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Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé

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par Audrey Arnoult
 - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006
  

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b) Le siècle des maladies mentales

Si de nombreuses disciplines naissent au XIXème siècle, c'est celle des maladies mentales qui domine largement, d'où l'appellation siècle des névroses pour désigner le XIXème siècle. Les névroses sont des « affections caractérisées par des conflits qui inhibent les conduites sociales et qui s'accompagnent d'une conscience pénible des troubles » et « suivant la prédominance de tel ou tel symptôme, on distingue l'hystérie, l'hystérie (ou névrose) d'angoisse, la névrose obsessionnelle et la névrose phobique »73(*). L'hystérie est la névrose qui a retenu le plus l'attention des médecins à cette époque. Elle se définit comme une « névrose caractérisée par la traduction dans le langage du corps des conflits psychiques (manifestation de conversion) et par un type particulier de personnalité marquée par le théâtralisme, la dépendance et la manipulation de l'entourage »74(*). Cette pathologie n'est pas spécifique au XIXème siècle puisqu'elle existait déjà dans l'Antiquité. Hippocrate l'avait alors décrite comme la maladie propre aux femmes privées de relations sexuelles. Au Moyen Âge, les hystériques sont considérées comme possédées par le Diable. L'augmentation du nombre de femmes affectées par cette maladie et son caractère particulièrement démonstratif explique l'intérêt que les médecins lui portent au XIXème siècle.

Cette maladie les laisse quelque peu perplexe car si toutes les patientes sont des jeunes femmes, les symptômes qu'elles présentent sont tellement différents qu'il est impossible de classer cette pathologie. Charles Lasègue et Pierre Briquet sont les premiers à s'intéresser à l'hystérie, même si aujourd'hui c'est plutôt le nom de Jean-Martin Charcot qui y est associé. C. Lasègue fait entrer cette pathologie dans le champ des maladies mentales et pense de cette maladie qu'elle est indéfinissable tant la variété des symptômes est étendue, et l'évolution imprévisible. P. Briquet ira plus loin en lui attribuant une origine nerveuse. En 1870, J.-M. Charcot se penche à son tour sur cette maladie et la classe dans les affections du système nerveux. Cependant, malgré cet effort classificatoire, l'hystérie reste entourée d'un profond mystère et J.-M. Charcot dira lui-même à la fin de sa vie que « la notion d'hystérie telle que la concevait la Salpêtrière était caduque et devait être révisée »75(*). Les dernières leçons de J.-M. Charcot laissent penser qu'il s'est tourné vers une hypothèse psychologique. La compréhension de l'hystérie ne s'arrête pas à la mort de J.-M. Charcot : Sigmund Freud et Pierre Janet prennent le relais et explorent d'autres hypothèses étiologiques. S. Freud montre que l'hystérie naît d'une confrontation entre des souvenirs refoulés et la réalité. Nous n'entrerons pas plus dans le détail de cette maladie qui ne concerne qu'indirectement notre sujet. Le mystère de cette maladie, le nombre de femmes affectées, la variété des symptômes permet de comprendre pourquoi l'hystérie a concentré toutes les attentions au XIXème siècle. Elle va occuper le devant de la scène éclipsant les autres maladies ou les intégrant dans son champ. En effet, l'étendue des symptômes était telle que toutes les manifestations somatiques et psychiques avaient tendance à être interprétée comme un symptôme hystérique, ce qui explique pourquoi l'anorexie a été qualifiée d'anorexie hystérique pendant plusieurs années.

Ce rappel historique du contexte médical au XIXème siècle nous permet de mettre trois choses en évidence : d'une part, la qualification de l'anorexie comme entité clinique ne pouvait se faire avant le XIXème siècle puisqu'elle nécessitait des connaissances étiologiques qui n'existaient pas encore. Ensuite, c'est au XIXème siècle que la femme et son corps deviennent l'objet de préoccupation médicale alors qu'au Moyen Âge, le corps, assimilé à la tentation et au péché, ne justifiait aucune attention. Enfin, l'importance accordée à l'hystérie permet de comprendre pourquoi il faut attendre le XXème siècle pour que l'anorexie devienne une identité clinique distincte.

* 73 Le Petit Larousse Compact, [1993], p. 697.

* 74 Idem, p. 528.

* 75 BONDUELLE, Michel ; GELFAND, Toby ; GOETZ, Christopher, Charcot un grand médecin dans son siècle, Paris, Editions Michalon, 1996, p. 182.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote