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Techniques de droit commun applicables à la rupture du concubinage et du PACS

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par Audrey MELLAC
Université Robert Schuman Strasbourg - Master II recherche droit privé fondamental 2007
  

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I: PARTAGE DE L'INDIVISION LÉGALE

L'indivision légale est le droit commun de l'indivision, prévu aux articles 815 et suivants du Code civil, qui s'applique en l'absence de convention d'indivision.83

L'indivision légale a vocation à s'appliquer aux biens des concubins et des partenaires qu'ils ont acheté en commun et qu'ils ont entendu partager, et aux biens sur lesquels ils n'ont pu prouver leur propriété exclusive,

Ainsi, même en présence d'un régime légal de séparation de biens des partenaires, il convient d'appliquer le droit commun de l'indivision aux biens qui n'ont pu être rattachés à un partenaire ou que les partenaires ont entendu acheter en commun.

Le partage des biens indivis dépend de l'origine de l'indivision, qu'elle soit intentionnelle, résiduelle ou choisie dans une convention de PACS.

A: DÉTERMINATION DES BIENS À PARTAGER

Les partenaires soumis au régime légal de séparation de bien ou les concubins sont réputés acquérir chacun pour soi. Les concubins sont en effet juridiquement des étrangers, quant au régime de séparation de biens, il a pour but la séparation des patrimoines. Néanmoins, ceux-ci ont pu effectuer des achats communs et souhaiter que ces biens soient soumis au régime de l'indivision84.

À leur séparation, le partage de ces biens se fera selon la quote part qu'ils ont acheté respectivement.

Ainsi, le bien acheté en indivision à parts égales par chacune des parties, ou sans indication dans l'acte d'acquisition de la quote part acquise par chacun aura vocation à être partagé par moitié.

Le bien acquis en indivision selon des quotes parts inégales aura, lui, vocation à être partagé à proportion de celles-ci.

Cependant cette présomption supporte la preuve contraire, ce que rappelle la Cour de cassation, en l'absence d'une participation financière égale de chacune des parties. Dans un arrêt rendu le 31 janvier 2006, la Cour de cassation a été amenée à préciser que le

82 La rupture des unions libres, collection encyclopédie Lamy droit civil- droit des personnes et de la famille, étude n° 380, 2006.

83 F.TERRÉ, P.SIMLER, Droit civil: les biens, précis Dalloz, coll. droit privé, 7e éd., 2006, p 451

84 F. SAUVAGE, « La mutation du pacte civil de solidarité », RLDC février 2007, supplément au n° 35, obs. n° 2427, p 54.

fait, pour l'un des indivisaires, d'avoir participé au financement du bien indivis dans des proportions supérieures à l'autre doit être pris en compte pour le partage de l'indivision. Pourtant, l'acte d'achat portait mention que l'acquisition du bien avait été faite à parts égales, ceci révélant la volonté des parties d'être coindivisaires pour moitié.

Le partage de l'indivision, selon la Cour, doit cependant être effectué en fonction et à proportion de l'origine des fonds.85

La Cour de cassation ajoute, de plus, que ne constitue pas une contribution réelle à l'acquisition du bien la participation financière à la vie du ménage effectuée par le concubin qui a le moins participé au financement du bien indivis86.

Par conséquent, la contribution aux charges de la vie commune de l'un ne peut justifier le partage du bien indivis par moitié, quand ce concubin n'a pas autant participé que l'autre au financement du bien.

Ce faisant, la Cour de cassation n'a fait que confirmer un arrêt précédent en date du 6 février 2001, qu'une partie de la doctrine avait jugé critiquable. Elle a considéré, en effet, qu'il méconnaissait un principe bien établi, selon lequel, en cas d'acquisition d'un bien, le propriétaire est celui qui achète, non celui qui finance l'opération.87

D'autant plus que dans l'espèce de 2006, les parties avaient mentionné dans l'acte d'achat leur volonté d'acquérir à parts égales le bien, contrairement à l'espèce de l'arrêt de 2001 où rien de tel n'avait été précisé par les parties.

La Cour de cassation, en réaffirmant cette solution et en cassant l'arrêt d'appel, a encore une fois voulu rappeler qu'il n'est pas possible de prendre en compte la participation aux charges du ménage de l'un des concubins pour partager par moitié le prix de la vente de l'immeuble indivis acquis avec une participation nettement supérieure de la part de l'autre concubin88.

En effet, il n'est pas possible d'appliquer des éléments du régime primaire des époux pour répartir plus équitablement les biens entre concubins à leur rupture.

Cependant, un arrêt du 1e juillet 2003 n'a pas statué de la sorte, en présence de deux concubins ayant acquis chacun pour moitié un immeuble, l'un deux seulement ayant financé l'acquisition.

La Cour de cassation a décidé en l'espèce que l'équité commandait qu'il soit tenu compte, lors du partage de l'indivision, de l'origine du financement, en accordant à l'indivisaire auteur du financement une indemnisation égale au montant de la dépense effectuée au delà de ce à quoi il était obligé.

En outre, la Cour a qualifié les remboursements de l'emprunt ayant servi à financer un bien indivis d'impenses nécessaires à la conservation de ce bien.89

Cette solution semble davantage respecter la volonté des parties, quand elles ont déterminé la quote part acquise par chacune.

En effet, en soumettant intentionnellement certains biens au régime de l'indivision, les

85 V. LARRIBAU- TERNEYRE, « Obligation de tenir compte de l'origine des fonds pour le partage de l'indivision », Dt. fam. avril 2006, com. n° 83 p 13

86 Cass. 1e civ, 31 janvier 2006, Juris-Data n° 2006-03 1967.

87 J. MASSIP, « Chronique de jurisprudence civile générale », Defrén. n° 9/2001, art. 37353 p 593.

88 J. RUBELLIN-DEVICHI, « Droit de la famille », JCP G 13 décembre 2006, chron. p 199.

89 V. BRÉMOND, « Le partage de l'indivision doit tenir compte de l'impense nécessaire pour la conservation du bien indivis », D. 2004, jurisp., S.C. , p 2342.

concubins ou partenaires soumis au régime légal se réservent la possibilité de choisir la quote part que chacun détient sur le bien. Ainsi, ils évitent les désagréments de l'application au bien d'une indivision résiduelle.

En effet, celle-ci résulte de l'impossibilité, d'une part, de prouver la propriété exclusive de l'un ou l'autre sur le bien et d'autre part de prouver la quote-part que chacun détient sur le bien. S'agissant des partenaires qui achètent un bien intentionnellement en indivision, financé seulement par l'un deux, notamment par le biais du remboursement intégral du prêt souscrit pour acquérir le bien, il convient d'appliquer les mécanismes de leur régime légal.

Celui qui n'a pas participé au financement doit restitution à l'autre des sommes investies pour son compte, sans réévaluation, sauf si l'intention libérale est prouvée90.

Par conséquent, en application du régime légal des partenaires celui des deux qui a totalement financé le bien détient une créance contre son partenaire91, le bien étant partagé entre eux selon la quote part que chacun détient sur celui-ci.

Cependant, il existe des biens que les concubins ou les partenaires séparés de bien n'ont pas forcément souhaité acheter ensemble, mais qui sont réputés indivis, à défaut d'avoir pu démontrer un droit de propriété dessus.

Cette indivision est résiduelle. Les partenaires ou concubins sont réputés propriétaire de ce bien chacun pour moitié quand aucun titre de propriété, tel qu'une facture, n'a pu être fourni, aucune intention libérale prouvée, ou aucune possession démontrée.

Cette indivision résiduelle ne concerne que les meubles. En effet, l'acquisition d'un immeuble s'effectuant par acte authentique, son ou ses propriétaires sont toujours identifiables. Afin de démontrer sa propriété exclusive sur un bien, le concubin ou partenaire peut fournir un titre de propriété, tel qu'une facture, ou tenter de démontrer qu'il est propriétaire du bien car il en a la possession, en vertu de l'article 2279 du Code civil.

Contrairement aux concubins, les partenaires peuvent prouver par tous moyens leur propriété exclusive sur un bien92.

La vie commune engendre un mélange des biens de l'un et de l'autre, rendant la possession des meubles du logement commun équivoque en raison de la cohabitation du possesseur avec le revendiquant.

Le TGI de Cusset, dans un jugement du 19 juillet 2001 a eu l'occasion d'affirmer cette solution au sujet d'un chien (qui est un bien meuble) dont les concubins séparés se disputaient la propriété93.

Mais un arrêt de la cour d'appel de Lyon en date du 15 février 2001 a, quant à lui, admis l'application de l'article 2279 du Code civil à des meubles détenus par l'ex-concubine et meublant son domicile. La revendication de l'ex-concubin, qui pourtant était en mesure de fournir les factures d'achat desdits meubles, n'a donc pu prospérer, l'ex-concubine prétendant au surplus avoir reçu un don manuel.94

90 F.DEKEUWER-DÉFOSSEZ, « PACS et famille: retour sur l'analyse juridique d'un contrat controversé », RTD civ 2001, variétés p 529.

91 F.DEKEUWER-DÉFOSSEZ, art. préc., RTD civ 2001, variétés p 529.

92 Article 515-5 alinéa 2 du Code civil.

93 H. LÉCUYER, « Le chien Mozart et les concubins », Dt. fam. novembre 2001, com. n° 105 p 21.

94 H. LÉCUYER, « Possession des meubles par la concubine: la condition d'absence d'équivoque en question », Dt.

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Cependant, le courant majoritaire jurisprudentiel et doctrinal n'épouse pas cette théorie et considère plutôt que la possession est viciée par l'équivoque de la cohabitation, les biens garnissant le logement commun étant alors réputés indivis par moitié Si la possession ne peut que rarement venir au secours du concubin ou du partenaire souhaitant démontrer son droit de propriété sur un bien, la propriété peut aussi résulter d'un don manuel, ou d'une intention libérale.

Il revient alors à celui qui invoque une intention libérale de la démontrer, risquant alors de se heurter au problème de la preuve, à défaut de pouvoir produire un titre de propriété. Ainsi, lorsque les concubins ou partenaires n'ont pu prouver leur droit de propriété sur un bien, celui ci est réputé indivis par moitié et devra être partagé comme tel.

Lors de leur rupture, les concubins et les partenaires séparés de biens doivent donc partager un ensemble de biens indivis, acquis volontairement en indivision ou réputés indivis par moitié, faute d'avoir pu fournir un titre de propriété au nom de l'un des concubins ou

parte nai res

.

 

En revanche, si ces biens réputés indivis sont enlevés de l'habitation commune par l'un des concubins, l'autre n'a aucun moyen de l'obliger au partage. En effet, la possession de l'article 2279 du Code civil retrouve dès lors toute son efficacité et fait obstacle à toute revendication, les meubles meublants des concubins ainsi que les biens achetés en commun ne bénéficaent d'aucune protection légale.95

La masse de biens indivis entre partenaires qui se sont soumis au régime de l'indivision des acquêts dans leur convention de PACS a vocation à être plus large

.

En effet, les acquisitions de l'un ou des deux partenaires sont réputées être indivises par moitié, « sans recours de l'un des partenaires contre l'autre au titre d'une contribution inégale », tel qu'en dispose l'article 515-5-1 du Code civil.

Dans ce régime conventionnel, le partenaire qui a financé le bien en totalité, ou de façon plus importante, ne peut se prévaloir d'une créance à l'encontre de son partenaire, comme prévu dans le régime légal

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Seuls échappent à l'indivision les biens qui demeurent la propriété exclusive de chaque partenaire, énumérés à l'article 515-5-2 du Code civil

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Lors de la rupture, la liquidation de l'indivision se fera donc par partage par moitié de la

masse indivise

.

 

Ce nouveau régime conventionnel d'indivision, introduit par la loi du 23 juin 2006, vient remplacer avantageusement le précédent régime légal de présomption d'indivision

.

Les partenaires qui concluent un PACS ont le choix, depuis le premier janvier 2007, entre le régime légal de séparation de bien et le régime conventionnel d'indivision des acquêts

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Cependant, si les partenaires d'un PACS conclu avant cette date veulent bénéficier de l'un de ces nouveaux régimes, ils doivent conclure une convention modificative, le régime légal de la séparation de bien ne venant pas automatiquement remplacer le régime légal précédent. À l'occasion d'un changement de régime, les partenaires d'un PACS auront tout intérêt à liquider le régime précédent, à l'instar des époux modifiant leur régime matrimonial.

fam. octobre 2001, com. N° 92 p 17.

95 X. LABBÉE, « Les meubles meublants des concubins homosexuels », D. 2006, jurisp. p 1669.

Contrairement à l'acte notarié de convention modificative de régime matrimonial qui doit contenir à peine de nullité la liquidation du régime matrimonial modifié, depuis la réforme du 23 juin 2006,96 la convention modificative du régime des partenaires n'est pas soumise à cette exigence par l'article 515-3 du Code civil, qui prévoit la possibilité de modifier la convention de PACS.

En cas de rupture d'un PACS conclu sous l'empire de la loi de 1999, les partenaires, soumis au régime légal de présomption d'indivision, doivent procéder eux même à la liquidation « des droits et obligations résultant du PACS »97. Les partenaires ne saisissent le juge que s'ils ne parviennent pas à s'accorder sur les conséquences patrimoniales de leur rupture.

Les partenaires doivent partager l'indivision prévue par la loi de 1999, ce régime de présomption d'indivision faisant une distinction entre deux types de meubles.

La loi de 1999 avait réputé indivis pour moitié les meubles meublants, sauf disposition contraire dans la convention de PACS. Elle avait prévu de soumettre les autres meubles au régime de l'indivision, les partenaires ne pouvant faire échapper leurs acquisitions à l'indivision qu'en stipulant cette volonté dans l'acte d'achat.98

Ainsi, la liquidation des PACS conclus avant le premier janvier 2007 doit se faire en distinguant ces deux types de meubles.

Le partage des meubles meublants se fait en fonction de la convention de PACS.

En effet, si celle ci avait exclu l'indivision les concernant, chaque partenaire reprend ceux sur lesquels il détient un titre de propriété. Les autres sont réputés indivis et ont vocation à être partagés par moitié.

Si la convention de PACS n'avait rien prévu, les meubles meublants ont alors vocation à être partagés par moitié, étant présumés indivis.

Le partage des autres biens, dont les partenaires sont devenus propriétaires à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte, doit se faire par moitié. Ils sont présumés indivis, à l'exception des biens que les partenaires ont tenu à exclure de l'indivision en le stipulant dans l'acte d'achat.

La réforme du PACS a tenu à supprimer ce régime englobant trop largement et systématiquement les biens des partenaires, tout en créant de nouveaux avantages spécifiques aux partenaires d'un PACS, lors de la rupture de celui-ci.

À la rupture du concubinage, l'un des concubins ne peut demander en justice attribution préférentielle de l'immeuble indivis, cette possibilité n'étant offerte qu'au conjoint et aux héritiers, en vertu de l'article 831 du code civil.

La jurisprudence affirme fermement ce principe99, l'attribution préférentielle dérogeant au droit commun du partage et n'étant pas ouverte à tout copartageant.100

96 N. PETERKA, « Les incidences de la réforme des successions et des libéralités sur le droit des régimes matrimoniaux », AJ famille octobre 2006, dossier p 358.

97 Article 5 15-7 du Code civil

98 Ancien article 515-5 du Code civil

99 V. LARRIBAU- TERNEYRE, « L'attribution préférentielle n'est définitivement pas ouverte aux concubins...même en cas de société de fait? », Dt. fam. décembre 2005, com. n° 262 p 18; F. BICHERON, « L'attribution préférentielle du logement indivis à un concubin est exclue en cas de partage », AJ famille 2003, jurisp. p 27

100 F.BICHERON, « L'attribution préférentielle d'un immeuble indivis ne peut être demandée par un concubin », AJ famille 2004, jurisp. p 63.

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En revanche, l'article 5 15-6 du Code civil prévoit la possibilité d'une attribution préférentielle à l'un des partenaires, lors de leur rupture, en renvoyant aux articles 831 et suivants du Code civil relatifs à l'attribution préférentielle et à ses modalités Ainsi, l'un des partenaires d'un PACS peut, à la rupture du pacte, réclamer en justice l'attribution préférentielle de l'immeuble d'habitation indivis, s'ils n'ont pas trouvé d'accord par

eux même

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Si le juge statue dans ce sens, le partenaire bénéficiaire de l'attribution préférentielle sera propriétaire du bien, mais sera redevable d'une soulte à son ex partenaire, tel qu'en dispose l'article 831 du Code civil

.

De ce fait, le statut de partenaires pacsés, au même titre que le statut d'époux, ouvre droit à l'application de la règle de l'attribution préférentielle, dérogatoire au droit commun du

partage

.

 

S'il apparaît lors du partage que l'un des partenaires détient une créance à l'encontre de l'autre, ce dernier doit le dédommager, sauf si la créance peut être compensée par « les avantages que le créancier a pu retirer de la vie commune, notamment en ne contribuant pas à hauteur de ses facultés aux dettes contractées pour les besoins de la vie courante », ainsi qu'en dispose l'article 515-7 du Code civil

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Après avoir déterminé quels sont les biens indivis et quels sont les droits de chaque concubin ou partenaire dessus, il convient d'effectuer le partage, en attribuant à chacun sa quote part sur les biens indivis. Différents modes de partage peuvent être envisagés.

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