I: LE CONTRAT DE CONCUBINAGE
Lors de la rupture du concubinage, l'existence d'une
convention de vie commune, ou contrat de concubinage, conclu au début de
la vie commune, peut faciliter la séparation des patrimoines des
ex-concubins.
Selon les clauses introduites au contrat, cela peut favoriser
le règlement amiable des opérations de liquidation des
intérêts pécuniaires des parties.
Dans ces conventions de concubinage, les concubins peuvent
organiser globalement les conséquences patrimoniales de leur vie
commune, pendant celle-ci et à sa cessation, et ainsi se doter d'un
statut39.
Contrat soumis au droit commun, il ne peut contenir de clauses
prévoyant des obligations personnelles entre concubins.
En effet, la liberté contractuelle ne permet aux parties
de s'engager que concernant les droits dont elles ont la libre disposition, le
statut personnel étant pour sa part indisponible40. La
communauté de vie, la fidélité, l'assistance ne peuvent
donc pas faire l'objet d'obligations contractuelles car la liberté
individuelle l'interdit.
Les parties ne peuvent pas non plus introduire de clauses
destinées à paralyser en fait la rupture, qui est libre et ne
constitue pas une faute en elle même.
La Cour de cassation, par un arrêt rendu le 20 juin
2006, illustre le propos en affirmant qu'est nulle car contraire au principe de
la liberté individuelle la clause qui, dans un contrat de concubinage,
« constitue par son caractère particulièrement contraignant
un moyen de
37 D. FENOUILLET, « couple hors mariage et contrat »,
in la contractualisation de la famille, D. Fenouillet et P. de Vareilles
Sommières ( sous dir.), collection études juridiques
dirigée par N. Molfessis, économica, 2001.
38 E. DAGNEAUX, E. PANISSIÉ, A. SECK, « le logement
des concubins », Gaz. Pal. 7 juin 2003, p 17.
39 J. HÉRAIL, « Les contrats à titre
onéreux des concubins », JCP N n° 20, 1988,
p 165.
40 Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, Op. Cit., p 163.
dissuader un concubin de toute vélléité
de rupture ».41
En revanche, ce contrat peut se révéler utile si
les concubins ont eu la sagesse de prévoir les modalités de leur
contribution aux charges de la vie commune, s'ils ont fait une liste de leurs
biens personnels avant leur installation, ou encore s'ils ont prévu le
sort des biens achetés en commun par la suite.
Par ailleurs, il n'est pas interdit aux concubins d'introduire
une clause prévoyant l'octroi d'une somme d'argent par l'auteur de la
rupture à la victime de celle ci, en exécution d'un devoir de
conscience42. Ils peuvent aussi prévoir qu'à leur
rupture aura lieu le partage en valeur de l'excédent de l'enrichissement
de l'un ou de l'autre43. Ce rééquilibrage
conventionnel des patrimoines permet d'éviter une action en justice dans
ce but.
Cette convention permet alors de pallier l'absence de
règlementation du concubinage, les concubins n'étant tenus
d'aucune contribution aux charges de la vie commune et n'étant soumis
à aucun régime légal organisant leurs relations
patrimoniales44.
À la rupture de leur relation, les concubins tiennent
compte de l'existence d'une telle convention au moment d'opérer le
règlement de leurs intérêts patrimoniaux.
Ils peuvent renoncer à l'application d'une clause, ou
de la totalité de la convention.
Les clauses destinées à règlementer la
vie commune deviennent sans application, celles prévues en cas de
cessation des relations ont à l'inverse vocation à être
mises en oeuvre.45
Si la convention mentionne l'inventaire des biens personnels,
meubles (meublants ou non) et immeubles de chaque concubin existants avant la
vie commune, chacun reprend ses biens à la rupture sans avoir à
prouver qu'il est sa propriété.
De même, si les conditions auxquelles la
propriété des biens achetés pendant la vie commune est
réputée exclusive sont stipulées dans la convention, les
parties n'ont qu'à appliquer la convention pour partager leurs biens.
En outre, si les concubins ont prévu des
modalités de contribution aux charges de la vie commune durant le cours
de celle ci, et éventuellement les règlements à
opérer au moment de la séparation, comme le remboursement de
celui qui aurait excédé son obligation, ils tiendront compte de
ces clauses à leur rupture.46
En cas d'inexécution par l'un des concubins des
obligations pécuniaires prévues au contrat, l'autre peut lui
réclamer en justice des dommages et intérêts sur le
fondement de l'article 1147 du Code civil47, en application du droit
commun des contrats.
Si, à la rupture, l'un des concubins veut revenir sur les
engagements prévus au contrat, il a la possibilité de demander
l'annulation de celui-ci pour vice du consentement, s'il parvient à
démontrer un dol, une erreur ou la violence au moment de la conclusion
du contrat. Un arrêt de la cour d'appel d' Aix en Provence retient
d'ailleurs le dol de la concubine pour annuler une convention de
concubinage.
41 V. LARRIBAU- TERNEYRE, « Limites à la
liberté de fixer la contribution à l'entretien des enfants dans
un convention de concubinage », Dr. Fam. septembre 2006, com.
n° 155, p 12.
42 J. RUBELLIN DEVICHI, art. préc., RTD civ 1984, p
389
43 P. SIMLER, « le « régime matrimonial »
des concubins », études offertes à J. RUBELLIN DEVICHI, Op.
Cit.
44 D. FENOUILLET, « couple hors mariage et contrat »,
Op. Cit.
45 M. MATHIEU, concubinage: liquidation après
séparation, jurisclasseur nouveaux couples nouvelles familles, fasc.120,
2005.
46 M. MATHIEU, art. préc., jurisclasseur nouveaux couples
nouvelles familles, fasc.120, 2005.
47 Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, Op. Cit., p 163.
En l'espèce, les concubins avaient prévus qu'en cas
de rupture de leur relation, le concubin verserait une somme d'argent à
son ex-concubine.
Or la concubine avait caché à son concubin lors de
la signature de la convention qu'elle venait d'accepter la proposition de vie
commune d'un autre homme.
La Cour a par conséquent reconnu un dol de la part de la
concubine, justifiant l'annulation de la convention que le concubin n'aurait
pas conclu s'il avait eu connaissance des éléments cachés
par sa concubine.48
De plus, en cas de désaccord entre les parties au contrat
sur son existence ou son contenu, qui doit être précis, la
convention de concubinage n'est applicable que si elle peut être
prouvée, et ce dans toutes ses dispositions49.
Fréquentes dans les pays Anglo-Saxons, ces conventions ne
sont pas très usitées en France, bien que la pratique notariale
en ait prévu des modèles50.
L'adoption du PACS dans la législation n'a apparement
pas eu pour effet d'interdire les conventions de concubinage, car l'on constate
que la Cour de cassation affirme dans plusieurs arrêts « qu'en
l'absence de volonté exprimée à cet égard, chacun
doit supporter les dépenses de la vie commune qu'il a exposées
».51
Ce qui sous entend que les concubins ont toute lattitude pour
organiser conventionnellement leur contribution respective aux charges de la
vie commune et démontre que l'organisation conventionnelle globale des
intérêts patrimoniaux des concubins est encore possible.
Néanmoins, l'intérêt des conventions de vie commune en
France a été altéré par l'entrée du PACS
dans la législation. Celui-ci est en effet un contrat spécifique
destiné exclusivement à organiser la vie commune, qui comprend
même des obligations personnelles, au côté d'obligations
patrimoniales.
Ainsi, si les concubins n'ont pas souhaité conclure un
PACS, il est également peu probable qu'ils concluent un contrat de
concubinage, soumis au droit commun des contrats et permettant une moindre
organisation de la vie commune.
En effet, le contrat de concubinage a, comme tout contrat, un
effet relatif, signifiant que seules les parties au contrat sont liées
par celui ci et qu'il n'est pas opposable aux tiers, qui ne peuvent se
prévaloir de ses dispositions.
Malgré l'efficacité très relative de ce
genre de conventions, les concubins prévoyants qui ont organisé
par ce biais leur vie commune, ou qui ont conclu des contrats ponctuels, voient
la liquidation de leurs intérêts pécuniaires
simplifiée par rapport à ceux qui ne se sont pas souciés
des incidences de leur vie commune avant le jour de leur
rupture.52
48 J. RUBELLIN DEVICHI, art. préc., RTD civ 1984, p
389.
49 J. HAUSER, « Verba volent, scripta manent », RTD
civ 2005, Chron. p 761
50 D. FENOUILLET, « Couple hors mariage et contrat »,
Op. Cit.
51 J. HAUSER, « Personnes et droits de la famille »,
RTD civ 2001, p 110 52 A. PROTHAIS, art. préc., JCP G
n° 15, 1990,3440, I, doctrine n° 3440.
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