I. Le théâtre de tous les
théâtres : Le
boulevard du Crime.
I.1. La naissance du boulevard du Crime
Dans son ouvrage, Les théâtres du Boulevards
du Crime, Henri Beaulieu nous explique qu'à l'origine, le boulevard
du Temple est un fossé creusé en 1536 derrière l'enclos du
Temple. Sa fonction est de protéger Paris des invasions. Devant ce
fossé, il y a un terre-plein sur lequel, un siècle plus tard, on
plante quatre rangées d'arbres.
Au XVIIIème siècle les habitants du Marais,
aiment s'y promener, pour changer des rues tortueuses et étroites qui
bordent leurs habitations.
Les forains et les bateleurs y installent leurs baraques
pendant la fermeture des grandes foires périodiques.
Jusqu'à la Révolution Française, le
Boulevard du Temple est une foire continuelle où se côtoient
toutes les couches de la société confondues : gens du monde,
femmes galantes et gens du peuples.
A partir de midi, la parade se donne sur une
estrade surélevée, ou sur un balcon. Des danseurs de corde et
des
comédiens aboyeurs rameutent le public de passants
à l'intérieur du théâtre.
Après la Révolution de 1789, les
théâtres jouissent d'une grande liberté. Le décret
de 1791 autorise : Tout citoyen à élever un
théâtre public et à y faire représenter des
pièces de tous les genres. On assiste alors à une
véritable floraison des théâtres et salles de spectacles,
dont la grande majorité se trouve rive droite.
En 18O7, sous le Premier Empire, Napoléon veut
protéger l'élite du théâtre, notamment, La
Comédie Française, l'ancien théâtre de Richelieu.
Le théâtre, divertissement principal d'une
population française, dont plus du tiers est illettré, laisse
imaginer les craintes des pouvoirs en place.
Aussi Napoléon supprime de nombreuses salles et lieux.
Il
subventionne huit théâtres qu'il considère
dignes de ce nom : La Comédie française, Le Vaudeville, La
Gaîté, l'Ambigu, les Variétés, l'Opéra
Comique, L'Opéra, L'Odéon.
Sous la Restauration, on assiste à la
réouverture de nombreuses salles, dites secondaires, fermées par
Napoléon. Le Boulevard du Temple retrouve sa physionomie post-
révolutionnaire. Le lieu où le théâtre règne
en maître à Paris, est, sans conteste, le Boulevard du Temple,
surnommé le boulevard du Crime, allusion aux mélodrames qui y
sont
joués chaque soir. Ces spectacles ont pour personnages
principaux des malfaiteurs, fictifs où réels. Ils mettent en
scène leurs crimes crapuleux, à la grande joie des
spectateurs.
Situé dans un quartier populaire, le Boulevard du
Temple propose pas moins d'une dizaine de salles côte à côte
sur 500 mètres. Parmi eux, le théâtre de Madame Saqui, les
Funambules, l'Ambigu-Comique, théâtres vivant exclusivement de
leurs recettes. La rue est l'antichambre du lieu théâtre. Elle
tient lieu de publicité. Les saltimbanques attirent les passants dans
leur théâtre en faisant des parades.
C'est dans cette atmosphère de liberté
d'expression fêtée par l'omniprésence du
théâtre, que Marcel Carné et Jacques Prévert
plantent leurs décors.
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