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La démarche ORIL apporte-t-elle une réponse aux difficultés rencontrées aujourd'hui par la station de Val Thorens?

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par Emilie CHAROUD
WESFORD Grenoble - Bachelor Management Commercial Marketing Vente 2006
  

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2- Historique : la conception des « stations de type intégré »

Vers 1925, des chercheurs anglais découvrent les Trois vallées de Tarentaise ; la vallée de Saint Bon Courchevel, la vallée de Méribel-les Allues et la vallée des Belleville. Dans les années trente, débute l'aménagement touristique de ces stations. Dès 1944, l'Etat Français et le Conseil de la Savoie décideront d'investir pour relancer l'économie savoyarde. Les vertus des Trois Vallées : les larges alpages, les glaciers, les hauts sommets et les liaisons directes des Trois Vallées, rendront favorable le développement du ski. Au début des années 60 la vallée des Belleville connaît un exode massif de sa population active et pour sauver la vallée le Maire de Saint Martin de Belleville lancera une étude sur l'aménagement touristique de la commune et proposera un plan de développement. En 1973, la station de Val Thorens se construit à 2300 mètres d'altitude.

L'idée dans cette partie est de montrer comment les concepteurs et urbanistes ont pensé et créé les stations de sport d'hiver en terme de cadre bâti et d'aménagement du territoire. Cette réflexion nous aide à comprendre les difficultés de Val Thorens aujourd'hui et à penser comment nous en sommes arrivés au système des ORIL.

Marie Worzniak23(*) explique que les stations de ski ont été conçues pour les touristes ; « sans vacanciers pas de stations », elle s'interroge sur la manière dont les opérateurs et les concepteurs ont construit et pensé les stations en fonction de leur soi disant connaissance des touristes et de leurs attentes.

La construction des « stations intégrées d'altitude française » s'inscrit dans une politique nationale d'aménagement du territoire, après la guerre et avec la Reconstruction, des évolutions techniques et sociales permettent le développement du tourisme de masse en montagne, il faut donc créer des structures d'accueil.

Le « modèle de la station intégrée d'altitude française » apparaît pendant les Trente Glorieuses, les premiers à s'y investir sont en quelque sorte « les pionniers de l'or blanc » ; on compte parmi eux : les urbanistes, les architectes, les promoteurs et les experts dont le SEATM : Service d'Etude et d'Aménagement Touristique de la Montagne.

Les concepteurs et créateurs des stations sont les premiers à avoir tenté de répondre aux aspirations des nouveaux touristes. A partir des années soixante, le tourisme n'est plus réservé à la haute société mais fait place au tourisme de masse. Les concepteurs et créateurs doivent donc penser les stations « pour une activité nouvelle, pour un public nouveau ».

En 1937, les Congrès Internationaux d'Architecture Modernes (CIAM)24(*) organisent un congrès intitulé « Logis et loisirs », à la suite de ce congrès un rapport intitulé : « zones de loisirs en haute montagne » est publié. Ce rapport engage les architectes et urbanistes à « réfléchir à la place du loisir dans la vie quotidienne » et à «créer des lieux adaptés à cette nouvelle pratique », ils vont donc faire des stations, « un objet moderne [...] aménagé rationnellement (« équation : nombre de lits étendue du domaine/ débit des remontées, organisation de l'espace autour d'une seule pratique...), fonctionnellement (zonage, séparation des circulations piétons, skieurs et autos) et efficacement.

Finalement, les stations sont aménagées pour « l'homme nouveau », « standard et générique », explique Marie Worzniak. Le texte des CIAM révèle également deux autres idées : la pratique des loisirs en montagne serait réservée aux citadins et la montagne serait liée la maladie et à la guérison, cette image évoluera vers celle du grand air, du bien être, de la détente et du loisir.

Laurent Chappis25(*) a participé à l'aménagement de nombreuses stations françaises et étrangères. De 1946 à 1958, il élabore « le premier plan d'aménagement volontaire d'un massif, les trois Vallées, et la station de Courchevel ». La position de Chappis est minoritaire en France, peu de ses projets aboutiront, il développe l'idée qu'il existe plusieurs clientèles en stations, il prône le principe du « zonage »26(*), les stations doivent représenter cette diversité. Les clients sont par exemple discriminés par rapport à leurs degrés de pratique du ski, cependant Laurent Chappis affirment que certains viennent en montagne pour autre chose que le ski : « le soleil, le panorama, l'évasion, la détente... ». Marie Worzniak remarque que pour cette clientèle aucun aménagement n'est prévu hormis les « éléments naturels ». Laurent Chapuis s'appliquera, suite à des études de terrain, à définir un « habitat pour citadin sportif résidant à la montagne ».

Les travaux de Denys Pradelle mettent en lumière l'idée selon laquelle, c'est aux usagers des stations de « façonner un nouvel art de vivre », « comme les concepteurs ont essayé d'en préparer  les supports.

L'Etat français, au début des années 1960 est conscient de l'opportunité économique offerte par les stations, il crée en 1964 la Commission Interministérielle d'Aménagement de la Montagne. Cette commission devient en 1970 le SEATM et implique une officialisation dans un rôle d'Etat d'une équipe constituée et impliquée sur le terrain depuis 1945. La logique du SEATM est une logique d'ingénieurs, pour définir la taille et l'organisation des stations, des « critères très objectifs » sont pris en compte: débits des remontées mécaniques, taille du domaine, nombre de lits, etc.

Les stations sont construites rapidement, il y a « urgence » à intervenir pour « stopper l'exode rurale », « fixer les skieurs français en France et attirer les clients étrangers, et faire rentrer des devises sur le territoire ». Le temps n'est donc pas aux études sociologiques et à la concertation, on cherche à « urbaniser la montagne » ; terme employé par G. Pialat27(*), et ceci le plus vite possible.

Ainsi le SEATM savait ou croyait savoir ce qu'attendaient les touristes explique Marie Worzniak, il a également pratiqué une « segmentation implicite de la clientèles » : la clientèle fortunée qui pratique le ski et la clientèle familiale qui doit se contenter des éléments naturels. Le SEATM fonde sa politique d'aménagement sur des données de l'INSEE estimant une « croissance du nombre de skieurs » mais ne lance aucune étude sur les attentes de la nouvelle clientèle des stations.

Charlotte Perriand, membre des CIAM, explique que la conception de la station des Arcs, en particuliers des aménagements intérieurs, s'est faite dans un souci de « contact avec la nature, le grand air... [...] ces longs balcons face à la montagne, comme une rive face à la mer ». Dans le logis de loisir C. Perriand ne projette pas seulement un cadre bâti mais une organisation familiale, un rythme d'activité, toute une vie nouvelle. [...] ces bâtiments se faufilaient dans la forêt, synthèse entre l'équipement intérieur, l'architecture et l'environnement qui imprimaient dès l'arrivée une sensation d'espace et l'assurance d'un séjour heureux. L'homme est pris en compte. » Mais quel homme est alors pris en compte ? A ce moment là on se réfère à « l'homme nouveau » aux besoins « réduits et simplifiés » qui implique une « simplification des modes de vie ». Autrefois, explique Marie Worzniak , les stations offraient de nombreux « espaces intermédiaires, de médiation (pergolas, vérandas, promenades, parcs, salons, fumoirs, marquises...) », le logement- type des Arcs ne propose qu'un « balcon- terrasse ».

On peut donc constaté que les architectes et les urbanistes projettent une vie nouvelle dans l'organisation de l'habitation de loisir en montagne en tentant de répondre aux attentes encore mal identifiées et de produire de nouvelles pratiques. Ces acteurs créent les stations dans l'esprit du temps : fonctionnalisme et rationalité, selon la réflexion de « l'homme nouveau » qui pour la première fois intègre le loisir dans son quotidien. L'idée que l'Homme est semblable, égal à son prochain aboutit à la « construction d'un Homme standardisé, générique [...] ainsi chacun aurait les mêmes besoins, les mêmes désirs, les mêmes aspirations... »

A travers ces explications, nous pouvons comprendre comment une station comme Val Thorens aujourd'hui est reprochée d'avoir un cadre bâti standardisé.

Les premières études sociologiques sur la société de loisirs datent des années soixante. Les promoteurs ne disposent donc pas de beaucoup de données au moment de la conception des « stations de type intégré ».

Marie Worzniak précise que H. Bezançon28(*) est le seul à citer dans son article en 1980 l'ouvrage de Joffre Dumazedier, Vers une civilisation de loisir29(*).

Les promoteurs, notamment la SETAM ou encore la Caisse des Dépôts et Consignations et autres acteurs s'orientent vers le modèle communautaire, la communauté, en partant de l'idée que « le quotidien, c'est la ville, les vacances c'est le village [...] la ville est anonyme et le village convivial » explique Marie Worziniak. La nature n'est plus seulement un territoire de pleine nature mais « une communauté humaine transitoire ». La montagne doit également être un « lieu d'animation »30(*), selon Roger Godino, promoteur des Arcs.

Les architectes et urbanistes se définissent comme des prototypes de cet Homme nouveau et ont « projeté leur mode de vie dans des aménagements qui feront progresser l'humanité » explique Marie Worzniak. « La réduction du temps de travail, la création de moment de détente, la résorption de l'habitat insalubre, seront des témoins concrets du progrès social ».

Entre les années 1950 et 1970, on assiste donc à la création des stations, qui connaissent leur apogée dans les années 1980, pour ensuite vivre la crise à partir des années 1990. Les études sociologiques sont alors plus orientées vers une approche marketing, vers des études de marché. Les experts étudient les attentes de la clientèle pour faire évoluer l'offre proposée par les stations, cependant ces études de marché ne remettent pas en question le cadre et le produit « tout ski » mais les à côtés.

Les stations ont été conçues et construites, elles ont rencontré leur clientèle et ont touché des vacanciers satisfaits. Elles entrent alors dans une nouvelle phase explique Marie Wozniak : « on passe de la création d'un mode de vie à la vente du produit « ski ». Il est donc nécessaire d'adopter une approche marketing c'est-à-dire notamment de faire la promotion du tourisme à l'étranger avec le concours d'agence de publicité.

Nous pouvons citer deux exemples d'études de marché tel que SEMA METRA IFOP 1987 : « études des loisirs de montagne ». Cette étude est lancée suite à une chute du taux de départ en vacances d'hiver, le but est de caractériser les tendances de la demande. Le critère de définition des profils de clientèle est essentiellement socioéconomique. Il ressort de cette étude que la classe moyenne (revenus confortables, originaires de Paris ou des grandes agglomérations, très sportifs (ski), fort capital économique et culturel, des longs séjours) représente la clientèle majoritaire des sports d'hiver. On identifie dans cette clientèle des « clusters » explique Marie Worzniak, « mordus, dilettantes, pragmatiques, vacanciers ».

Finalement, l'étude conclut que c'est le modèle des stations intégrées de haute altitude qui est plébiscité; des sites fonctionnels, de la neige assurée, des domaines skiables vastes...Cependant c'est ce même modèle qui était remis en question parce qu'il était considéré comme trop peu montagnard, peu convivial,...

De plus, il est remarqué que le produit « sport d'hiver » semble peu évolutif : « les loisirs en montagne l'hiver c'est le ski, le modèle c'est la grande station intégrée. ». C'est pourquoi on commence à réfléchir à la nature de l'offre et à mettre la montagne en avant : « l'accueil, la qualité, l'environnement, le patrimoine... ».

Nous pouvons noter ici des critères que les Opérations de Réhabilitation de l'immobilier de Loisirs reprennent, même si cela s'effectue quelques années plus tard.

L'étude conclue sur une nécessité de commercialiser de façon professionnelle les stations pour atteindre une plus grande rentabilité.

Nous pouvons également donner l'exemple d'une autre étude menée en 1992 par COMFRECA : « Pour un repositionnement de l'offre tourisme- loisirs des Alpes françaises», 31(*)cette étude utilise des méthodes qualitatives de type « marketing ». Le point de départ est la constatation d'une baisse de fréquentation à la fin des années 1980, en raison notamment du manque de neige et de la pratique du snowboard en plein boom, renvoyant à un autre univers de référence que celui du ski. L'objectif de cette étude est de construire une « typologie de la demande pour « l'offre montagne », les variables prises en considération sont socio- démographiques et socioculturelles.

L'étude définit la clientèle « montagne » comme étant composée de jeunes actifs aisés, plutôt jeunes (moins de 30 ans), des étudiants et cadres parisiens en majorité.

« Six tendances se dessinent au fil de l'analyse de la demande et des attentes des touristes : la vitalité (corps et esprit en harmonie), ouverture aux autres, connectivité, interactions, ouverture à la complexité (paradigme de l'indétermination dans les 1990), besoin de sens : « authentique », sensibilité à la nature et à l'hyper naturel (développement durable) et d'autonomie : destruction de la société de masse, d'homogénéité, où tout le monde se conformait à des modèles, versatilité et diversité »32(*).

L'étude constate la croissance des différents profils de sensibilité, on serait passé de demandes simples, massives et homogènes à « des demandes multiples et complexes » explique Marie Worzniak. Ces résultats font donc émerger l'idée qu'il existe « un panel de clientèles « montagne » auquel devrait correspondre une offre diversifiée », la diversité des profils induit une complexité de la demande. Les objectifs fixés sont donc : « recherche de qualité et diversification de l'offre, conquête de nouvelles clientèles, travail sur la commercialisation, amélioration du cadre bâti (bâtiments et espaces extérieurs) et étude en profondeur de la pluri- activité des employés et habitants des stations. Il s'agit de la première fois que l'on remet en cause le cadre bâti et à travers lui les pratiques associées (une attention prêtée aux pluri- actifs), a constaté Marie Workniak.

L'enquête montre également que « les stations sont trop marquées « ski », « la concentration des activités sur ces sites entrave la liberté de choix des usagers, [...] mais également un manque de produits intermédiaires et les difficultés rencontrées dans la gestion et la commercialisation ».

Nous pouvons souligner ici que, les difficultés des stations constatées dans ces deux études, sont reprises dans les objectifs des ORIL.

* 23 Les stations de ski : quelles représentations des clientèles pour quel cadre bâti? Revue de géographie alpine, 2004

* 24 Sous l'impulsion de le Corbusier, ces congrès rassemblent des architectes, artistes, critiques d'art et hommes politiques afin d'ouvrir une réflexion sur l'architecture et l'urbanisme

* 25 Architecte et urbaniste, expert de l'Organisation Mondiale du Tourisme, architecte conseil du ministère de l'équipement

* 26 « Zone de loisirs de neige sans immobilier privatif, stades de neiges, zones de résidences, zones de ski de masse, zones de ski de randonnées... »

* 27 Urbanisme n°116, 1970, « Urbaniser la montagne ? », G, Pialat (Urbaniste de l'Etat Service d'Etude de la Commission Interministérielle pour l'aménagement Touristique de la Montagne)

* 28 Technique et architecture n°333, 1980, « Constantes et variables de l'architecture de loisir, de la Plagne 1962 à la Plagne 1980 »

* 29 « Vers une civilisation de loisir ? », Jean Dumazedier, Le Seuil, Paris, 1962

* 30 « Bourg- Saint- Maurice- les- Arcs, le village de Pierre Blanche (arc 1600) » par R. Godino pour l'Atelier d'Architecture des trois Arcs dans Techniques et Architectures 34ème serie n°1, 1971.

* 31 Rapport publié en 1993

* 32 Source : étude COFREMCA, rapport publié en 1993

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery