B: CONTRAT DE PRÊT
Si les concubins ou les partenaires avaient conclu un
prêt lors de leur vie commune, il convient d'étudier son sort
à l'occasion de la rupture.
Les partenaires d'un PACS sont soumis à un
régime primaire impératif prévoyant leur solidarité
quant aux dettes contractées pour la vie courante, exceptées les
dépenses manifestement excessives (article 5 15-4 du Code civil).
Ils doivent donc rembourser solidairement le prêt, s'il
a été contracté pour les besoins de la vie courante, qu'il
ait été conclu par l'un des partenaires, ou les deux.
Ainsi, à la rupture des partenaires, soit le prêt
est remboursé et celui des deux qui a contribué le plus au
remboursement du prêt peut exiger que l'autre le dédommage, au nom
de l'aide matérielle, soit le remboursement est en cours et chacun doit
continuer à verser sa part jusqu'à extinction de la dette.
De fait, c'est ici le régime spécifique du PACS qui
s'applique, non le droit commun. Cependant, l'article 515-4 du Code civil qui
prévoit la solidarité quant aux dettes contractées pour la
vie courante et l'aide matérielle n'a pas assorti ces obligations, qui
sont pourtant
58 La rupture des unions libres, collection encyclopédie
Lamy droit civil- droit des personnes et de la famille, étude
n° 380, 2006.
59 A. PROTHAIS, art. préc., JCP G n°
15, 1990,3440, I, doctr. n° 3440.
60 H. LÉCUYER, « Le droit commun des obligations au
secours des concubins et partenaires unis par un PACS », RLDC
n° 5/2004, panorama 2003.
d'ordre public,61 de sanctions.
Fort heureusement, un arrêt de la cour d'appel de Paris
du 9 novembre 2006 rendu au sujet des conséquences patrimoniales de la
rupture d'un PACS, statue sur le manquement à l'obligation de contribuer
aux charges du couple62.
On peut en déduire qu'un partenaire qui a
remboursé la totalité d'un prêt contracté pour les
besoins de la vie courante peut réclamer en justice à son
partenaire sa contribution au titre de l'aide matérielle. Par le biais
d'une action en contribution, il pourra obtenir que son partenaire
contribueproportionnellement à ses ressources, ou conformément
aux dispositions
,
conventionnelles éventuellement prévues.
En revanche, si le prêt n'est pas souscrit pour les
besoins de la vie courante, seul le partenaire qui l'a conclu est tenu de son
remboursement.
Comme pour les concubins, l'on applique le droit commun.
S'agissant de ces derniers, la Cour de cassation
réaffirme à chaque arrêt qu'il n'existe entre eux aucune
solidarité autre qu'expressément stipulée, soulignant la
soumission des relations entre concubins au droit commun en l'absence d'un
régime de base applicable à leurs relations
patrimoniales.63
Ainsi, si les concubins ont souscrit un prêt pour les
besoins de leur vie courante ou quel qu'en soit l'objet, sans que soit
expressément stipulée la solidarité, la dette sera
conjointe et non solidaire64. Celui des deux qui aura
contribué plus que l'autre au remboursement ne pourra pas
réclamer remboursement en justice, sauf à démontrer que ce
qu'il a réglé au-delà de sa part constituait un prêt
en faveur de son concubin.
En effet, en l'absence de contribution aux charges entre
concubins, chacun doit assumer personnellement les dépenses de la vie
courante qu'il expose65.
Par conséquent, celui des concubins qui a souscrit un
prêt à son nom mais en a fait, totalement ou en partie, profiter
son concubin, et en a remboursé les échéances, ne peut
exiger à la rupture d'être remboursé par l'autre, sauf s'il
peut prouver qu'il n'avait fait que prêter cet argent à son
concubin.
Prouver l'existence d'un prêt à la rupture des
relations entre les parties suscite des difficultés en l'absence
d'écrit66. Ce dernier est exigé au dessus de
1500€ par l'article 1341 du Code civil. Le demandeur doit démontrer
avoir été dans l'impossibilité morale de se procurer un
écrit, afin de pouvoir prouver par tous moyens l'existence de ce
prêt, en vertu de l'article 1348 du Code civil.
Les juridictions de fond se montrent assez souples dans
l'admission du concubinage comme constitutif d'une impossibilité morale,
tel qu'en témoigne un arrêt de la cour de Versailles rendu le
premier février 2002.
Les juges ont considéré que la relation
poursuivie pendant quinze ans entre les parties établissait
l'impossibilité morale du prêteur à se procurer une preuve
littérale du contrat de
61 N. MOLFESSIS, « la réécriture de la loi par
le conseil constitutionnel », JCP N n° 6, 11
février 2000, p 270.
62 Paris, 9 novembre 2006, AJ famille février 2007,
jurisp. p 94.
63 Cass. 1e civ, 27 avril 2004, Dt. fam. septembre 2004,
com. N° 140 p 25
64 A.PROTHAIS, « dettes ménagères des
concubins: solidaires, in solidum, indivisibles ou conjointes? », D.
1987, chron. p 237.
65 Cass. 1e civ, 17 octobre 2000, obs. R Cabrillac, D. 2001
p 497.
66 Concubinage, jurisclasseur nouveaux couples nouvelles
familles, fasc. 110, 2006 (obs. n° 35)
prêt, au sens de l'article 1348 du Code civil. Ils ont
qualifié l'encaissement par le concubin bénéficiaire du
chèque émis à son profit de commencement de preuve par
écrit, le concubin prêteur pouvant alors prouver par tout moyen
que la remise des fonds avait été faite à titre de
prêt.67
Cependant, la Cour de cassation refuse de considérer
que le seul fait de la vie en concubinage soit générateur d'une
impossibilité morale de se procurer un écrit68 et
exige plus que l'existence de relations affectives entre les parties. En outre,
elle répète que la preuve de la remise de fonds est insuffisante
à établir l'existence d'un contrat de prêt.69
La Cour suprême refuse donc tout assouplissement des
règles de preuve en présence d'un concubinage. Elle semble
hostile à la reconnaissance d'une présomption
d'onérosité entre concubins, que certains auteurs de doctrine et
certaines cours d'appel souhaiteraient voir reconnue.70
Force est de constater que le droit commun ne peut pas
toujours rétablir l'équilibre au moment de la liquidation des
intérêts des concubins, en raison du respect nécessaire des
règles de preuve, ou de la réunion des conditions des
obligations.
Néanmoins, le concubin déçu peut invoquer
l'existence d'une société de fait ou, subsidiairement, d'un
enrichissement sans cause afin de rééquilibrer les profits. En
raison de la nature contractuelle du PACS, le droit commun des contrats lui est
applicable à défaut de dispositions spécifiques, et peut
se révéler utile en cas de non exécution de son engagement
par un des partenaires
.
Le partenaire victime de l'inexécution peut, en vertu de
l'article 1184 du Code civil, demander en justice la résolution du PACS
si l'un des partenaires ne satisfait pas à son engagement.
67 J. RUBELLIN- DEVICHI, « Droit de la famille »,
JCP G n° 50, 13 décembre 2006, I, 199.
68 Cass. 1e civ, 8 juin 2004, juris-data n°
2004-024900.
69 Versailles, 27 avril 2001, AJ Famille 2001, jurisp. p
23.
70 J. ROCHE DAHAN, « La remise de sommes d'argent entre
concubins: prêt ou don manuel? », Dr. et Patr. 2000,
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