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Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé

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par Audrey Arnoult
 - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006
  

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3. Le Figaro : la prise en charge de l'anorexie, une étape peu détaillée

a) Une seule modalité de prise en charge : la séparation familiale

La prise en charge thérapeutique de l'anorexie ne fait l'objet d'aucun article en particulier dans le corpus du Figaro. Un seul discours de presse657(*) propose comme traitement de la maladie « la séparation d'avec le milieu familial » qui est « déterminante ». L'objectif de cette séparation est double : permettre à la malade de manger sans qu'elle culpabilise et rompre « le lien ambivalent développé avec la famille ». Il faut préciser que c'est encore aux dires de P. Jeammet que recourt le quotidien pour aborder cette phase de la maladie. Cependant, si ces propos ne sont pas ceux du quotidien lui-même, la façon dont il les introduit est relativement neutre, ce qui peut laisser penser que Le Figaro acquiesce. La séparation d'avec le milieu familial est la seule modalité de traitement « évoqué » dans les articles du corpus. Dans un second article, le journal se contente de faire allusion à « une hospitalisation et une prise en charge globale ». Le terme de « globale » renvoie à l'association d'une prise en charge nutritionnelle et psychologique. Ces propos amènent deux remarques : la phase de la prise en charge de l'anorexie est évoquée de manière succincte et partielle puisque la séparation à laquelle le journal fait allusion ne représente qu'une possibilité parmi d'autres. Contrairement à Santé Magazine qui s'attache à présenter toutes les possibilités offertes aux malades, Le Figaro propose une vision très réductrice de la façon dont les anorexiques sont prises en charge.

b) L'anorexie, une maladie difficile à soigner

A deux reprises, le quotidien suggère que l'anorexie est une maladie difficile à soigner. Une première fois elle est qualifiée de « mal-être psychologique si complexe à analyser et difficile à combattre »658(*), ce qui peut expliquer la « démission » du journal qui préfère ne pas se prononcer et occulter la phase de la sanction. La difficulté à prendre en charge cette maladie l'empêche de proposer un discours argumenté et de nous dire quel traitement thérapeutique il privilégie. Nous avons trouvé deux autres phrases dans le corps des articles qui permettent de mieux comprendre le « silence » du journal. L'anorexie est « un mal face auquel [notre] société n'est pas assez armée pour lutter »659(*) et « le personnel de l'Education nationale est souvent désarmé pour déceler ce genre de trouble »660(*). Nous pouvons faire deux remarques : d'une part, les termes « armée », « lutter », et « désarmé » renvoie au combat et donc à la difficulté de soigner et de dépister cette maladie. D'autre part, c'est ici l'impuissance de nouvelles figures qui nous est signifiée. Le ne pas pouvoir narratif de la société et de l'Education nationale résulte d'un manque de compétence, qui les empêche de mettre un terme au programme narratif de l'anorexique. Evoquer leur impossibilité à agir est une façon de dire que l'anorexie est une maladie grave contre laquelle tout le monde doit se mobiliser, aussi bien la société civile et que les acteurs institutionnels. Le Figaro n'en appelle pas explicitement au gouvernement comme le fait L'Humanité mais salue l'initiative du Ministre de la Santé qui a lancé « une série de mesures destinées à renforcer la médecine scolaire »661(*), parmi lesquelles se trouve le « dépistage » de l'anorexie. Enfin, en insistant sur la difficulté de soigner cette maladie, le Figaro justifie en quelque sorte son silence. Si la société n'est pas assez armée pour lutter contre l'anorexie, il ne peut guère fournir une représentation de la prise en charge.

Un des articles du corpus a retenu notre attention car il met en valeur la résistance d'une anorexique à la prise en charge662(*). Plusieurs termes soulignent l'impuissance des acteurs du corps médical et de la société civile. Ainsi, les services sociaux ont « vainement tenté de [...] porter secours » à Malika ; l'une de ses visites à l'hôpital s'est « soldée par un échec » car les deux soeurs ont refusé l'aide proposée. C'est à nouveau un ne pas pouvoir faire narratif qui est souligné, et explicitement dit : « conscients du danger, mais impuissants à lutter contre ces velléités autodestructrices », les médecins n'avaient finalement pu que leur adresser une lettre de mise en garde. Cet épisode nous met en présence de l'un des programmes narratifs évoqués, celui d'une anorexique qui refuse les soins et poursuit son objet : maigrir. Les termes « conscients » et « impuissants » soulignent la difficulté à laquelle est confronté le corps médical : ne pas réussir à soigner des anorexiques qui refusent les soins et mettent ainsi leur vie en danger, un problème que Libération qualifie de « déontologique ». Ce récit est le seul à nous fournir quelques éléments sur la relation patients-soignant, une relation spécifique puisque justement elle ne parvient pas à s'établir. C'est donc encore la difficulté que souligne le quotidien et qui peut expliquer qu'il n'aborde quasiment pas la question de la diversité des traitements thérapeutiques.

* 657 Le Figaro, 25 avril 1997.

* 658 Le Figaro, 27 mai 2000.

* 659 Le Figaro, 1er juin 2002.

* 660 Le Figaro, 26 février 2003.

* 661 Le Figaro, 28 février 2003.

* 662 Le Figaro, 21 novembre 1998.

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