I: PARTAGE DE L'INDIVISION LÉGALE
L'indivision légale est le droit commun de l'indivision,
prévu aux articles 815 et suivants du Code civil, qui s'applique en
l'absence de convention d'indivision.83
L'indivision légale a vocation à s'appliquer aux
biens des concubins et des partenaires qu'ils ont acheté en commun et
qu'ils ont entendu partager, et aux biens sur lesquels ils n'ont pu prouver
leur propriété exclusive,
Ainsi, même en présence d'un régime
légal de séparation de biens des partenaires, il convient
d'appliquer le droit commun de l'indivision aux biens qui n'ont pu être
rattachés à un partenaire ou que les partenaires ont entendu
acheter en commun.
Le partage des biens indivis dépend de l'origine de
l'indivision, qu'elle soit intentionnelle, résiduelle ou choisie dans
une convention de PACS.
A: DÉTERMINATION DES BIENS À PARTAGER
Les partenaires soumis au régime légal de
séparation de bien ou les concubins sont réputés
acquérir chacun pour soi. Les concubins sont en effet juridiquement des
étrangers, quant au régime de séparation de biens, il a
pour but la séparation des patrimoines. Néanmoins, ceux-ci ont pu
effectuer des achats communs et souhaiter que ces biens soient soumis au
régime de l'indivision84.
À leur séparation, le partage de ces biens se fera
selon la quote part qu'ils ont acheté respectivement.
Ainsi, le bien acheté en indivision à parts
égales par chacune des parties, ou sans indication dans l'acte
d'acquisition de la quote part acquise par chacun aura vocation à
être partagé par moitié.
Le bien acquis en indivision selon des quotes parts
inégales aura, lui, vocation à être partagé à
proportion de celles-ci.
Cependant cette présomption supporte la preuve contraire,
ce que rappelle la Cour de cassation, en l'absence d'une participation
financière égale de chacune des parties. Dans un arrêt
rendu le 31 janvier 2006, la Cour de cassation a été
amenée à préciser que le
82 La rupture des unions libres, collection encyclopédie
Lamy droit civil- droit des personnes et de la famille, étude
n° 380, 2006.
83 F.TERRÉ, P.SIMLER, Droit civil: les biens,
précis Dalloz, coll. droit privé, 7e éd., 2006, p 451
84 F. SAUVAGE, « La mutation du pacte civil de
solidarité », RLDC février 2007, supplément au
n° 35, obs. n° 2427, p 54.
fait, pour l'un des indivisaires, d'avoir participé au
financement du bien indivis dans des proportions supérieures à
l'autre doit être pris en compte pour le partage de l'indivision.
Pourtant, l'acte d'achat portait mention que l'acquisition du bien avait
été faite à parts égales, ceci
révélant la volonté des parties d'être
coindivisaires pour moitié.
Le partage de l'indivision, selon la Cour, doit cependant
être effectué en fonction et à proportion de l'origine des
fonds.85
La Cour de cassation ajoute, de plus, que ne constitue pas une
contribution réelle à l'acquisition du bien la participation
financière à la vie du ménage effectuée par le
concubin qui a le moins participé au financement du bien
indivis86.
Par conséquent, la contribution aux charges de la vie
commune de l'un ne peut justifier le partage du bien indivis par moitié,
quand ce concubin n'a pas autant participé que l'autre au financement du
bien.
Ce faisant, la Cour de cassation n'a fait que confirmer un
arrêt précédent en date du 6 février 2001, qu'une
partie de la doctrine avait jugé critiquable. Elle a
considéré, en effet, qu'il méconnaissait un principe bien
établi, selon lequel, en cas d'acquisition d'un bien, le
propriétaire est celui qui achète, non celui qui finance
l'opération.87
D'autant plus que dans l'espèce de 2006, les parties
avaient mentionné dans l'acte d'achat leur volonté
d'acquérir à parts égales le bien, contrairement à
l'espèce de l'arrêt de 2001 où rien de tel n'avait
été précisé par les parties.
La Cour de cassation, en réaffirmant cette solution et
en cassant l'arrêt d'appel, a encore une fois voulu rappeler qu'il n'est
pas possible de prendre en compte la participation aux charges du ménage
de l'un des concubins pour partager par moitié le prix de la vente de
l'immeuble indivis acquis avec une participation nettement supérieure de
la part de l'autre concubin88.
En effet, il n'est pas possible d'appliquer des
éléments du régime primaire des époux pour
répartir plus équitablement les biens entre concubins à
leur rupture.
Cependant, un arrêt du 1e juillet 2003 n'a pas
statué de la sorte, en présence de deux concubins ayant acquis
chacun pour moitié un immeuble, l'un deux seulement ayant financé
l'acquisition.
La Cour de cassation a décidé en l'espèce
que l'équité commandait qu'il soit tenu compte, lors du partage
de l'indivision, de l'origine du financement, en accordant à
l'indivisaire auteur du financement une indemnisation égale au montant
de la dépense effectuée au delà de ce à quoi il
était obligé.
En outre, la Cour a qualifié les remboursements de
l'emprunt ayant servi à financer un bien indivis d'impenses
nécessaires à la conservation de ce bien.89
Cette solution semble davantage respecter la volonté
des parties, quand elles ont déterminé la quote part acquise par
chacune.
En effet, en soumettant intentionnellement certains biens au
régime de l'indivision, les
85 V. LARRIBAU- TERNEYRE, « Obligation de tenir compte de
l'origine des fonds pour le partage de l'indivision », Dt. fam. avril
2006, com. n° 83 p 13
86 Cass. 1e civ, 31 janvier 2006, Juris-Data n°
2006-03 1967.
87 J. MASSIP, « Chronique de jurisprudence civile
générale », Defrén. n° 9/2001,
art. 37353 p 593.
88 J. RUBELLIN-DEVICHI, « Droit de la famille », JCP
G 13 décembre 2006, chron. p 199.
89 V. BRÉMOND, « Le partage de l'indivision doit
tenir compte de l'impense nécessaire pour la conservation du bien
indivis », D. 2004, jurisp., S.C. , p 2342.
concubins ou partenaires soumis au régime légal
se réservent la possibilité de choisir la quote part que chacun
détient sur le bien. Ainsi, ils évitent les
désagréments de l'application au bien d'une indivision
résiduelle.
En effet, celle-ci résulte de l'impossibilité,
d'une part, de prouver la propriété exclusive de l'un ou l'autre
sur le bien et d'autre part de prouver la quote-part que chacun détient
sur le bien. S'agissant des partenaires qui achètent un bien
intentionnellement en indivision, financé seulement par l'un deux,
notamment par le biais du remboursement intégral du prêt souscrit
pour acquérir le bien, il convient d'appliquer les mécanismes de
leur régime légal.
Celui qui n'a pas participé au financement doit
restitution à l'autre des sommes investies pour son compte, sans
réévaluation, sauf si l'intention libérale est
prouvée90.
Par conséquent, en application du régime
légal des partenaires celui des deux qui a totalement financé le
bien détient une créance contre son partenaire91, le
bien étant partagé entre eux selon la quote part que chacun
détient sur celui-ci.
Cependant, il existe des biens que les concubins ou les
partenaires séparés de bien n'ont pas forcément
souhaité acheter ensemble, mais qui sont réputés indivis,
à défaut d'avoir pu démontrer un droit de
propriété dessus.
Cette indivision est résiduelle. Les partenaires ou
concubins sont réputés propriétaire de ce bien chacun pour
moitié quand aucun titre de propriété, tel qu'une facture,
n'a pu être fourni, aucune intention libérale prouvée, ou
aucune possession démontrée.
Cette indivision résiduelle ne concerne que les meubles.
En effet, l'acquisition d'un immeuble s'effectuant par acte authentique, son ou
ses propriétaires sont toujours identifiables. Afin de démontrer
sa propriété exclusive sur un bien, le concubin ou partenaire
peut fournir un titre de propriété, tel qu'une facture, ou tenter
de démontrer qu'il est propriétaire du bien car il en a la
possession, en vertu de l'article 2279 du Code civil.
Contrairement aux concubins, les partenaires peuvent prouver
par tous moyens leur propriété exclusive sur un
bien92.
La vie commune engendre un mélange des biens de l'un et
de l'autre, rendant la possession des meubles du logement commun
équivoque en raison de la cohabitation du possesseur avec le
revendiquant.
Le TGI de Cusset, dans un jugement du 19 juillet 2001 a eu
l'occasion d'affirmer cette solution au sujet d'un chien (qui est un bien
meuble) dont les concubins séparés se disputaient la
propriété93.
Mais un arrêt de la cour d'appel de Lyon en date du 15
février 2001 a, quant à lui, admis l'application de l'article
2279 du Code civil à des meubles détenus par l'ex-concubine et
meublant son domicile. La revendication de l'ex-concubin, qui pourtant
était en mesure de fournir les factures d'achat desdits meubles, n'a
donc pu prospérer, l'ex-concubine prétendant au surplus avoir
reçu un don manuel.94
90 F.DEKEUWER-DÉFOSSEZ, « PACS et famille: retour sur
l'analyse juridique d'un contrat controversé », RTD civ 2001,
variétés p 529.
91 F.DEKEUWER-DÉFOSSEZ, art. préc., RTD civ
2001, variétés p 529.
92 Article 515-5 alinéa 2 du Code civil.
93 H. LÉCUYER, « Le chien Mozart et les concubins
», Dt. fam. novembre 2001, com. n° 105 p 21.
94 H. LÉCUYER, « Possession des meubles par la
concubine: la condition d'absence d'équivoque en question », Dt.
.
Cependant, le courant majoritaire jurisprudentiel et doctrinal
n'épouse pas cette théorie et considère plutôt que
la possession est viciée par l'équivoque de la cohabitation, les
biens garnissant le logement commun étant alors réputés
indivis par moitié Si la possession ne peut que rarement venir au
secours du concubin ou du partenaire souhaitant démontrer son droit de
propriété sur un bien, la propriété peut aussi
résulter d'un don manuel, ou d'une intention libérale.
Il revient alors à celui qui invoque une intention
libérale de la démontrer, risquant alors de se heurter au
problème de la preuve, à défaut de pouvoir produire un
titre de propriété. Ainsi, lorsque les concubins ou partenaires
n'ont pu prouver leur droit de propriété sur un bien, celui ci
est réputé indivis par moitié et devra être
partagé comme tel.
Lors de leur rupture, les concubins et les partenaires
séparés de biens doivent donc partager un ensemble de biens
indivis, acquis volontairement en indivision ou réputés indivis
par moitié, faute d'avoir pu fournir un titre de propriété
au nom de l'un des concubins ou
En revanche, si ces biens réputés indivis sont
enlevés de l'habitation commune par l'un des concubins, l'autre n'a
aucun moyen de l'obliger au partage. En effet, la possession de l'article 2279
du Code civil retrouve dès lors toute son efficacité et fait
obstacle à toute revendication, les meubles meublants des concubins
ainsi que les biens achetés en commun ne bénéficaent
d'aucune protection légale.95
La masse de biens indivis entre partenaires qui se sont soumis
au régime de l'indivision des acquêts dans leur convention de PACS
a vocation à être plus large
.
En effet, les acquisitions de l'un ou des deux partenaires
sont réputées être indivises par moitié, « sans
recours de l'un des partenaires contre l'autre au titre d'une contribution
inégale », tel qu'en dispose l'article 515-5-1 du Code civil.
Dans ce régime conventionnel, le partenaire qui a
financé le bien en totalité, ou de façon plus importante,
ne peut se prévaloir d'une créance à l'encontre de son
partenaire, comme prévu dans le régime légal
.
Seuls échappent à l'indivision les biens qui
demeurent la propriété exclusive de chaque partenaire,
énumérés à l'article 515-5-2 du Code civil
.
Lors de la rupture, la liquidation de l'indivision se fera donc
par partage par moitié de la
Ce nouveau régime conventionnel d'indivision, introduit
par la loi du 23 juin 2006, vient remplacer avantageusement le
précédent régime légal de présomption
d'indivision
.
Les partenaires qui concluent un PACS ont le choix, depuis le
premier janvier 2007, entre le régime légal de séparation
de bien et le régime conventionnel d'indivision des acquêts
.
Cependant, si les partenaires d'un PACS conclu avant cette date
veulent bénéficier de l'un de ces nouveaux régimes, ils
doivent conclure une convention modificative, le régime légal de
la séparation de bien ne venant pas automatiquement remplacer le
régime légal précédent. À l'occasion d'un
changement de régime, les partenaires d'un PACS auront tout
intérêt à liquider le régime
précédent, à l'instar des époux modifiant leur
régime matrimonial.
fam. octobre 2001, com. N° 92 p 17.
95 X. LABBÉE, « Les meubles meublants des concubins
homosexuels », D. 2006, jurisp. p 1669.
Contrairement à l'acte notarié de convention
modificative de régime matrimonial qui doit contenir à peine de
nullité la liquidation du régime matrimonial modifié,
depuis la réforme du 23 juin 2006,96 la convention
modificative du régime des partenaires n'est pas soumise à cette
exigence par l'article 515-3 du Code civil, qui prévoit la
possibilité de modifier la convention de PACS.
En cas de rupture d'un PACS conclu sous l'empire de la loi de
1999, les partenaires, soumis au régime légal de
présomption d'indivision, doivent procéder eux même
à la liquidation « des droits et obligations résultant du
PACS »97. Les partenaires ne saisissent le juge que
s'ils ne parviennent pas à s'accorder sur les conséquences
patrimoniales de leur rupture.
Les partenaires doivent partager l'indivision prévue
par la loi de 1999, ce régime de présomption d'indivision faisant
une distinction entre deux types de meubles.
La loi de 1999 avait réputé indivis pour
moitié les meubles meublants, sauf disposition contraire dans la
convention de PACS. Elle avait prévu de soumettre les autres meubles au
régime de l'indivision, les partenaires ne pouvant faire échapper
leurs acquisitions à l'indivision qu'en stipulant cette volonté
dans l'acte d'achat.98
Ainsi, la liquidation des PACS conclus avant le premier
janvier 2007 doit se faire en distinguant ces deux types de meubles.
Le partage des meubles meublants se fait en fonction de la
convention de PACS.
En effet, si celle ci avait exclu l'indivision les concernant,
chaque partenaire reprend ceux sur lesquels il détient un titre de
propriété. Les autres sont réputés indivis et ont
vocation à être partagés par moitié.
Si la convention de PACS n'avait rien prévu, les
meubles meublants ont alors vocation à être partagés par
moitié, étant présumés indivis.
Le partage des autres biens, dont les partenaires sont devenus
propriétaires à titre onéreux postérieurement
à la conclusion du pacte, doit se faire par moitié. Ils sont
présumés indivis, à l'exception des biens que les
partenaires ont tenu à exclure de l'indivision en le stipulant dans
l'acte d'achat.
La réforme du PACS a tenu à supprimer ce
régime englobant trop largement et systématiquement les biens des
partenaires, tout en créant de nouveaux avantages spécifiques aux
partenaires d'un PACS, lors de la rupture de celui-ci.
À la rupture du concubinage, l'un des concubins ne peut
demander en justice attribution préférentielle de l'immeuble
indivis, cette possibilité n'étant offerte qu'au conjoint et aux
héritiers, en vertu de l'article 831 du code civil.
La jurisprudence affirme fermement ce principe99,
l'attribution préférentielle dérogeant au droit commun du
partage et n'étant pas ouverte à tout
copartageant.100
96 N. PETERKA, « Les incidences de la réforme des
successions et des libéralités sur le droit des régimes
matrimoniaux », AJ famille octobre 2006, dossier p 358.
97 Article 5 15-7 du Code civil
98 Ancien article 515-5 du Code civil
99 V. LARRIBAU- TERNEYRE, « L'attribution
préférentielle n'est définitivement pas ouverte aux
concubins...même en cas de société de fait? », Dt.
fam. décembre 2005, com. n° 262 p 18; F. BICHERON,
« L'attribution préférentielle du logement indivis à
un concubin est exclue en cas de partage », AJ famille 2003,
jurisp. p 27
100 F.BICHERON, « L'attribution préférentielle
d'un immeuble indivis ne peut être demandée par un concubin
», AJ famille 2004, jurisp. p 63.
.
En revanche, l'article 5 15-6 du Code civil prévoit la
possibilité d'une attribution préférentielle à l'un
des partenaires, lors de leur rupture, en renvoyant aux articles 831 et
suivants du Code civil relatifs à l'attribution
préférentielle et à ses modalités Ainsi, l'un des
partenaires d'un PACS peut, à la rupture du pacte, réclamer en
justice l'attribution préférentielle de l'immeuble d'habitation
indivis, s'ils n'ont pas trouvé d'accord par
Si le juge statue dans ce sens, le partenaire
bénéficiaire de l'attribution préférentielle sera
propriétaire du bien, mais sera redevable d'une soulte à son ex
partenaire, tel qu'en dispose l'article 831 du Code civil
.
De ce fait, le statut de partenaires pacsés, au
même titre que le statut d'époux, ouvre droit à
l'application de la règle de l'attribution préférentielle,
dérogatoire au droit commun du
S'il apparaît lors du partage que l'un des partenaires
détient une créance à l'encontre de l'autre, ce dernier
doit le dédommager, sauf si la créance peut être
compensée par « les avantages que le créancier a pu retirer
de la vie commune, notamment en ne contribuant pas à hauteur de ses
facultés aux dettes contractées pour les besoins de la vie
courante », ainsi qu'en dispose l'article 515-7 du Code civil
.
Après avoir déterminé quels sont les
biens indivis et quels sont les droits de chaque concubin ou partenaire dessus,
il convient d'effectuer le partage, en attribuant à chacun sa quote part
sur les biens indivis. Différents modes de partage peuvent être
envisagés.
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