L'importance des portes.
Le film est ponctué par les entrées et sorties
des protagonistes. Celles-ci donnent une respiration au statisme
général du film. Le cinéaste fait des plans sur les portes
à chaque fois qu'elles s'ouvrent où se ferment. La porte tient
lieu de rideau ajouté à la vie réelle. Elle annonce un
changement. Comme au théâtre, elle renforce l'impression de
mouvement et l'importance de celui qui entre dans la séquence. Elle fait
la transition d'une scène à une autre par l'entrée d'un
troisième personnage qui interrompt la discussion en cours. Aux
Funambules, le régisseur prévient Baptiste et Nathalie qu'ils
doivent bientôt entrer en scène marque la transition d'une
scène à une autre par l'entrée d'un troisième
personnage qui interrompt la discussion en cours. Le travail du
régisseur est mis en valeur par son entrée. Il joue le rôle
important du coordinateur. Il fait le lien entre les coulisses et la
scène. Nous nous attendons à le revoir souvent faire de
brèves apparitions, pour rappeler à l'ordre les comédiens.
Les portes sont souvent filmées en
plan moyen. L'entrée du couple Lacenaire/Garance au
Rouge- Gorge se fait notamment, en plan moyen. Prévert précise,
dans le scénario paru dans L'Avant-Scène Cinéma, que le
criminel fait là une entrée très réussie.
L'extrême lenteur des déplacements des comédiens d'un
endroit à l'autre d'une même pièce accentué par le
choix des plan de la caméra. Le plan en mouvement panoramique, agrandit
les lieux. Quand le comte de Montray entre dans le boudoir de Garance. On le
voit refermer la porte derrière lui. La pièce semble immense. La
caméra suit son déplacement en panoramique. Le mouvement des
portes qui s'ouvrent et se ferment sur les entrées et sorties des
protagonistes ajoute une respiration obligeant les spectateurs que nous sommes,
à avoir le regard contemplatif du poète. L'importance
donnée aux portes nous confirme que le lieu de l'action tient une place
prépondérante et qu'il variera peu.. L'entrée dans une
pièce correspond à l'entrée en scène d'un
personnage dont la présentation se passe de commentaire, la vision
suffit pour nous donner une idée du personnage. Ainsi dans
l'échoppe de l'écrivain, la porte s'ouvre en plan moyen sur
Jéricho. On le voit entrer dans les moindres détails. Il est
voûté. L'hypocrisie se dégage de son personnage.
L'exposition.
Poussés sans doute davantage par une volonté
perfectionniste de souci du détail, Carné et Prévert ont
recourt aux scènes d'exposition. Par exemple, nous sommes
informés qu'une agression va avoir lieu en deux temps. Lacenaire se
prépare à tuer l'encaisseur dans l'appartement qu'il a
loué au Grand- Relais. Cette séquence nous annonce l'action qui
va suivre. Le criminel explique à son complice la démarche
à suivre, comme s'il s'agissait d'une mise en scène dont il
serait l'instigateur. Lacenaire donne ses dernières consignes de jeu
à son comédien.
Lacenaire : Alors, compris, il frappe, j'ouvre, tu frappes
à ton tour. Et si besoin est je termine la chose.
Après l'agression, Au Lionceaux du Temple,
Lacenaire fait u n débriefing à son comédien
Avril.
Dans la cour du Grand-Relais, Mme Hermine, en bonne concierge
qui ne faillit pas à sa réputation, est en grande discussion avec
sa voisine. Elle fait la gazette de son hôtel. Cette séquence sert
à nous expliquer comment Lacenaire a mis en place son plan.
D'après la description que la gérante fait d'un certain M.
Forestier qui a loué un appartement, quinze jours plus tôt, et
qu'elle n'a vu que deux fois, nous
comprenons qu'il ne peut s'agir que de Lacenaire à :
Parfait... d'une distinction ! On comprend que Madame
Hermine n'a pas beaucoup d'estime pour Garance. Pour la logeuse, Garance n'est
qu'une mangeuse d'hommes, mal élevée, dont
Frédérick Lemaître est la victime.
Mme Hermine : Quand je pense à la manière dont
elle a embobiné ce pauvre M. Frédérick.
Nous percevons déjà le parti pris de Madame
Hermine en défaveur de Garance de Madame Hermine après
l'agression, lorsqu'elle est questionnée par le commissaire.
L'utilisation de cartons avec des frisures, à l'instar
du cinéma muet, nous résume l'époque
précédente. Les cartons font la transition entre la
première et la seconde époque. Ce procédé est
repris par la suite dans des mises en scène de théâtre,
notamment pour Brecht.
Prévert, pour susciter notre intérêt
à l'histoire, et garder notre attention en éveil, nous sert des
coups de théâtre.
A l'auberge du Rouge-Gorge, Garance veut danser. Et c'est
Baptiste, hors-champ, qui lui propose la danse avant même que Lacenaire
n'ait eu le temps de donner une réponse.
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