D'une lucarne à l'autre, le spectacle est
shakespearien.
Nous assistons au processus de la rencontre de deux petites
lueurs qui se retrouvent et s'embrasent. La nuit, la lumière est
diffuse. Frédérick Lemaître ne voit que l'endroit où
il se trouve. C'est la voix de Garance qui prend le relais sur la
lumière insuffisamment généreuse. Sa s'infiltre hors de sa
chambre par la fenêtre ouverte. Elle s'introduit timidement par celle de
Frédérick Lemaître, également ouverte. alors que
celui-ci se préparait à dormir. L'acteur reçoit le
message. Il cherche à entrer en communication.
Frédérick Lemaître, sur son lit, joue pour
lui seul, une scène extraite d'Othello, en lecture. Il se
prépare à dormir quand la voix de Garance qui chante, vient l'en
dissuader.
Il bondit à sa fenêtre. Garance se trouve
déjà à la sienne. Un spectacle se termine. Un autre
commence. Il se joue à deux, dans un contexte qui rappelle d'autres
couples célèbres au théâtre : Roméo et
Juliette ou encore, Cyrano et Roxane.
Garance à sa fenêtre. Fenêtre de la chambre de
Garance vue par Frédérick en contrechamp, en plan
américain.
Ensuite, Frédérick apparaît premier plan, en
amorce, introduction du public de cinéma.
Contrechamp : Frédérick de face ; Nous voyons
avec les yeux de Garance. Chacun sa lucarne. Chacun son spectacle.
Frédérick reprend son discours de leur première rencontre
: Paris est tout petit pour ceux qui s'aiment comme nous d'un aussi grand
amour..., répétition d'une réplique qui invitait
à se revoir. La scène reprend où elle s'est
interrompue.
b) Les enfants du paradis sont des enfants de
théâtre.
Parmi le peuple qui remplit le paradis, certains sont de
très talentueux acteurs dans leur vie.
L'aveugle et le passant.
Fil de Soie est spécialisé dans le
théâtre de rue. Il gagne sa vie en se faisant passer pour un
aveugle. Baptiste ne sait pas qu'il vient d'être embauché
bénévolement dans une comédie. Il est le passant,
spectateur naïf du spectacle de l'aveugle. Fil de Soie a un oiseau sur son
épaule, qu'il appelle « l'oiseau » et qui lui sert
d'interlocuteur et à qui il adresse ses commentaires. Tel un acteur de
théâtre, il sait qu'il a un double destinataire. Celui qui partage
la scène avec lui, l'oiseau et le public, représenté par
Baptiste à qui son discours s'adresse indirectement. Bon public, le mime
se laisse berner par l'aveugle. Il ne se rend
pas compte des incohérences du jeu qui trahissent
l'acteur de la rue. Baptiste, de par sa profession, sait être
parfaitement silencieux. Pour ne pas être repéré par
l'aveugle, il marche sur la pointe des pieds. Fil de Soie l'arrête et lui
demande pourquoi il marche sur la pointe des pieds. Baptiste trop surpris pour
réaliser, ou trop naïf pour penser qu'on puisse être
comédien ailleurs que sur scène, ne réalise pas la
supercherie. Arrêté dans son élan par l'interpellation de
Fil de Soie, il devient malgré lui, spectateur dans le rôle du
spectateur. A l'inverse du mendiant, lui ne joue pas la comédie.
L'acteur peut reprendre son rôle qui consiste à susciter de la
pitié chez Baptiste pour lui extorquer de l'argent : Pourquoi ne pas
faire l'aumône à un pauvre aveugle ?... Pourquoi ?
Baptiste : Parce que je n'ai pas d'argent.
L'aveugle, pris au dépourvu par la simplicité de
la réponse de Baptiste. Il s'attendait à ce que celui-ci lui
donne une pièce en guise de réponse. Il se tourne
immédiatement vers son oiseau pour le prendre à témoin, et
reprendre de la contenance. Baptiste et lui se découvrent une passion
commune, le théâtre. Ils sympathisent. Fil de Soie, heureux
d'avoir rencontré un collègue de travail, propose à
Baptiste de prendre un verre avec lui. On peut rapprocher cette situation de la
séquence où Frédérick Lemaître et le mime
prennent un verre après leur spectacle. Fil de Soie et
Baptiste s'en vont prendre un verre après leur
prestation, dans le spectacle de rue improvisé à deux
comédiens sur le thème de l'aveugle et du passant
désargentés. En bon professionnel, Fil de Soie joue son
rôle jusqu'à ce qu'il soit sorti de scène
considérant que la rue est la scène. Il prend sa canne, avance
à tâtons. Il refuse l'aide de Baptiste le guider, inversant les
rôles. Le non voyant guide celui qui y voit.
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