A: EN PRÉSENCE DE LA REMISE D'UNE SOMME D'ARGENT
Les tribunaux considèrent qu'un concubin a l'obligation
naturelle d'assurer l'avenir de l'autre lorsque le concubinage prend fin, ce
qui permet de valider les dons de somme d'argent faits en exécution
d'une telle obligation233.
En effet, lorsque ces dons sont contestés en justice
par celui qui les a effectués, les tribunaux relèvent l'existence
d'une obligation naturelle résultant d'un devoir de conscience pour les
faire échapper à la qualification de libéralité ou
de simple prêt234.
L'exécution d'une obligation naturelle est
étrangère à la notion de libéralité, c'est
la contrepartie d'un avantage unilatéral déjà obtenu, qui
répond à un devoir de conscience235. Ainsi, si le
concubin ou le partenaire regrette sa générosité, le fait
qu'il ait exécuté un devoir de conscience l'empêchera
d'obtenir la restitution de ce qu'il a versé, en application des
dispositions de l'article 1235 du Code civil.
Les juridictions de fond doivent alors effectuer un travail de
qualification, pour déterminer si la somme remise l'avait
été au titre d'une donation, ou de l'exécution d'une
obligation naturelle.
Bien que les libéralités entre concubins soient
valables quel qu'en soit l'objet depuis un arrêt de la Cour de cassation
rendu le 3 février 1999, la qualification de donation ou
d'exécution d'une obligation naturelle diffère.
En effet, s'agissant d'une donation, le donateur peut
réclamer sa révocation selon les cas d'ouverture de l'article 953
du Code civil, ou invoquer sa nullité si elle n'a pas été
réalisée par acte authentique.
La première chambre de la Cour de cassation, dans un
arrêt rendu le 19 février 2002, a été amenée
à se prononcer sur la qualification juridique d'un document
manuscrit236.
Lors de la rupture, un concubin avait fait don de sa maison,
par un document manuscrit, à son ex-concubine.
Quelque années plus tard, il demande l'expulsion de
cette dernière, arguant de la nullité de sa donation en l'absence
d'acte authentique.
La Cour de cassation a confirmé le raisonnement des juges
du fond, refusant d'accéder à la demande de l'ex-concubin, au
motif que le don de la maison ne constituait pas une
libéralité.
232 A. PROTHAIS, art. préc., JCP N 1991, doctr. p
87.
233 M. MULLER, art. préc., D. 1986, chron. p
328.
234 M. MULLER, art. préc., D. 1986, chron. p
328.
235 M. MATHIEU, art. préc., jurisclasseur nouveaux couples
nouvelles familles, fasc. 120, 2005.
236 J. MASSIP, « Chronique de jurisprudence
générale », Defrén. n° 10/2002,
art. 37548, p 681.
En effet, les juges ont considéré qu'en
l'absence d'intention libérale, l'acte ne pouvait être
qualifié de donation et constituait pour partie la
rémunération de la concubine pour sa participation au
remboursement de l'emprunt souscrit pour cette maison.
Pour l'autre partie, l'acte devait être
considéré comme l'exécution d'une obligation naturelle
tendant à réparer le préjudice résultant de
l'abandon de la concubine après une longue vie commune237.
Force est de constater que l'interprétation, faite par
les juridictions de fond, de la volonté de l'auteur du manuscrit va dans
le sens de l'équité.
En effet, les juges ont considéré le don de la
maison comme étant l'exécution d'un devoir de conscience, afin de
refuser l'expulsion de l'ex-concubine.
L'appréciation par les juges de l'intention de celui qui
s'est engagé est en partie morale, afin de rendre une décision
équitable en présence de la rupture d'un concubinage ou d'un
PACS. Aucun arrêt jusqu'à présent ne rend compte de
l'application du mécanisme de l'obligation naturelle aux partenaires
d'un PACS. Pourtant, il convient de raisonner par analogie avec la situation
des concubins, les partenaires ne bénéficiant pas non plus d'une
réglementation des conséquences de leur rupture.
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