II: LES CONTRATS À TITRE ONÉREUX COMMUNS AUX
DEUX TYPES D'UN IONS
Pour organiser la vie courante, les partenaires et les concubins
font parfois appel à des contrats ponctuels, exprès ou tacite,
dont ils souhaitent le plus souvent se délier lors de leur
Or, les parties ont pu acquérir un bien avec clause
d'accroissement (A), ou se consentir un prêt (B), le plus souvent de
manière implicite.
Il convient d'étudier l'incidence de l'existence de ces
contrats sur la séparation des patrimoine
des ex-concubins ou partenaires
.
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A: ACQUISITION AVEC CLAUSE D'ACCROISSEMENT
L'acquisition en tontine, ou avec clause d'accroissement est
une acquisition accompagnée d'une clause doublement conditionnelle:
chaque tontinier est propriétaire sous la condition suspensive de sa
survie et sous la condition résolutoire du décès de
l'autre53.
Ainsi, chacun finance la moitié d'un bien immobilier,
qui appartiendra au survivant des deux. Aucune indivision en
propriété n'existe entre eux du fait de la
rétroactivité de la condition
.
Ce mécanisme est intéressant pour les concubins et
partenaires, qui n'ont aucune vocation successorale (le bien,
réputé n'avoir jamais appartenu au
prédécédé, ne fait donc pas partie de sa
succession), mais son attrait est aujourd'hui atténué par sa
fiscalité désavantageuse. Fiscalement, les parties n'y ont pas
intérêt, la valeur de la moitié du bien, lors du premier
décès, étant assujettie aux droits de mutation par
décès.54
Le désavantage de cette clause se manifeste
spécialement en cas de rupture des relations entre les
coacquéreurs avant le décès de l'un d'eux, l'absence
d'indivision en propriété entre eux posant problème en cas
de conflit
.
Les parties peuvent certes renoncer d'un commun accord au
bénéfice de la clause55, afin de se retrouver en
indivision, ou, d'un commun accord encore, décider de vendre le bien.
L'un des acquéreurs peut aussi céder son droit sur le bien au
profit de son coacquéreur. Cependant, s'ils ne s'accordent pas, l'un
d'eux ne peut pas demander en justice le partage du bien, car l'absence
d'indivision en propriété exclut le droit au
partage.56
Pour remédier à ce blocage, la jurisprudence a
déduit que seule la jouissance est en indivision tant que les deux
acquéreurs sont en vie, en raison des droits concurrents qu'ils ont sur
le bien. Elle affirme par conséquent le droit pour l'un des
acquéreurs de demander le partage de cette jouissance.57
Une indivision en jouissance peut ainsi être
organisée entre ex-concubins ou partenaires, s'ils n'ont pas
souhaité vendre le bien ou renoncer au bénéfice de la
clause
.
Celui qui jouit privativement du bien doit indemnisation
à l'autre, l'indemnité étant fonction
53 Paris, 10 décembre 2002, com. S. D-B: « les
ressorts de l'indivision en jouissance issue d'une clause de tontine »,
AJ famille 2003, jurisp. p 143.
54 J. HÉRAIL, « les contrats à titre
onéreux des concubins », JCP N n° 20, 1988,
p 165.
55 M. MATHIEU, art. préc., jurisclasseur nouveaux couples
nouvelles familles, fasc. 120, 2005.
56 Cass. 1e civ, 27 mai 1986, JCP G 1987, 20 763, II
57 Paris, 10 décembre 2002, art. préc., AJ
famille 2003, p 143, jurisprudence
de la valeur locative du bien.58
Ainsi, cette création prétorienne permet de
résoudre les difficultés causées par cette clause en
pratique lors de la séparation de concubins ou de partenaires, qui le
plus souvent sont en conflit et doivent liquider eux-même leurs
intérêts pécuniaires.
Sur le plan juridique, en revanche, la doctrine et
particulièrement H. Lécuyer, a eu l'occasion de signaler les
incohérences de ce dispositif destiné à remédier
à l'absence de règles gouvernant la liquidation des
intérêts pécuniaires des concubins et des partenaires lors
de leur séparation.
Le droit commun est ainsi utilisé dans un but
d'équité, qui conduit parfois à tourner ce dernier dans un
sens favorable aux parties, A. Prothais soulignant d'ailleurs le «
forçage du droit commun par des contorsions juridiques
».59
S'agissant de l'acquisition avec clause d'accroissement,
reconnaître l'existence d'une indivision en jouissance, pour pouvoir en
déduire que l'occupant exclusif du bien est redevable d'une
indemnité d'occupation, est juste, équitable.
En revanche, s'il apparaît que l'occupant exclusif est
aussi le survivant, il n'est pas juridiquement possible de justifier qu'il ait
payé au prédécédé, réputé
n'avoir jamais eu aucun droit sur ce bien, une indemnité
d'occupation.60
Ceci illustre bien la volonté jurisprudentielle
d'utiliser les moyens à sa disposition, qui sont en l'occurence les
techniques de droit commun, pour pallier l'absence légale de prise en
compte spécifique des conséquences de la rupture des concubins et
des partenaires d'un PACS, afin d'éviter l'instauration de la loi du
plus fort lors des opérations de liquidation.
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