III. La mise en abîme.
Le rideau ne s'ouvre pas sur la scène de
théâtre. Il nous plonge dans la vie grouillante du boulevard du
Temple. Le théâtre va se jouer sur deux plans : la ville et le
lieux théâtre.
La vie du quartier décrit dans Les Enfants du
paradis se mélange avec le théâtre. Fil de Soie joue
à être un mendiant dans la rue pour gagner un peu d'argent.
L'auberge du Rouge- Gorge devient un champs de bataille dont l'enjeu est de
récupérer une femme.
La vie et le théâtre sont des spectacles qui se
font échos, en se nourrissant l'un de l'autre. Le théâtre
fait partie intégrante de la vie des personnages. Ils y jouent
l'histoire de leur vie, notamment dans la pantomime Le Palais des Mirages
qui met en place l'intrigue amoureuse qui relie à trois personnages
: Garance, magnifique statue en déesse aimée par deux hommes. Le
premier se tait, transi d'amour. Le second arbore le sourire jovial de celui
qui sait charmer de ses belles phrases.
Le théâtre s'immisce dans la vie pour
témoigner contre l'injustice. Garance accusée à tort, est
disculpée par la pantomime de Baptiste. Enfin, Frédérick
Lemaître vit à travers ses personnages. Il joue publiquement son
désaccord
avec le texte de l'auberge des Adrets et la façon
de jouer des comédiens en insérant ses improvisations.
III.1. Le reflet de la réalité dans la
fiction.
a)La ville et ses lucarnes.
Ménilmontant : Ville de lumières.
Baptiste et Garance se retrouvent seuls pour la
première fois, la nuit, à la barrière
désertée de Ménilmontant. Carné fait un plan
général de la ville. Durant cette séquence, les
comédiens ont un jeu très statique qui renvoie à la
contemplation de ce que les personnages voient, et la
sérénité qu'ils ressentent. Tout est calme. Il semble que
pas une âme ne vive à l'exception de nos deux amants qui dominent
la capitale, comme si le monde entier leur appartenait. Garance invite Baptiste
à regarder les lumières de la ville. Ce gigantesque photophore,
anormalement silencieux, semble irréel.
Garance : Regardez les petites lumières de
Ménilmontant, les gens s'endorment et s'éveillent.
Garance dit à Baptiste qu'elle est vivante.
Les petites Lueurs représentent des personnes
éveillées, les lumières éteintes, des personnes qui
dorment. Ces lueurs sont une métaphore de la vie et la mort. Garance dit
à Baptiste qu'elle est vivante, et c'est avec nostalgie qu'elle se
remémore son enfance. La lueur de la chambre qu'elle partageait avec sa
mère, est éteinte à tout jamais. Ses souvenirs sont morts.
Les hommes sont le lampiste sans qui la ville ne saurait vivre.
Ménilmontant rayonne de mille feux. Eclairée par la vie, elle se
dresse devant nos yeux tel un gigantesque théâtre, aux multiples
facettes, où tout est possible à condition qu'on le conjugue au
présent. Le théâtre n'est-il pas un spectacle vivant qui se
consomme au présent ? Chaque petite lucarne est une nouvelle vie
à observer, pour celui qui veut bien être discret et n'en parler
à personne.
Carné fait un plan sur le spectacle de la ville
éclairée.
Par une des lucarnes de l'hôtel Le Grand-Relais, nous
nous introduisons dans la chambre de Frédérick Lemaître
s'imaginant parler au théâtre, peu soucieux de déranger ses
voisins. Il lit tout haut un passage d'Othello , mais d'une voix
d'acteur nous est précisé dans le synopsis.
Son attitude rompt avec le sentiment de profonde
quiétude qui se dégage de la ville. Ce qui nous amène
à penser que la nuit, la ville s'endort, et qu'il faut s'approcher
très près de la flamme encore allumée pour retrouver la
vie, les
mouvements et les bruits. Nous sommes parvenus à la
lumière. Il va y avoir du mouvement.
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