Théâtre et
théâtralité
dans
Les Enfants du paradis.
Mémoire de maîtrise
d'études
théâtrales et
cinématographiques.
de Fabienne DESEEZ.
Dirigé par monsieur Francis Vanoye.
PARIS X. Nanterre.
Année 2002
Les Enfants du paradis :
Tables des matières
Introduction. P.6
Présentation du film et
distribution.P.12
I. Le théâtre de tous les
théâtres : Le
Boulevard du Crime. P.14
I.1. la naissance du Boulevard du Crime.
I.2. Le théâtre dans la rue.
P.16
La baraque foraine. La parade.
I.3. les théâtres dans le film.
P.18
Le théâtre de Madame Saqui. P.18
Les Funambules. P.21
Jean Gaspard Baptiste Deburau : Le théâtre du geste.
P.22 Frédérick Lemaître : Le théâtre du verbe.
P.29
Le Grand Théâtre. P.33
II. La Théâtralité.p.34
II.1. Le théâtre au cinéma.
P.34
a)restitution du théâtre au
cinéma.P.34 b)Nous sommes des spectateurs mutants.P.34 c)La
théâtralité du récit. P.41
- Les trois unités.P.41
- Un monde cloisonné.P.42
- L'importance des portes.P.44
- L'exposition.P.46
II.2. La théâtralité des
personnages. P.48
a) La présentation des personnages.
P.48
b) Le jeu du geste.P.50 - la
théâtralité des personnages dans leur vie. P.50 - Jeux
décalés. P.51 - Jeux caricaturaux. P.52 - Les sentiments des
hommes théâtralisés. P.53
- Pleins feux sur Garance. P.55
c)Le jeu du verbe. P. 56
- de longues tirades. P.57
- un langage poétique. P.58
III. La mise en abîme.P.60
III.1. Le reflet du théâtre dans la fiction.
P.61
a) La ville et ses lucarnes.P.61
- Ménilmontant : ville de lumières. P.61
- D'une lucarne à l'autre : un spectacle shakespearien.
P.63
b) Les enfants du paradis sont des enfants de
théâtre.P.64 - L'aveugle et le passant. P.64
- Le Rouge-Gorge : Les coulisses de la rue, un autre
théâtre.P. 66
III.2. Le reflet de la vie dans l'art.P.67
a) Les acteurs jouent sur scène ce qu'ils sont
dans la vie. P.68
- Garance s'isole dans son reflet. P.68
- Une déesse, un Pierrot enfantin, un arlequin
séducteur. P.70
III.3. la vie et le théâtre : deux
spectacles qui s'affrontent. P. 73
- Le théâtre défenseur de l'opprimé.
(Le vol de la montre.) P. 73
- Le théâtre miroir de la vie. ( L'acteur et le
truand.) P.74 - La vie au théâtre. (L'Auberge des Adrets.)
P.76
IV. Les Enfants du paradis : une
comédie
de boulevard. P.79
- Des personnages romantiques dans un mélodrame. P.79 -
L'héroïne partagée entre vertu et solitude. P.81
- Garance, l'innocente victime : un canevas de
mélodrame. P.86
- Garance, héroïne romantique d'un vaudeville
mélodramatique. P.88
V.Conclusion.P. 94.
Filmographie. P. 97 Bibliographie. P.
99 Annexe
INTRODUCTION
Les Enfants du paradis, un des plus beaux fleurons du
cinéma français, reste une énigme encore aujourd'hui. Le
tournage de ce film a nécessité un budget colossale. Son
coût est estimé à 58 millions de francs, soit trois fois
plus que les autres films français tournés à la même
époque. Sa durée exceptionnelle de trois heures et quinze
minutes, oblige Marcel Carné et Jacques Prévert à scinder
leur film en deux parties. Les Enfants du paradis,
réalisé pendant une des périodes les plus sombres qu'ait
connu notre pays, est doté d'une distribution prestigieuse. Les acteurs
évoluent dans les décors grandioses d'Alexandre Trauner. Ils sont
habillés de costumes somptueux dessinés par Mayo. Tous ces moyens
mis bout à bout, donnent au film l'allure d'une gigantesque fresque
historique. Que ce fabuleux film ait pu aboutir, demeure un mystère,
compte tenu du contexte politique, économique et social qui
l'entoure.
C'est sous l'initiative de Jean-Louis Barrault,
élève d'Etienne Decroux, passionné de pantomime, qui croit
en l'importance de l'expression corporelle au théâtre, que
l'idée va naître. En 1942, Barrault est en vacances à Nice.
Il confie à ses amis Marcel Carné et Jacques Prévert,
l'anecdote du mime Deburau. Alors que le mime se promène aux
bras de sa femme, un jeune homme l'insulte lui, et sa femme.
Fou de colère, Deburau le frappe sur la tête avec sa canne,
suffisamment violemment pour que le malotru succombe à ses blessures.
Les parisiens affluent à son procès. Ils veulent entendre le mime
parler.
Dans le Paris post-révolutionnaire du
19ème siècle. Les théâtres foisonnent,
notamment, sur le boulevard du Temple. Les parisiens accourent en masse,
applaudir Frédérick Lemaître dans L'Auberge des
Adrets et les pantomimes du désormais célèbre Deburau.
Pierrot amoureux, Pierrot, mélancolique, Pierrot la lune, si
chère à Prévert. Pierrot, que nous connaissons tous sans
le savoir, c'est Baptiste ! C'est Deburau ! Ce qui intéresse Jean-Louis
Barrault, c'est la confrontation du théâtre parlant et du
théâtre muet par le biais de ces deux monstres de la scène
théâtrale. Jacques Prévert entreprend d'importants travaux
de recherche historique qui serviront de base au film, s'inspirant largement
des écrits de Jules Janin, paru en 1832, Deburau, histoire du
théâtre à quatre sous. Mais ce qui le décide
à écrire le scénario, c'est sa fascination pour un
contemporain du mime, Lacenaire, qui lui aussi, défraya la chronique. Ce
criminel, doué d'un sens aigu pour la poésie, est condamné
à mort pour avoir tué un homme. Il écrit ses
mémoires en prison, pour la postérité. Lacenaire servira
de modèle au
personnage héros de mélodrame, Robert Macaire
interprété par le brillant Frédérick
Lemaître. Le comédien fera du personnage, le personnage phare de
sa carrière. Son public, toujours plus friand, ne se lassera jamais de
le retrouver sur les planches. Un film d'une heure et demie ne suffit pas pour
raconter la vie de trois personnages cultes que sont Deburau, Lemaître et
Lacenaire, auxquels ajoutent Garance et le comte de Montray inventés de
toutes pièces par le scénariste et le réalisateur.
Jean-Louis Barrault est le mime Deburau, Pierre Brasseur,
Frédérick Lemaître, Marcel Herrand, Lacenaire et Arletty,
Garance. Cette dernière, dontle surnom désigne une fleur,
s'appelle en réalité, Claire ; Claire comme de l'eau de roche
, dans un pays où la réalité est devenue tellement
sombre, que cette affirmation sans ambages, ressemble à un défi
adressé à la France. Garance, belle et légère comme
une fleur, libre comme un oiseau, gaie comme un pinson, est le point
commun entre les quatre hommes, mais aucun ne réussira à la
garder.
Nul doute que traiter un tel sujet exige une durée
beaucoup plus longue que la moyenne. Le producteur, André Paulvé,
suite à l'énorme succès du précédent film,
Les visiteurs du soir, signé par le réalisateur et le
poète, est prêt à foncer tête baissée, dans
cette nouvelle aventure, à la condition que les Enfants du paradis
soit projeté en deux parties
d'égale longueur. C'est décidé, la
première partie
s'intitulera : le Boulevard du Crime et la seconde,
l'homme blanc.
Le film sera tourné, et pourtant, ce ne sont pas les
difficultés qui ont manqué, remettant en cause le tournage.
Les Enfants du paradis ont failli ne jamais voir le jour. Il faudra 19
mois, presque deux ans, pour que le film s'inscrive sur les écrans.
Selon les dires d'Alexandre Trauner, aucun film tourné à cette
époque n'a connu plus d'obstacles à sa réalisation. A
peine commencé, le tournage doit s'interrompre. Les italiens, qui
coproduisent le film, n'ont plus les faveurs d'Hitler. André
Paulvé est soupçonné d'être juif. Jean-Louis
Barrault, qui doit honorer son contrat qui le lie à La Comédie
Française, quitte le tournage pour mettre en scène Le soulier
de Satin de Paul Claudel. Les décors extérieurs du boulevard
du Temple sont endommagés. Les réparations qui requièrent
deux mois de travail, coûtent cher. Le compositeur et le
décorateur, sont juifs. Le Vigan, qui interprète le rôle du
marchand d'habits, est un antisémite notoire. Il fuit la France alors
que le tournage n'est pas terminé. Les scènes d'Othello
subissent de nombreuses interruptions dues aux bombardements. Les
Enfants continuent leur chemin bravant tous les dangers. Le
bébé naîtra.
Ce film, que beaucoup considèrent comme un miracle
cinématographique, représente une référence aux
yeux du monde. Pour les américains, Les Enfants du paradis sont
l'équivalent d'Autant en emporte le vent, (Gone with the
wind). Ce qui est frappant, c'est que le film américain soit
réalisé dans une situation d'extrême opulence d'un pays
riche en temps de paix et que le film français, se fasse dans un
contexte de guerre extrêmement pénible et contraignant
n'engendrant que des complications, à chaque fois résolues. C'est
comme si Marcel Carné pouvait tout se permettre. Il s'amuse à
déjouer le mauvais sort qui s'acharne sur son film. Une fois la machine
en route, le 17 août 1943, rien ni personne n'a pu arrêter ce vaste
projet, même pas le débarquement allié en Sicile le 10
juillet 1943. Les alertes sont des fausses alertes. Les interruptions ne sont
que passagères. Le tournage du film reprend le dessus de plus belle,
protégé des Dieux. Marcel Carné, enfant capricieux, de ce
qu'on a appelé plus tard, l'âge d'or du cinéma
français, voit toutes ses volontés se réaliser les
unes après les autres, comme sous l'effet d'une baguette magique
invisible. Commencé au beau milieu de la guerre, le tournage du film a
lieu indifféremment en zone libre, et en zone occupée. Les
enfants du paradis, douillettement installés dans leur cocon sont libres
de toute entrave. Ils respirent la liberté qui n'existe plus au dehors
et qui manque tant aux français. La
situation politique de la France glisse sur eux, comme de
l'eau de pluie dans les gouttières.
Le 9 mars 1945, Les enfants du paradis font leur
première sortie, au palais de Chaillot. Ils dévoilent au monde le
visage radieux de la liberté enfin retrouvée.
Après les Enfants du paradis, la façon
de jouer au théâtre ne sera plus pareille. Le grand
Frédérick Lemaître, qui représente le
théâtre du verbe, nous fait rire. Il nous tient en haleine en
multipliant ses effets théâtraux totalement improvisés et
tellement vrais. Le mime Baptiste, qui représente le
théâtre du geste, a l'art de nous attendrir avec ses états
d'âme enfantins qui vont de l'extrême mélancolie à la
joie la plus débordante. Prévert y ajoute sa poésie. Le
tout savamment additionné, nous offre le cadeau d'une valeur
inestimable, au gré de la pellicule qui se déroule sous le regard
attentif du projectionniste, d'un art vivant, le reflet de la vie et de ce
qu'on veut y voir.
Pathé Consortium Cinéma
présente
Les Enfants du paradis.
Scénario et dialogues de Jacques
Prévert. Décors : Alexandre Trauner. Musique : Joseph
Kosma. Costumes : Mayo. Studios Pathé Cinéma
(Paris-Joinville) et La Victorine (Nice.)
Distribution.
Garance : Arletty
Baptiste : Jean-Louis
Barrault Frédérick Lemaître : Pierre
Brasseur
Lacenaire : Marcel Herrand
Le comte Edouard de Montray : Louis Salou Le
marchand d'habits : Pierre Renoir
Nathalie : Maria Casarès
Avril : Fabien Loris
Anselme Deburau : Etienne Decroux Fil de Soie :
Gaston Modot Madame Hermine : Jane Marken
Le commissaire : Paul Francoeur Le régisseur
des Funambules : Pierre Palan Georges : Jacques Castelot Le concierge des
Funambules : Léon Larive Scapia Barrigni : Albert
Rémy Célestin : Robert Dhéry L'encaisseur : Maurice
Schutz L'employé des bains turcs : Habib Benglia 1er auteur :
Auguste Boverio 2ème auteur : Paul Demange 3ème auteur :
Jean Diener Le directeur du Grand Théâtre : Rognoni Le
gendarme : Louis Florencie Un ami du comte : Jean Gold Baptiste Deburau
Junior : Jean-Pierre Delmon Marie : Marcelle Monthil Le vendeur de
billets : Lucien Walter. Iago : Jean Lanier
|