SECTION II: LA THÉORIE DE L'ACCESSION.
Si l'un des concubins ou partenaires a financé ou fait
construire un ouvrage sur le terrain de l'autre, la théorie de
l'accession a vocation à s'appliquer lors de leur
séparation.118 Cette théorie, prévue à
l'article 555 du Code civil, règle en équité le sort des
ouvrages construits sur le terrain d'autrui.
Il ne s'applique pas en cas de réparation,
d'amélioration ou de transformation de constructions
existantes119.
Cette théorie réalise un compromis entre le respect
des droits du propriétaire sur son terrain et le soucis d'éviter
son enrichissement injuste au détriment du tiers
constructeur.120 La troisième chambre civile de la Cour de
cassation a affirmé l'applicabilité de cette théorie aux
rapports entre concubins dans un arrêt rendu le 2 octobre
2002.121
Les concubins étant juridiquement des étrangers
l'un pour l'autre, que la jurisprudence leur reconnaisse la qualité de
tiers au sens de l'article 555 semble logique, d'autant que cet article a
déjà été appliqué aux relations entre
frère et soeur, ou époux séparés de
bien.122 Les concubins étant a fortiori sans lien de droit,
le texte peut s'appliquer à leurs rapports. De la même
manière, il semble que les dispositions de l'article 555 du Code civil
aient vocation à s'appliquer entre partenaires soumis au régime
légal de la séparation de bien de la même manière
qu'aux époux séparés de bien.
L'article 555 du Code civil a une vocation résiduelle
à s'appliquer, à défaut de règlementations
spécifiques et en cas de construction sur le terrain d'autrui.
Cependant, l'application des mécanismes de la gestion
d'affaire, de l'enrichissement sans cause ou de la société
créée de fait n'interviennent que de manière encore plus
résiduelle, ce qu'a confirmé la Cour de cassation en approuvant
l'application de l'article 555 entre concu bins.123
Lors de la séparation des concubins ou des partenaires
séparés de biens, le propriétaire du terrain devra donc
une indemnité au constructeur.
L'équité commande cette indemnisation en raison du
financement de la construction par le partenaire ou concubin non
propriétaire du terrain.
L'article 555 du Code civil dispose que le propriétaire du
terrain doit verser une indemnité au constructeur de bonne foi, sans
pouvoir exiger la destruction, qui ne peut être demandée
118 F. VAUVILLÉ, « l'article 555 du Code civil est
applicable aux concubins », RJPF mars 2003, p19
119 F. TERRÉ, P. SIMLER, Op. Cit., p 217.
120 M. FARGE, « de l'application des règles relatives
à la construction sur le terrain d'autrui de l'article 555 du Code civil
aux concubins », Dr. fam. octobre 2002, chron. 23 p 10.
121 Juris-Data n° 2002-015732.
122 M. FARGE, art. préc., revue droit de la famille
octobre 2002, chron. 23 p 10.
123 M. FARGE, « construction sur le terrain d'autrui et
rupture de concubinage », Dr. fam. décembre 2002, com.
n° 141 p 15.
qu'au constructeur de mauvaise foi.
Celui ci n'est autre que le constructeur qui a construit sur
le terrain d'autrui en connaissance de cause. Ainsi, si le propriétaire
du terrain ne souhaite pas, lors de la rupture du concubinage ou du PACS,
verser une indemnité à son ex-concubin ou partenaire, il pourra
demander la destruction de la construction en justice.
Au regard de la définition de la mauvaise foi retenue
par la jurisprudence et de l'attitude de la Cour de cassation face au
concubinage, auquel elle ne fait produire aucun effet, il est possible
d'imaginer que le concubin qui souhaite la destruction de la construction sur
son terrain puisse obtenir judiciairement gain de cause.
Cependant, en démontrant l'existence d'une convention
réglant le sort de la construction, le propriétaire du terrain
évince l'article 555 du Code civil.
Ainsi, la preuve d'une convention entre les partenaires ou les
concubins, relativement à la construction et à son indemnisation,
pourrait permettre au propriétaire de minorer cette dernière. La
preuve de cette convention, qui ne peut être déduite de la seule
situation de concubinage124, est cependant ardue, l'absence de
preuve renvoyant à l'application du droit commun de la théorie de
l'accession.
De ce fait, le propriétaire qui souhaite garder la
construction devra le plus souvent verser une indemnité au constructeur,
de la valeur de la plus-value qu'a engendré la construction, ou
égale au coût des matériaux et au prix de la main d'oeuvre
nécessaires pour une construction de la même valeur que celle
existant à la date du remboursement.125
À la rupture du concubinage ou du PACS, les techniques
de droit commun permettent d'aboutir à la séparation des
patrimoine des ex-concubins ou partenaires.
L'absence de réglementation spécifique du
concubinage interdit aux juridictions de faire application des règles du
régime primaire impératif des époux en présence de
concubin, ce que rappelle fréquemment la Cour de cassation aux
juridictions de fond parfois dissidentes. De même, la Cour de cassation
réaffirme régulièrement, à travers sa
jurisprudence, sa volonté de ne faire produire aucune conséquence
à la situation de fait qu'est le concubinage. Les partenaires,
dotés d'un régime primaire impératif
atténué, se voient cependant aussi appliquer le droit commun lors
de leur rupture.
Certains auteurs appelent de leurs voeux une réforme
législative instaurant un régime minimum commun aux trois formes
d'unions, pour faciliter la liquidation du patrimoine en cas de
séparation de partenaires ou surtout de concubins, qui ne
bénéficient d'aucun régime
légal.126
La rupture ne bouleverse pas seulement les patrimoines, mais
aussi les personnes.
Elle n'est pas fautive en elle même, cependant ses
circonstances peuvent l'être, ce qui autorise le concubin ou partenaire
victime à en demander réparation.
De même, c'est à la rupture que l'un des
partenaires ou concubins aura vocation, le cas échéant, à
demander une indemnisation à l'autre, pour l'avoir secondé ou lui
avoir permis de s'enrichir à son détriment.
124 Grenoble, 10 octobre 2000; Juris Data n°
2000-184032.
125 Article 555 du Code civil.
126 C. PERNEL, « Le patrimoine des concubins après la
loi du 15 novembre 1999: indivision ou société
créée de fait », revue droit et patrimoine juin 2001,
pratique p 44.
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