II: L'ENRICHISSEMENT SANS CAUSE AU SERVICE DES CONCUBINS OU
PARTENAI RES
L'action de in rem verso est une action subsidiaire (A), dont les
conditions sont rigoureusement appréciées par la jurisprudence
(B).
C'est une création prétorienne, destinée
à combler les lacunes de la législation et à sanctionner
tout enrichissement dépourvu de cause, au nom de
l'équité.177
Elle peut être invoquée par un concubin ou un
partenaire qui, à la rupture, se sent lésé
financièrement et peut démontrer son appauvrissement,
corrélativement à l'enrichissement de l'autre.
Le concubin ou partenaire qui a participé sans
rémunération à l'activité professionnelle de
l'autre peut invoquer l'enrichissement sans cause si ce dernier s'est enrichi
à son détriment. De même, les juges se trouvent
confrontés aux demandes de concubins qui ont procédé
à des travaux ou réalisé des investissements dans
l'immeuble de leur compagnon, qui bénéfice seul, à la
rupture, de la plus-value consécutive.
Cette action permet de rétablir l'équilibre des
patrimoines à la rupture, mais sa mise en oeuvre reste
exceptionnelle.
A: SUBSIDIARITÉ DE L'ACTION DE IN REM VERSO
L'enrichissement sans cause ne peut être invoquée
par un partenaire ou un concubin qu'en l'absence de tout autre moyen de droit
applicable à sa situation.
Cette action est subsidiaire et n'a pas vocation à
s'appliquer lorsque le concubin ou partenaire pourrait obtenir satisfaction par
un moyen de droit commun dont il néglige de se servir.178
Ainsi, un partenaire qui négligerait d'agir contre son
compagnon en contribution aux charges de la vie commune alors que l'aide
matérielle est prévue par l'article 5 15-4 du Code civil ne
pourrait invoquer l'enrichissement sans cause de ce dernier pour être
indemnisé de sa participation excessive au titre de l'aide
matérielle.
Par ailleurs, l'enrichissement sans cause ne peut être
invoqué quand le concubin ou partenaire
177 P. VOIRIN, G. GOUBEAUX, Droit civil, Tome I, 31e
édition, LGDJ, 2006, p 450
178 P. VOIRIN, G. GOUBEAUX, Op. Cit. p 451.
demandeur peut se fonder sur l'existence d'un contrat de
travail, ou d'une société créée de fait, pour
obtenir satisfaction179. On ne peut pas contourner les règles
de recevabilité des autres actions par le recours à
l'enrichissement sans cause.
La Cour de cassation, dans une conception rigide de la
subsidiarité, rejetait l'action de in rem verso lorsque le concubin
était débouté de sa demande de partage d'une
société créée de fait.180 Revenant sur
cette conception stricte, dans un revirement de jurisprudence, elle affirme
désormais que l'enrichissement sans cause n'est pas exclu lorsque le
demandeur a seulement invoqué la société
créée de fait.181 Néanmoins, certaines
juridictions de fond considèrent que l'action de in rem verso ne peut
être invoquée pour suppléer une autre action que le
demandeur ne peut pas exercer, faute de pouvoir rapporter la preuve
exigée par cette dernière.182
Pour qu'un concubin ou partenaire puisse invoquer
l'enrichissement sans cause, il doit de plus démontrer un
appauvrissement qui lui est propre, un enrichissement de son ex-compagnon, et
une corrélation entre ces deux
phénomènes.183
Ce sont les juges du fond qui apprécient si les
conditions ouvrant droit à une indemnisation sont réunies.
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