n'inclut toujours pas la presse magazine. C'est alors la « publicité » que Santé Magazine dénonce car elle « n'arrange rien », « elle montre des mannequins sveltes, longilignes », « quant à la mode, elle n'est conçue que pour les minces ! ». Le terme de « publicité » est ambiguë car il peut désigner à la fois la publicité à la télévision mais également la publicité qui se trouve dans la presse magazine, ce qui là encore reviendrait à se désigner comme destinateur. Finalement, le magazine préfère écarter l'hypothèse d'un facteur socioculturel de l'anorexie et prétend qu'« on accuse beaucoup la mode de la minceur qui incite de nombreuses adolescentes à vouloir maigrir pour ressembler à leurs (top) modèles, mais ce courant (bien que significatif) ne serait qu'un paramètre parmi d'autres d'ordre purement psychologiques »448(*). Cette phrase révèle la contradiction dans laquelle est pris le magazine : d'un côté, il veut écarter le contexte socioculturel comme facteur de l'anorexie ; de l'autre, il ne peut nier qu'il y a bien une influence de la mode sur les adolescentes. Il faut attendre l'article suivant soit quelques années plus tard pour qu'il écarte définitivement l'éventualité d'une influence du contexte socioculturel avec cette phrase : « l'adolescent choisit la nourriture comme objet de maîtrise [...]. Ce choix particulier de l'aliment n'est en rien motivé par l'obsession de l'image de son corps »449(*). Le verdict est sans appel, la mode n'est pas le destinateur de l'anorexique, ainsi Santé Magazine rejoint la position de La Croix. * 447 Santé Magazine, n°182, février 1991, p. 54-55. * 448 Santé Magazine, n°244, avril 1996, p. 70-71. * 449 Santé Magazine, n°311, novembre 2001, p. 100-105. |
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