DEUXIÈME PARTIE: TECHNIQUES SUBJECTIVES DE
LIQUIDATION DES INTÉRÊTS
PÉCUNIAIRES À L'ISSUE
D'UN CONCUBINAGE OU D'UN PACS
Lors de la rupture du concubinage ou du PACS, les
mécanismes de séparation du patrimoine issus du droit des biens
se révèlent impuissants à eux seuls pour
rééquilibrer les patrimoines des ex-concubins ou partenaires
.
En effet, ces mécanismes objectifs, qui ne prennent en
compte que la part de chacun sur le bien pour le partager peuvent
s'avérer insuffisants
.
L'un des concubins ou des partenaires peut souhaiter
réclamer à l'autre une indemnisation, au regard de son
implication bénévole dans les activités de ce dernier
(chapitre I).
En cas de rupture fautive, la victime peut également
souhaiter demander réparation à l'auteur de la rupture, en raison
du préjudice subi (chapitre II).
Ainsi, ces techniques d'indemnisation et de réparation
permettent, eu égard au comportement des ex-concubins ou partenaires,
d'atténuer la rigueur de la séparation objective des patrimoines,
qui ne prend pas en compte le comportement des personnes.
Certains auteurs comparent ces techniques subjectives de
liquidation des intérêts pécuniaires à des
substituts de communauté légale et de prestation compensatoire au
profit du concubin ou du partenaire abandonné ou
lésé.127
Cependant, ces techniques de droit commun sont d'application
aléatoire, en raison des conditions à remplir et des
éléments de preuve à fournir, qui peuvent faire
défaut128. Les juges du fond tentent souvent de favoriser
l'équité sur l'application stricte des conditions du droit
commun129, dans des décisions que la Cour de cassation ne
manque pas de casser en rappelant que le concubinage n'est qu'un fait juridique
qui ne se voit attacher aucune conséquence en droit130.
Ainsi, les juges du fond qui appliquent aux concubins le
régime impératif des époux voient leurs arrêts
sanctionnés par la Cour de cassation
.
Elle rappelle régulièrement que seuls les
époux et les partenaires sont solidairement tenus aux dettes et
obligés de contribuer aux charges de la vie commune.131
127 Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, Op. Cit., p 170.
128 X. LABBÉE, art. préc., D. 2006, jurisp.
p 1669.
129 P. BERTHET, « droit de la famille », JCP G
septembre 2002, chron. p 165.
130 V. LARRIBAU-TERNEYRE, art. préc., Dr. fam.
décembre 2005, com. N° 262 p 18. 131 J. HAUSER,
« personnes et droits de la famille », RTD civ 2001 p 110.
CHAPITRE PREMIER: RÉÉQU I LIBRAGE DES
PATRI MOINES PAR LA TECHNIQUE DE L'INDEMNISATION.
Celui des ex-concubins ou partenaire qui se sent
lésé peut réclamer une indemnisation sur deux
fondements
.
D'une part, celui de la société créée
de fait, en cas d'exploitation conjointe et de réunion des conditions
d'existence d'une société (section I).
D'autre part, celui de l'enrichissement sans cause, s'il a
apporté une aide bénévole importante à l'autre,
notamment dans son activité professionnelle (section II).
SECTION I: LA TECHNIQUE DE LA SOCIÉTÉ
CRÉÉE DE FAIT
La société créée de fait est
prévue à l'article 1873 du Code civil, qui, sans la
définir, opère un renvoi aux dispositions applicables aux
sociétés en participation
.
La société créée de fait peut se
définir comme un groupement de personnes qui se sont comportées
comme des associés sans en avoir manifesté expressément la
volonté, sans avoir conclu de contrat de
société132.
Ainsi, au cours de l'activité commune, les concubins ou
partenaires n'ont pas eu conscience
C'est au moment de sa disparition, donc de la rupture, que l'un
d'eux peut invoquer son existence.133 Elle a alors un
caractère rétrospectif.
Cette invocation a posteriori conduit, si elle est retenue par
la juridiction, à la liquidation de cette société
créée de fait.134
À défaut de régime légal entre
concubins, et en l'absence d'organisation conventionnelle de leurs rapports
patrimoniaux, la reconnaissance d'une société créée
de fait entre eux permet d'obtenir un partage équitable des biens acquis
pendant la vie commune
.
Les partenaires d'un PACS peuvent aussi avoir
intérêt à invoquer l'existence entre eux d'une
société créée de fait135. L'absence de
règles légales gouvernant les conséquences de leur rupture
justifie que ne leur soit pas fermée cette technique de liquidation de
leurs intérêts
La notion de société créée de fait
n'est invoquée, entre concubins ou partenaires, que pour procéder
à sa liquidation et son partage, et ainsi tirer les conséquences
pratiques de la vie commune.136
À ce titre, chacun des associés se verra
attribuer, après reprise des apports et apurement du
132 C. PERNEL, art. préc., Dr. patr. juin 2001,
pratique p 44.
133 F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ, « Illusions et dangers du
statut des sociétés créées de fait », D.
1982, chron. p 83.
134 Paris, 12 septembre 2002, D. 2003, jurisp.
135 A. BOLZE, « Les rapports patrimoniaux des couples en
dehors de la communauté légale », Dr. fam. mars 2001,
chron. p 9.
136 M. MATHIEU, art. préc, jurisclasseur nouveaux couples
nouvelles familles, fasc. 120, 2005.
passif, sa part de l'actif social.137
Cette technique est traditionnellement utilisée par les
juridictions pour liquider les intérêts patrimoniaux des
concubins.138
Ainsi, la technique de la société
créée de fait peut être utile, particulièrement dans
deux cas (II).
D'une part, si l'un des concubins ou partenaires a
participé à l'exploitation d'un fonds de commerce, d'une
exploitation agricole ou artisanale appartenant à l'autre.
D'autre part, en cas d'acquisition en commun d'un logement,
d'édification d'un immeuble avec acquisition du terrain, ou
non.139
Cependant, la reconnaissance, par les juridictions, d'une
société créée de fait est subordonnée
à la preuve de la réunion de ses conditions d'existence (I).
|