II: PRÉÉMINENCE DE LA NOTION DE
PRÉJUDICE SUR LA NOTION DE
FAUTE
Aucune faute ne peut être retenue si elle n'a pas
causé de préjudice
.
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En revanche, quand le préjudice existe, les juridictions
essaient le plus souvent de caractériser une faute dans les
circonstances de la rupture pour l'indemniser (A).
La jurisprudence met ainsi en exergue sa volonté de
réparer une faute qui a causé un préjudice le plus souvent
économique (B).
A: APPRÉHENSION CIRCONSTANCIÉE DE LA NOTION
DE FAUTE
Après examen de la jurisprudence, il convient de constater
que la faute du concubin est généralement déduite du
préjudice subi par la victime213.
En effet, c'est le critère de la dépendance
économique de la victime envers l'auteur de la rupture qui est pris en
compte pour accorder des dommages-intérêts à
celle-ci214. Cependant, la dépendance économique doit
avoir été créée ou aggravée par le concubin
auteur de la rupture
.
Ceci ressort du constat que le même fait peut être
considéré comme fautif ou non, selon le préjudice qui en
découle pour la victime de la rupture
.
Ainsi, l'on constate que le fait d'être abandonné
brusquement par son concubin, sans aide financière après une
longue vie commune ne constitue pas une faute si celui-ci n'avait jamais
enjoint à la victime de ne pas exercer d'activité
professionnelle215.
Il en va autrement quand c'est le concubin qui a mis
volontairement la victime de la rupture dans une situation de dépendance
économique
.
En lui interdisant de travailler pour qu'elle s'occupe du foyer,
le concubin auteur de la rupture a créé la situation de
dénuement dans laquelle se retrouve la victime lors de la
rupture216.
Ce préjudice économique étant
établi, la faute de l'auteur de la victime en découle, en ce
qu'il a créé volontairement ce préjudice. En effet, le
comportement de l'auteur de la rupture a créé les conditions
nécessaires à l'existence du préjudice qui résulte
de la séparation
.
Les juges du fond s'appuient sur la prévisibilité
du dommage causé par le comportement de l'auteur de la rupture pour
suppléer la preuve du lien de causalité217.
212 J.RUBELLIN DEVICHI, « l'attitude du législateur
contemporain face au mariage de fait », RTD civ 1984, p 389.
213 A. GOUTTENOIRE-CORNUT, art. préc., Op Cit.
214 M. MULLER, art. préc., D. 1986, chron. p
328.
215 Cass. 1e civ, 18 juillet 1962, Bull Civ I, n°
385, p 332.
216 Cass. 1e civ, 7 avril 1998, juris data n°
1998-001756.
217 M. MULLER, article précité, D. 1986,
chron. p 328.
En effet, celui-ci n'est pas direct, entre la faute et le
préjudice, mais la prévisibilité du dommage permet de
caractériser la responsabilité civile délictuelle de
l'auteur de la rupture
.
Ainsi, la notion de faute s'efface au pofit de la notion de
préjudice. La faute n'est caractérisée que par la
situation matérielle difficile dans laquelle l'auteur de la rupture a
plongé celui qui
Certains auteurs concluent d'ailleurs à un
assouplissement de la faute qui confine à sa
déformation218. Ainsi, le même comportement sera dans
un cas fautif, car porteur d'un préjudice, et dans l'autre ne le sera
pas, en l'absence de dépendance économique, ou si celle ci n'a
pas été créée par le concubin auteur de la
rupture
-
.
Cette dualité exprime la volonté des juges de
réparer, par les dommages-intérêts, les conséquences
économiques désastreuses que peuvent avoir une rupture, quand
celles-ci sont l'oeuvre de l'auteur de la rupture
.
Le concubin ou partenaire victime de la rupture qui est
indépendant économiquement peut dificilement démontrer un
préjudice résultant de la rupture, même en
démontrant que le comportement de l'auteur de cette dernière a
été offensant
.
En l'absence de préjudice matériel, la
jurisprudence semble ne pas accueillir les demandes de réparation.
Ainsi, le préjudice moral qui aurait pu résulter de paroles
blessantes219 ou des conditions inélégantes de la
rupture220 n'est pas retenu.
B: VOLONTÉ RÉPARATRICE DE LA
JURISPRUDENCE
L'effacement de la notion de faute au profit de celle de
préjudice résulte de la volonté jurisprudentielle de
réparer les conséquences économiques de l'abandon d'un
concubin par l'autre. Le concubin abandonné ne reste ainsi pas sans
ressources.
S'agissant des partenaires, un arrêt de la cour d'appel
de Paris rendu le 9 novembre 2006221 peut seul rendre compte des
conséquences de la rupture d'un PACS. Il refuse d'ailleurs l'allocation
de dommages-intérêts en déclarant qu'aucune faute ou
préjudice n'est démontré
.
Au regard de la jurisprudence relative aux concubins, il est
possible de dégager une forte tendance à une indemnisation
ressemblant à une prestation compensatoire222. Les sommes
importantes allouées aux victime des ruptures et la prise en compte
très nette d'un préjudice matériel au détriment de
la notion de faute et de lien de causalité direct en
témoignent
.
Les juges tentent ainsi de pallier les différences de
niveaux de vie provoquées par la rupture du concubinage, en utilisant
les techniques de droit commun à leur disposition. Cependant, s'il est
impossible de caractériser une faute, quand l'auteur de la rupture n'a
pas causé le préjudice économique de la victime, ou s'il
est inexistant, il reste à la victime la possibilité de se
prévaloir d'une obligation naturelle, dans certaines circonstances. Pour
qu'elle soit exécutable, elle a dû être novée en
obligation civile, par la volonté du
concubin auteur de la rupture
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218 A. GOUTTENOIRE-CORNUT, art. préc., Op Cit.
219 Lyon, 20 février 1996, Dr. fam. 1997, com.
n° 171, obs. H. Lécuyer
220 Paris, 16 novembre 1999, Dr. fam. 1997, com.
n° 56, obs. H. Lécuyer
221 Juris-Data n° 2006-3 14683
222 Cass. 1e civ, 7 avril 1998, Dr. fam. 1998, com.
n° 81, obs. H. Lécuyer: dommages-intérêts
s'élevant à 500 000
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