1.2) L'atelier Théâtre : Martine en
scène
« La
scène est un lieu physique qui demande qu'on le remplisse, qu'on en
fasse parler son langage concret »5(*)
-1.2.1) Déroulement d'une séance:
La
participation des soignants offre un support identificatoire intéressant
pour ces jeunes. De plus, le soignants sert de « starter »
à la participation du groupe aux improvisations en ce sens qu'il se
confronte aux même butées qu'eux : l'inquiétude du
regard de l'autre, la peur du « trou » de mémoire.
Cette
part active des soignants aux exercices proposés, au même titre
que les patients, vient interroger le remaniement entre la place de soignant et
celle du patient, et qui montre à quel point cette proximité de
jeu est très difficile à tenir, parce qu'elle nous dévoile
devant les autres et devant nous-mêmes, comme elle dévoile le
patient. Il y a une frontière qui s'abolit entre le patient et les
soi-disant thérapeutes.
La
séance est menée par un directeur de jeu qui doit veiller
à ce que le jeu soit quelque chose qui permette de faire
émerger le transfert, la dynamique de groupe, et en même temps
mettre en évidence les résistances, essayer de donner une place
à la résistance. Sa tâche n'est pas facile tant il doit
veiller à cette dynamique en tenant compte de la cohabitation de
différentes problématiques au sein de ce même
groupe.
La
séance se déroule en deux temps. Le premier étant celui
d'un retour, d'un centrage sur soi. Cette partie est axée sur l'individu
lui-même. Elle permet à l'adolescent de rester centré sur
lui-même, avant d'aller à la rencontre de l'autre de
manière progressive (par le jeu du regard, par exemple).
La
relaxation permet de se poser et de rompre avec l'extérieur offrant
ainsi la possibilité d'entrer dans l'activité. La relaxation est
un moment mal vécu par Martine. Elle s'effondre souvent entre pleurs et
stupeur. Malgré tout, elle tient à faire l'exercice jusqu'au
bout.
En plus de la relaxation, il y a un travail de repérage dans l'espace
par des jeux obligeant à traverser, de différentes
manières, la pièce de par en par avec une attention portée
aux bruits, à la luminosité de celle-ci. Le travail de
repérage, nous fait circuler dans la pièce, et à ce moment
là, j'ai souvent l'impression d'être suivie par l'ombre aspirante
et fantomatique de Martine. Elle semble errer tel un automate guidé par
les ficelles du vide.
Un
temps particulier, dans cette première partie est le jeu du regard, qui
invite à s'arrêter et à tenir le regard un court instant.
Le meneur de jeu propose au groupe de se laisser colorer par le regard, sans
parler, en laissant et acceptant les rires et les silences.
C'est
l'occasion de rencontrer l'autre, sans la parole qui viendra par la
suite.
L'occasion,
de faire le jeu du regard m'est donnée à plusieurs reprises. Cet
instant, je le redoute et même force le hasard pour ne pas me trouver en
face de Martine. Parfois, malgré mes stratégies, je me retrouve
face à elle, face un regard vide lointain et écumée par
une note peut être mélancolique. Ce regard me laisse une sensation
de glaciation, me sentant enfermée sous une calotte glacière.
Toujours
dans la première partie, il y a les « mini
improvisations » qui font trait avec la seconde partie. Ce sont des
saynètes qui introduisent la parole (mise en sourdine pendant le
début de la première partie). Elles se font en groupe entier ou
en petit groupe. Martine, apprécie ce moment et commence à sortir
de « sa période glacière ». Elle se propose
à l'exercice, avec spontanéité, et sollicite facilement le
groupe pour construire une histoire.
Avant
d'entamer la seconde partie, un temps de verbalisation :
Le
groupe s'assit en cercle. Dans un premier temps, chacun se présente par
son prénom et sa fonction.
Ensuite,
les participants, expriment leurs ressentis sur se qui s'est
déroulé dans la première partie. Souvent, le jeu du
regard, suscite la parole.
Ce
temps permet d'introduire la seconde partie en expliquant rapidement le
déroulement de celle-ci.
La
seconde partie, très attendue par Martine, consiste en des
improvisations plus construites Qui ne sont pas obligatoires. Elles se font en
petit groupe dont le nombre de participants est défini par eux
mêmes et les besoins de l'improvisation. Les improvisations sont des
créations semi-élaborées, ne durant que le temps de la
représentation théâtrale. Ceci suppose une dialectique
entre le dire et le faire, même si le dire et le faire, au
théâtre, sont par la parole.
La
consigne importante de cette partie est de ne pas jouer « la
réalité » : se donner un autre prénom que
le sien, pendant l'improvisation. Ne pas faire état de la prise en
charge dans les scènes.
Cette
consigne est généralement bien suivie et acceptée, car
elle garantie l'intimité de chacun dans un atelier qui expose.
Les
actions (inscrites sur une feuille), sont binaires, car elle repose sur la mise
en tension de conflits internes. Ces actions permettent de voir comment,
collectivement un problème peut être résolu, finaliser.
Voici quelques exemples : Accuser/ Se défendre, Faire
partir/Vouloir rester. Il y a (sur ces feuilles) des actions unitaires, par
exemple : Se préparer pour une fête, se préparer pour
annoncer une mauvaise nouvelle... celle-ci aussi se joue à plusieurs.
Martine trouve un certain plaisir à jouer les mises en tension
imposées par les saynètes. Elle prend souvent des rôles
d'autorité, surmoïque, ou alors des rôles plus
régressifs, voir crus. L'exagération des traits de ses
personnages appelle au comique, aux rires.
Des
déguisements sont à disposition, ainsi que certains accessoires
(téléphone, livre, lunettes...).
* 5 ARTAUD.A. Le
théâtre et son double. Gallimard, 1964 P49-71
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