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Les auditeurs de Skyrock face à l'intolérance - Fonctionnement, valeurs et portée du discours de l'émission "Radio libre" dans le traitement des problèmes d'intolérance vécus par ses auditeurs

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par Mathieu Sicard
Université Paris III Sorbonne Nouvelle - DEA - Master 2 recherche 2006
  

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Caractères linguistiques

Si l'on veut porter un regard sur la construction d'un discours comme constitutive d'un projet commun, la coordination de la langue est évidemment le premier élément préalable nécessaire que nous devons interroger. C'est ce que nous avons vu, d'après le travail Georges Mead1, dans la seconde partie de notre exposé.

1 George Herbert, Mead, Mind, self and society, University of Chicago press, 1962.

La communauté de la langue n'est pourtant pas, du simple premier point de vue de l'analyse langagière, un caractère pleinement satisfaisant. Le langage doit partager d'autres codes plus informels : un lexique commun, une grammaire, une ponctuation verbale, des expressions communes. Un « parler commun », en définitive. On ne peut s'empêcher de penser au travail d'Anne-Caroline Fiévet sur les codes langagiers entendus dans les émissions de NRJ, Fun radio et Skyrock1. On n'obéit pas aux mêmes codes sur ces trois grandes radios jeunes dont les cibles (et les publics) sont très différents. Pour Anne-Caroline Fiévet, le parler nouveau des banlieues dominant sur l'antenne de Skyrock est un métissages de différents argots (anciens remis au goût du jour ou simplement empruntés, nouveaux argots) ainsi que de nouveaux lexiques dont fait partie, par exemple, le verlan. Ce vocabulaire n'est donc pas un simple langage commun, nous pourrons voir ici la marque d'une appartenance identitaire forte2.

Mais il ne s'agit pas seulement d'un vocabulaire collectif. Il y a aussi une grammaire, une syntaxe partagée par les auditeurs et les animateurs sur l'antenne. L'expression orale est, en outre, la plus révélatrice de ces codes. On peut ainsi constater des constructions syntaxiques communes. D'une part s'agissant de la ponctuation elle-même au sens strict (comme par exemple le recours à des phrases tronquées que nous décelons dans les retranscriptions par la matérialisation écrite des points de suspensions). Mais aussi, d'autre part, en envisageant l'emploi d'expressions comme « t'as vu ", « tu vois ", « et tout ", « franchement ", « quoi " (et tant d'autres que l'on retrouve tout au long des retranscriptions) comme véritables marqueurs de ponctuation, établissant un code syntaxique singulier tout autant qu'un socle de marqueurs langagiers identifiants : comme le fait observer Anne-Caroline Fiévet, ne dite pas « tu vois " à un animateur de Fun radio, il se moquerait gentiment de vous en vous expliquant que non, à la radio, on ne voit rien (en déplaçant ainsi la valeur de l'expression dans un univers langagier où elle ne signifierait rien d'autre que la

1 Anne-Caroline Fiévet, sujet de thèse, sous la direction de M. Jean-Pierre Goudaillier : Langue des jeunes et stratégies des animateurs dans les émissions de libre-antenne de trois radios nationale. Anne-Caroline Fiévet appartient au groupe Radio (rencontres-ateliers doctoraux interdisciplinaires sur la radio, proche du GRER (groupe de recherche et d'études sur la radio) de Jean-Jacques Cheval, maître de conférences à

l'Université Michel de Montaigne de Bordeaux 3.

2 Françoise Gadet, Le Français populaire, Paris, Puf, Coll. Que sais-je, 1997, 194 pages.

conjugaison de l'activité permise par nos yeux) voire exprimerait franchement son agacement en vous envoyant promener.

Dans ses travaux, Anne-Caroline Fiévet montre ainsi le caractère identitaire des langages propres aux auditeurs et aux animateurs des différentes libres antennes du soir sur Skyrock, NRJ et Fun radio et leur imperméabilité.

Partager le même langage co-élaboré dans une émission par les différents auditeurs et animateurs s'avère ainsi un élément fondamental du contrat de communication radiophonique pour chacune des émissions de libre antenne. Mais si ces langages sont propres à chacune de ses émissions, ils n'en sont pas pour le moins rigides. Au contraire, ils sont très vivants. Ils évoluent selon les vagues d'emprunts de mots ou d'expressions dans la langue des cités (qui concerne tout particulièrement Skyrock) et enrichissent en permanence un vocabulaire coloré. On remarque ainsi à de nombreuses reprises les répétitions de la même phrase par un auditeur ou un animateur qui remplace une expression par un synonyme pour se l'approprier ou la rendre plus accessible selon les fluctuations populaires ou plus excluantes de certaines d'entre elles.

Le parler nouveau des banlieues vit et forge l'identité langagière commune sur l'antenne de Skyrock. Les mêmes langages et les mêmes codes partagés, le contrat de communication en est renforcé par l'adhésion à une identité langagière commune.

Le langage n'est cependant pas la seule condition du contrat de communication pour l'élaboration d'un discours constitutif d'un projet commun. Si nous avons vu plus haut qu'un certain nombre de valeurs sont partagées à l'antenne, notamment s'agissant des attitudes des auditeurs et de l'équipe prononcées à l'antenne à propos des questions d'intolérance, il va s'agir de déceler plus profondément quelles sont les valeurs qui gouvernent ces attitudes et qui forgent le discours de l'émission.

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