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L'apport du Web 2.0 à la solidarité numérique

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par Destiny TCHEHOUALI
CUFR Champollion / Université Toulouse II - MASTER II Professionnel E-Administration et solidarité numérique 2008
  

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2. « L'apologie » de la société de l'information et les discours technicistes

L'émergence d'Internet a suscité une abondante littérature : du catastrophisme à l'exaltation et du dénigrement à la célébration. Face aux technophobes (comme Georges Orwell, Paul Virilio, ou Jacques Ellul) qui dénoncent les effets désastreux des TIC, de nombreux discours technicistes et technophiles24 (Pierre Lévy, Joël de Rosnay, Nicholas Negroponte,...) font une « apologie » de la société de l'information25 et de ses valeurs de liberté, d'égalité ou d'universalité. Ces discours sur la société de l'information constituent le prolongement de la pensée macluhanienne26 qui fait du médium le message et présentent les TIC comme solution salvatrice pour le développement social et humain. S'appuyant généralement sur des néologismes et des expressions métaphoriques (« autoroutes de l'information », « télématique »), les éloges accompagnant les mythes autour de la création ou de la diffusion des technologies sont empreints d'utopie. En effet, il s'agit de propos tenus par des acteurs poursuivant un but précis (faire croire, vendre et diffuser les TIC)27. Les argumentations de ces propos contribuent à une projection mirobolante de la technologie du futur en vantant, souvent de façon exagérée, tous les aspects positifs de cette technologie sur l'amélioration de nos conditions de vie du présent.

22 On sous-entend par « Appropriation » le processus d'apprentissage et de contrôle sur l'utilisation de l'outil.

23 ARNAUD Michel, La nécessaire ingénierie sociale au-delà de la réduction de la fracture numérique, Conférence «TIC & Inégalités : les fractures numériques», Paris, Carré des Sciences, 18-19 novembre 2004.

24 L'utilisation de ce terme dans ce contexte-ci ne fait pas référence aux « geek » qui sont des passionnés (jeunes férus et amateurs) de l'informatique et des nouvelles technologies.

25 La société de l'information a plusieurs variantes : Certains lui préfèrent l'expression « société des connaissances », « société des savoirs », « société des savoirs partagés » (UNESCO).

26 MACLUHAN Marshall, Pour comprendre les médias, Editions du Seuil, 1977.

27 « Dans tous les cas, ces nouvelles descriptions prophétiques fournissent d'ores et déjà les multiples avantages de l'idéologie : elle aide les marchands à vendre, les politiques à formuler des objectifs mobilisateurs pour l'opinion, les managers à discipliner la force de travail, les chercheurs à obtenir des subventions, etc. » WEYGAND Félix, Réseaux ambiants, invisibilité, objets communicants... Transformation du statut de l'usage et de l'appropriation, In Colloque « Interroger la société de l'information », Congrès de l'ACFAS, Université McGill, Montréal, 18-19 mai 2006, p. 6.

Ainsi, depuis le télégraphe de Chappe jusqu'à l'avènement d'Internet, chaque innovation technique est accompagnée d'un discours dit « millénariste », qui annonce un monde meilleur. Ce genre de discours est de type performatif car il «dit la société telle qu'on la veut, et en la disant la prépare, lui donne un peu plus de réalité, la fait accepter : (...) le performatif est efficace».28 En déplaçant les TIC de leur cadre présupposé de fonctionnement au cadre d'usage réel, les techniciens, les journalistes, les organisations internationales et les vulgarisateurs produisent, par leurs discours, un contexte mythique qui nourrit les attentes parfois trop idéalistes des utilisateurs par rapport à ces technologies. Serges Proulx démontre bien cette puissance des métaphores par l'effet de leur répétition dans des discours prophétiques et promotionnels de la société de l'information. La répétition conduit très rapidement à l'auto-réalisation de la prophétie du fait de la seule croyance par des populations ou par des personnes prédisposées à l'entendre et à adopter une nouvelle manière de penser.29 Si pour Lamartine, « les utopies ne sont souvent que des vérités prématurées », elles sont beaucoup plus, à notre avis, des prophéties qu'on oppose au présent pour lui montrer qu'il est

dépassable30. Les utopies technicistes permettraient donc à leur émergence au début du 19ème siècle de rompre avec un présent détestable grâce aux fausses croyances récurrentes propagées dans les esprits par les prophètes du cyberespace. Comme le souligne Musso, trois mythes technicistes ont accompagné ces prophéties : celui de la « connectivité universelle » d'origine macluhanienne qui suppose la disparition des frontières sous l'effet du « temps réel » ; celui des TIC comme principal vecteur d'un développement local durable et enfin le néologisme des autoroutes de l'information qui suggère une substitution des TIC aux réseaux de transport.

Mais loin du rêve du village planétaire macluhanien, loin de l'agora informationnelle de Pierre Lévy, loin de toute cette apologie de la « société de l'information », les réalités des fractures numériques semblent nous rappeler que l'heure n'est plus aux discours, mais plutôt à des actes et des initiatives concrètes pour réduire les inégalités numériques.

28 BOURDIN Sylvie, Cours Master 2 EASN: «La société de l'information», 2007-2008.

29 «Le fil de mon argument est donc que les discours publics répétés jusqu'à plus soif et faisant la promotion de la « société de l'information » ont contribué à créer la « réalité » de cette anticipation de modèle de société dans l'imaginaire de grandes portions des populations du Nord et du Sud au point qu'une partie de ces populations a fini par croire que cette évolution vers « l'ère informationnelle » était inéluctable. Et surtout que ce « passage obligé » devait nécessairement emprunter la voie tracée par les élites des gouvernements, de l'industrie et des grandes organisations internationales». PROULX Serges, Entre société de l'information et sociétés des savoirs partagés : horizon des utopies, puissance des métaphores, In Colloque « Interroger la société de l'information », Congrès de l'ACFAS, Université McGill, Montréal, 17-18 mai 2006, p.4

30 Philippe Breton, dans L'Utopie de la communication, émet le fait que l'utopie de la communication est une «valeur post-traumatique», peu à peu construite comme alternative supposée à la barbarie, au racisme et à la société d'exclusion. »

Les sommets mondiaux sur la société de l'information (SMSI) organisés à Genève (2003), et à Tunis (2005) ont-ils apporté des résolutions concrètes dans ce sens ou ont-ils plutôt été une nouvelle tribune pour les discours technicistes ?

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo