B: EXIGENCE D'UN COMPORTEMENT FAUTIF ÉTRANGER
À LA SEULE RUPTURE
Pour retenir la responsabilité de l'auteur de la
rupture du concubinage, la jurisprudence a retenu, dans différentes
espèces, que la faute découlait des circonstances de la rupture
ou de l'instauration même du concubinage.207
Si des circonstances particulières sont constitutives
d'une faute délictuelle, détachable de la rupture
elle-même, des dommages-intérêts peuvent être
dûs
.
Le concubin qui fait croire à sa compagne qu'il
était disposé à fonder un foyer et qui abandonne celle-ci
brusquement quelques jours avant la naissance de leur enfant commun commet une
faute dans les circonstances de la rupture, et dans l'instauration du concu
binage208.
Si le concubin avait exigé que sa compagne renonce
à son emploi pour se consacrer à son foyer et à
l'éducation de leurs enfants, et la congédie onze ans plus tard
sans subvenir à ses besoins, la concubine abandonnée est
fondée à recevoir des dommages-intérêts
.
Ce comportement fautif, qui a causé un préjudice
moral et matériel à la concubine abandonnée, justifie
réparation.209
Ainsi, la rupture brutale peut être qualifiée de
faute si elle laisse le concubin victime dans une détresse morale et
économique intolérable
.
Néanmoins, la seule durée du concubinage n'est
pas en soi de nature à faire caractériser la rupture
fautive.210
En outre, la notion de faute a évolué avec la
société. Certains comportements telle que la séduction
dolosive, créée par un abus d'autorité ou une promesse de
mariage et qualifiée de faute dans l'instauration du concubinage il y a
cinquante ans de cela211, risqueraient de ne plus recevoir cette
qualification par les juridictions à l'heure actuelle
.
Il convient de souligner que les juridictions de fond qualifient
assez volontiers les circonstances de la rupture de fautives, afin de pouvoir
indemniser le concubin victime, si
206 J. MASSIP, « chronique de jurisprudence
générale », Defrén. 1992, art. 35395 p
1437.
207 Cass. 1e civ, 3 mars 1964, Bull Civ I, n°
39.
208 Cass. 1e civ, 3 novembre 1976, Bull Civ I n°
322.
209 Cass. 1e civ, 7 avril 1998, juris data n°
1998-001756.
210 Rennes, 15 mai 2006, Juris-Data n°
2006-316757.
211 Cass. 1e civ, 7 octobre 1957, Bull. Civ. I,
n° 322, p 258
celui-ci est dans le besoin
.
En effet, un glissement vers la prééminence du
préjudice est opéré, bien que la faute détachable
de la rupture elle-même soit constamment exigée par les
juridictions
.
Faute de pouvoir indemniser la victime de la rupture du
concubinage sur le simple fondement de celle-ci, force est de constater que les
juridictions de fond utilisent les notions de circonstances fautives et de
faute dans l'établissement des relations comme
palliatifs.212
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