Evolution et mutation de l'inspection du travail( Télécharger le fichier original )par Anne Claire Michaut Université Paul Cézanne - Aix Marseille III - Master Droit social 2008 |
§ 1 : Les droits de police judiciaire :En tant qu'agent de contrôle, l'inspecteur du travail a le droit de procéder à la vérification de tous documents qu'ils estiment nécessaires de vérifier. Le droit d'entrée dans les établissements ne reposent pas sur la présomption d'une infraction, alors que d'autres de ces prérogatives lui font jouer un rôle d'officier de police judiciaire. Ainsi, il est en droit de procéder à des enquêtes et des auditions (A), mais en plus il est même autorisé à exercer un droit de prélèvement dans l'entreprise (B). A : Le droit d'enquêter et d'auditionner : Le législateur avait pourtant autorisé l'inspecteur du travail à entrer dans les établissements afin d'y assurer les enquêtes dont ils ont la charge105(*), et la Convention OIT106(*) les habiliter à « interroger soit seuls, soit en présence de témoins de l'employeur ou le personnel de l'entreprise ». Si le droit d'enquête était donc déjà bien établi au regard du texte initial, c'est le droit positif qui est venu leur reconnaître le droit d'enquête. Un arrêt de la chambre criminelle107(*) réaffirme que « les inspecteurs du travail ont mission de veiller à l'application de la législation et de la réglementation du travail, ainsi que de constater, concurremment avec les officiers et agents de police judiciaire, les infractions à ces dispositions. En vertu de l'article L 611-8 du même code, ils ont accès dans tous les établissements où ces règles sont applicables, à l'effet d'y assurer les surveillances et les enquêtes dont ils sont chargés. Pour l'exécution desdites surveillances et enquêtes, la loi n'apporte aucune restriction à leur pouvoir d'investigation à l'intérieur des entreprises. Justifie, en conséquence, sa décision l'arrêt qui condamne un chef d'entreprise pour avoir refusé à un inspecteur du travail l'autorisation de procéder à l'audition de témoins à l'intérieur de son établissement ». Ainsi, si le droit d'enquête et d'audition sont définis par les textes, leurs formes de mise en oeuvre font l'objet de peu de précision. Cependant, une instruction technique du 28 mars 2002108(*) est venue délimiter certaines formes des pouvoirs d'enquête et du droit d'audition. Ainsi, l'instruction précise que les inspecteurs du travail, n'ayant pas la qualité d'officier de police judiciaire, ne peuvent faire témoigner les témoins sous serment. Mais par contre, ils peuvent tirer de ses entretiens des éléments complétant le contenu de leur procès verbal, en veillant toutefois à ce que les déclarations recueillies n'entraînent aucune conséquence dommageables pour les témoins. Dans ce but ils sont tenus au principe de confidentialité des plaintes. En cela, l'inspecteur du travail diffère d'un officier de police judiciaire. Ce dernier n'est pas tenu de ne pas nuire au plaignant, et il est de principe en droit pénal de donner l'identité de la personne qui porte plainte, et ceux dans un souci de respect des droits de la défense. Il est alors surprenant que ce principe soit écarté en droit pénal du travail. Mais rappelons tout de même que l'inspecteur du travail, s'il dispose de pouvoirs de police judiciaire demeure très libre quant à l'application de ses pouvoirs et peu même, le cas échant, ne pas en user. Sur la forme cette fois, il apparait que l'intitulé du document dans lequel l'inspecteur du travail recueille ses témoignages prêtent à confusion avec les effets que lui donnent le code de procédure pénale. En effet, ce document qui s'intitule « procès-verbal d'audition » ou « recueil de témoignage » correspondent à des concepts pénaux bien différents du sens qu'on entend leur donner en droit du travail. Au sens de la procédure pénale, de tels documents ont force probante, alors qu'au sens de l'inspecteur du travail il s'agit simplement d'apporter des informations reconnues comme telles par la personne interrogée. Notons aussi que l'inspecteur du travail ne peut pas exiger la signature de ce document par l'intéressé, ce qui démontre aussi la différence de valeur des deux documents. Une telle confusion n'est pas sans laisser présager que ces documents auront peut être vocation à devenir plus officiel en matière de droit du travail, voire acquérir une force probante qui leur est déjà reconnue en droit pénal général. Pour l'heure rien n'est moins sur. Cette première compétence n'a pas le caractère pénal d'une enquête judiciaire, puisque l'instruction technique précise « qu'en ce qui concerne les déclarations, recueillies et consignées dans le procès-verbal, leur sincérité peut être discutée, et la personne qui se rétracte ne peut être poursuivie pour faux témoignages ». Elle s'apparente pourtant bien à la procédure pénale, mais ne revêt pas les mêmes conséquences juridiques : preuve du statut particulier conférait à l'inspecteur du travail en ce domaine. Pourtant, il peut également procéder à des prélèvements109(*) aux fins d'analyse. B : Le droit de prélèvement aux fins d'analyse : En vertu de la Convention OIT n°81, l'inspecteur du travail est autorisé « à prélever et à emporter, aux fins d'analyse, des échantillons des matières et substances utilisées ou manipulées, pourvu que l'employeur ou son représentant soit averti que des matières ou substances ont été emportées à cette fin ». Les prélèvements doivent être exécutés en respectant les procédures instituées par les décrets pris en application de la loi du 1er aout 2005 sur la répression des fraudes110(*). Le droit de prélèvement s'inscrit dans le cadre de deux procédures légales. La première111(*) consiste en un recueil de résultats d'analyse. Le prélèvement est ici effectué par un organisme agréé à la suite d'une mise en demeure de l'inspecteur du travail de faire procéder à l'analyse des produits. Cette procédure n'est possible qu'en présence d'un texte ad hoc112(*). Dans cette hypothèse, il s'agit de produits dont les effets sont connus pour être très toxique pour la santé des salariés. La seule limite apportée étant toujours l'information de l'employeur des prélèvements effectués. Nous comprenons aisément l'intérêt d'informer l'employeur, mais encore plus le fait de ne pas requérir son consentement. Cette procédure vise uniquement la protection de la santé des salariés, puisqu'elle ne concerne « les travailleurs exposés ou susceptibles d'être exposés au cours de leur travail à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques113(*) ». La seconde procédure est un prélèvement directement effectué par les inspecteurs du travail114(*) eux-mêmes. Mais la lourdeur de la mise en oeuvre de cette procédure lui a fait perdre son intérêt. Outre une procédure lourde pour le recueil d'échantillon, un agrément accordé par le Ministre du travail au préalable est requis. Nous pouvons regretter que cette procédure ne soit pas plus souvent utilisé, puisqu'elle permet aux inspecteurs d'assurer, non seulement la prévention de la santé des travailleurs, mais elle couvre ici un domaine beaucoup plus large puisqu'elle vise également « les produits distribués ». Cette formulation nous laisse penser que cette procédure va au-delà de la mission classique de l'inspecteur du travail. Les produits distribués sont, nous le pensons, les produits destinés à la vente. Ainsi par voie d'extension, l'inspecteur du travail assure-t-il aussi un rôle de protection des consommateurs. L'intervention de l'inspecteur du travail dans ce domaine si particulier a entraîné de la part du législateur la création d'un arrêt temporaire de l'activité115(*) mis en oeuvre par l'inspecteur du travail si, après les résultats des analyses et une mise en demeure adressé à l'employeur, l'exposition des salariés à ces substances restent encore supérieure aux valeurs limites116(*). Cette procédure d'arrêt d'activité temporaire117(*) a fait l'objet d'une circulaire de la DGT, dans laquelle il est précisé les différentes étapes de la procédure : prescription d'un contrôle de la valeur limite d'exposition professionnelle (VLEP), mise en demeure, décision d'arrêt temporaire d'activité si persistance de la situation dangereuse et enfin autorisation de reprise d'activité. Dans ce cas l'inspecteur du travail reste lié aux VLEP. Il perd de fait son pouvoir d'appréciation, mais nous ne saurions admettre le contraire, tant l'enjeu est vital pour les salariés. L'inspecteur du travail dispose de pouvoirs spécifiques en matière pénale, qui restent cependant attaché à la logique de contrôle dans laquelle s'inscrit son action. Celui-ci, bien que pouvant opter selon son choix personnel, reste soumis dans certaine hypothèses à un respect stricte des textes. Cette obligation de se conformer au texte se justifie par la nature particulièrement dangereuse des produits qu'il contrôle. Cependant il reste libre dans son droit d'enquête de procéder à toutes vérifications qu'il estime utile à son action. Un autre droit caractérise la mission pénale de l'inspecteur du travail, celui du droit de visite, qui s'exerce de manière parfois dérogatoire au droit commun. * 105 Art L611-8 du code du travail. * 106 Art 12-1, Conv. OIT n°81. * 107 Cass. crim., 22 juillet 1981: Bull. crim. 1981, n°237. * 108 Instr. technique DAGEMO/MICAPCOR n°2002-3 du 28 mars 2002 concernant les procès verbaux de l'inspection du travail. * 109 Art 12 iv), Conv. OIT n°81. * 110 Art L611-8 du code du travail, et ArtL213-1 et s. du Code de la consommation. * 111 Art L231-7 du code du travail. * 112 Pour le benzène et substances cancérigènes ou présentant un risque mutagène, ou toxique pour la reproduction : art R231-56 et s. du code du travail ; pour le plomb : D. n°88-120, 1er février 1988 : JO 5 février 1988 ; amiante : D. n°96-98, 7 février 1996 : JO 8 février 1996. * 113 Art R231-56 al 1 du code du travail. * 114 Art 611-8 al 3 code du travail : « ... ils ont qualité pour procéder, aux fins d'analyse, à tous prélèvements portant sur les matières mises en oeuvre et les produits distribués ou utilisés. » * 115 L. n°2002-73, 17 janvier 2002, de modernisation sociale. * 116 Art R231-58 du code du travail. * 117 Circ. DGT n°2007/15, 6 décembre 2007 relatif à l'arrêt temporaire d'activité mentionné au II de l'article L.231-12 du code du travail. |
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