Christophe Roquilly est Professeur de Droit à
l'EDHEC7, il parle des difficultés juridiques
rencontrées par youtube sur son blog.
Voici ce qu'il dit :
la plainte déposée par Viacom à
l'égard de Youtube devant le « United States District Court for the
Southern District of New York », ainsi que la réponse « en
défense » de Youtube. Viacom développe dans un premier temps
une critique soutenue du modèle retenu par Youtube, et par lequel
Youtube s'approprierait la valeur de contenus créatifs à une
très large èchelle, sans paiement d'aucune licence. Bien que
Youtube se présente comme un forum pour les utilisateurs souhaitant
partager leur propre contenu original en vidéo, Viacom considère
qu'une très large part de ces contenus constituent des copies d'oeuvres
protégées, telles que South Park, MTV Unplugged, etc. Viacom a
identifié plus de 150.000 clips video sur lesquels Viacom est titulaire
d'un copyright ; ces clips auraient été vus sur Youtube plus de
1,5 milliard de fois ! Qui plus est, Youtube n'aurait fait que très peu
d'effort afin de prévenir ces copies massives. Bien au contraire, la
construction d'une vaste bibliothèque comprenant les contenus en cause
constitue le modèle économique de Youtube, ce qui a permis
à l'entreprise de développer ses parts de marché, de
gagner des revenus significatifs et d'augmenter la valeur de l'entreprise.
L'achat de Youtube par Google en constitue l'évidente illustration.
Selon Viacom, Youtube a réussi le tour de force d'atteindre ces
objectifs en transférant le contrôle de son site aux titulaires
des copyrights. Ceux-ci doivent en effet consulter le site tous les jours afin
d'y détecter d'éventuelles violations de leurs droits. Mais
Viacom va encore plus loin dans son offensive, en reprochant à Youtube
d'avoir mis en place des fonctions permettant aux utilisateurs d'empêcher
les titulaires des droits de pouvoir détecter l'existence d'atteinte
à ceux-ci.
Viacom développe ensuite dans sa plainte la nature de
son action en justice, en la plaçant sur le terrain de la Section 106 du
Copyright Act of 1976, 17 U.S.C. § 101 et seq. Viacom revient en
détail sur la manière dont Youtube copie les vidéos dans
son propre format de logiciel, les ajoute sur son propre serveur, et les rend
disponibles à la consultation sur son propre site. Youtube met
à
7
http://performancejuridique.blogspot.com/2007/05/viacom-vs-youtube-internet-kills-video.html
la disposition des utilisateurs des « micro photos
» (vignettes) afin de leur permettre de visualiser ce qui les
intéresse. La description de l'accès aux vidéos sur
Youtube est parfaitement détaillée par Viacom.
Viacom insiste sur le fait que Youtube a totalement
conscience de ses actes (et de la vaste contrefaçon qu'elle commet). Ces
actes sont bel et bien commis sur le site dont Youtube est propriétaire,
comme l'atteste les conditions générales d'utilisation
présentes sur le site. Comble de l'ironie, ces CGU font apparaître
que Youtube demande aux utilisateurs de lui accorder une licence mondiale en
vue d'utiliser, de reproduire, de diffuser, de représenter, etc... les
vidéos que les utilisateurs ajoutent sur le site. Viacom reproche
à Youtube d'avoir échoué dans la mise en place de mesures
qui pourraient réduire considérablement (voire éliminer)
l'énorme volume de copies illicites circulant sur le site. Or Youtube a
le droit et la capacité de les contrôler. L'incurie de Youtube
(toujours selon Viacom) est d'autant plus blâmable qu'elle a
montré sa capacité à gérer les protections
adéquates pour les contenus sur lesquels elle avait acquis au
préalable une licence...
Viacom conclut donc à la violation de copyrights par
représentation auprès du public de
contenus
protégés, par diffusion publique, reproduction de ces
mêmes contenus, contribution à la violation
de copyrights,
entre autres choses.
Dans sa réponse à la demande de Viacom, Youtube
s'appuie sur le DMCA (Digital Millennium Copyright Act) qui fait, selon elle,
la balance entre les droits des détenteurs de copyright et la
nécessité de protéger Internet en tant que nouvelle forme
de communication. Pour Youtube, la plainte de Viacom met en danger la
manière dont des centaines de millions de personnes échangent
légitimement des informations, des nouvelles, des opinions politiques,
etc... Youtube se présente comme respectant l'importance des droits de
propriété intellectuelle et les règles en vigueur dans le
cadre du DMCA. Déniant la plupart des allégations
développées par Viacom dans sa demande, Youtube reconnaît
toutefois certains éléments : le site est bien un forum
dédié aux utilisateurs afin qu'ils puissent partager des contenus
originaux ; le site de Google contient effectivement une fonction de recherche
des vidéo clips, incluant des liens vers Youtube ; Youtube encourage les
utilisateurs à « poster » des vidéo clips ; le
procédé de stockage décrit par Viacom est exact ; les
utilisateurs de Youtube doivent accepter les CGU avant de « poster »
des vidéo
clips, ces CGU contenant certaines restrictions quant aux
types de vidéo clips autorisés ; Youtube a bien envoyé des
lettres à des tiers dans lesquelles il leur est reproché d'avoir
permis à des utilisateurs de faire une utilisation non autorisée
des services de Youtube ; Youtube dispose effectivement de moyens de protection
pour que les titulaires de copyright puissent trouver les vidéo clips
ayant été « postés » par les utilisateurs ;
après l'acquisition de Youtube par Google la fonction « recherche
» à la disposition des utilisateurs permet d'identifier 1000
vidéo clips pour chaque requête faite par l'utilisateur; Google a
annoncé être en mesure dans l'avenir de fournir des technologies
anti-piratage.
Youtube rejette néanmoins l'ensemble des violations
alléguées par Viacom, et ce pour plusieurs raisons : la
protection par la règle du « port sur » (safe harbors) du
DMCA, l'existence de licences expresses ou tacites accordées par Viacom,
la protection par la doctrine du « fair use » (usage loyal), entre
autre.