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Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé

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par Audrey Arnoult
 - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006
  

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b) La guérison semble peu probable

Libération considère que l'anorexie « n'est pas incurable mais peut-être mortelle »680(*). Nous pouvons d'ores et déjà noter que le « mais » contribue ici à insister sur le risque de mortalité, reléguant ainsi l'éventualité de la guérison au second plan. De plus, le quotidien parle de la guérison sur le mode de la négation contrairement à Santé Magazine qui affirme que l' « on en guérit ». Le recours à la négation tend à effacer l'aspect positif de la guérison. La suite de l'article confirme que le quotidien attache plus d'importance au risque de mortalité car il ajoute que « 7 à 10% des ados meurent [de l'anorexie]. Soit par arrêt cardiaque à cause de la dénutrition, soit par suicide. 70% des anorexiques retrouvent un poids normal et une alimentation équilibrée, mais la moitié conserve toutefois des difficultés psychologiques (dépression, phobie, hypersensibilité, paranoïa..). Cette citation appelle plusieurs remarques. Tout d'abord, cet article est très court, obligeant donc le journaliste à concentrer les informations qu'il souhaite nous donner. Nous devons donc noter qu'ici Libération choisit de nous livrer plus de précisions sur la mortalité que sur la guérison en elle-même. Ensuite, la structure de la phrase, l'utilisation du « mais » contribue une fois encore à mettre l'accent sur les conséquences négatives de l'anorexie. Enfin, il est important de souligner que Libération emprunte ces chiffres à P. Jeammet dans son livre Anorexie, boulimie, les paradoxes de l'adolescence, nous avons donc comparé les propos de cet auteur avec l'article de journal. Il en ressort que le quotidien a délibérément supprimé des indications. En effet, P. Jeammet précise que le suicide concerne « presque exclusivement les anorexiques ayant des excès de boulimie »681(*), que dans 20% des cas l'anorexie se chronicise et que les difficultés psychologiques sont plus ou moins importantes et durables. Quant à la dépression, il signale que ce sont plutôt « des troubles d'ordre dépressifs se rattachant à une `déprime' de fond plus qu'à un syndrome dépressif majeur qui reste relativement rare (5 à 10% des cas) ». « [La] dépression, [la] phobie et [la] sensitivité » sont « plus ou moins associés »682(*). Ainsi, la reprise des propos de P. Jeammet au discours indirect libre, permet au quotidien d'éluder certaines informations. Nous pouvons y voir une volonté de dramatiser la maladie en donnant l'impression au lecteur que les chances de guérison sont infimes au regard de toutes les complications qui peuvent subsister.

Il est intéressant de noter que dans la même édition, Libération consacre un article entier au livre de P. Jeammet que nous venons d'évoquer. Cette fois-ci, le quotidien se réfère à l'ouvrage du médecin de façon plus rigoureuse et prend en compte les éléments précédemment « oubliés ». Cependant, ce sont toujours les aspects négatifs de la maladie qui sont mis en valeur. Par exemple, il mentionne que dans 20% des cas l'anorexie peut devenir chronique, « ces patientes étant toutes leur vie en proie à de très grandes difficultés psychiques ». Ces précisions sont exactes et formulées par P. Jeammet en ces termes cependant, le journal occulte des éléments pourtant essentiels. D'une part, l'auteur précise que la chronicité de l'anorexie ne dépend pas de la durée de la maladie mais de l'état psychique de la malade. Une anorexique, malade depuis plusieurs années, mais qui accepte d'être hospitalisée n'est pas considérée comme une anorexique chronique. En outre, l'anorexie chronique n'est pas irréversible, des personnes touchées par la maladie depuis plus de dix ans peuvent un jour guérir. Enfin, grâce à l'amélioration des traitements l'anorexie chronique est en train de diminuer683(*). D'autres détails ont retenu notre attention dans cet article : le quotidien écrit que « sans compter le fait qu'une proportion importante de celles qui s'en sortent fait des rechutes... ». Il met encore une fois l'accent les aspects négatifs de la guérison et de façon erronée. En effet, les rechutes font partie intégrante de la guérison et ne signifient en aucun cas que l'adolescente ne va pas guérir. Un dernier détail est tout aussi frappant. Le quotidien énumère les symptômes qui persistent même quand les anorexiques retrouvent un poids normal, et écrit : « sans compter l'alcoolisme et parfois une pratique toxicomaniaque ». Le livre de P. Jeammet (dont il est toujours question) ne dit rien de tel et nous n'avons trouvé dans la littérature médicale aucune trace de la tendance à l'alcoolisme des anorexiques.

* 680 Libération, 5 à 13% des adolescents atteints, 3 février 2005, p. 27.

* 681 JEAMMET, [2004], p. 170.

* 682 Idem, p. 173.

* 683 Idem, p. 170.

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