La carte scolaire : un effacement
programmé
La carte scolaire, de sa création à sa
remise en cause.
La carte scolaire élaborée en 1963, se
constitue à l'époque dans la perspective d'être un outil de
gestion d'effectifs scolaires permettant de répondre au contexte de
massification de l'enseignement. En ce sens, elle anticipait d'une certaine
manière la loi de 1975 sur le collège unique. A cet égard,
il est intéressant de constater qu'à la suite de cette loi, les
grandes écoles sont devenues plus sélectives socialement. Ainsi,
face à cette démocratisation, l'enseignement à
recréé les frontières non plus par le temps
d'étude, mais par le type d'étude.
Cette digression mise à part, le principe de la carte
scolaire était d'attribuer à un espace donné, un
établissement de référence.
Toujours en vigueur actuellement, la logique du
découpage sectoriel s'effectue selon un calcul tenant compte de la
proximité de l'établissement scolaire et des effectifs des
enfants recensés. Le caractère coercitif de la carte scolaire et
la relative hétérogénéité sociale des
quartiers urbains de l'époque a fait de cet outil une garantie de
mixité sociale dans les établissements. Or, cet aspect s'est vu
affaibli à la fois par le processus de ségrégation
socio-spatiale des villes et par l'importance des dérogations
accordées aux enfants souhaitant se scolariser hors de leur secteur de
référence.
Si le processus de ségrégation des villes est
une tendance avec laquelle l'école doit composer, le nombre de
dérogations peut être considéré comme une
dérive de l'éducation nationale. Le problème étant
que, in fine, ce sont les personnes les mieux renseignées sur le
système scolaire qui aboutissent à des dérogations.
Parallèlement, l'école privée joue, de plus en plus, un
rôle de contournement de la carte scolaire. En cela, Nathalie Mons,
Maître de conférence en Sciences de l'éducation, estime que
le système français actuel témoigne d'une « vraie
fausse rigidité »14.
Les premières remises en cause apparaissent au
début des années 1980. Durant cette décennie, les
partisans d'un libre choix et ceux qui critiquent « l'hypocrisie » du
système amènent un certains nombre d'hommes politiques à
s'interroger sur la pertinence de la carte scolaire.
14 Article tiré du journal le Monde, intitulé
Carte scolaire : les pièges du libre choix paru le 12 juin
2007.
Le constat d'une homogénéisation sociale
grandissante dans plusieurs établissements scolaires cristallise le
débat autour de la carte scolaire. Celui-ci est animé par un
affrontement entre les partisans d'une suppression pure et simple, et les
tenants d'une carte scolaire sauvegardée.
En réalité, actuellement les
spécialistes prônent majoritairement l'idée de ni-ni,
entendant par là ni carte scolaire actuelle, ni libre choix total.
Derrière il y a, en fait, l'idée d'aménager
la carte scolaire et d'encadrer le choix des familles. L'objectif étant
de faire émerger le système le mieux adapté à la
demande de mixité. Nous aborderons par la suite ces différentes
formes de recrutement d'élèves.
En tout cas, le débat s'étant engagé
depuis déjà longtemps, les différents partisans
s'affranchissent des positions politiques habituelles. La dichotomie droite -
gauche ne se superpose pas réellement à cette
question15.
L'interrogation des Collectivités Territoriales
Le gouvernement au pouvoir depuis les élections
présidentielles de 2007 affiche l'intention de réformer la carte
scolaire et de la supprimer d'ici à 201016. Aussi, les
collectivités territoriales compétentes dans le domaine scolaire
s'interrogent sur la mise en place de cette réforme. Une des
premières questions étant, comment va s'organiser le recrutement
des établissements à partir du moment où les
élèves ne sont plus soumis à la carte scolaire ?
La question est d'autant plus importante que pour les
délégataires de construction d'établissements scolaires,
il est nécessaire d'estimer les zones de recrutement des futurs
élèves. Cette nécessite s'explique pour au moins deux
raisons. D'une part, vis-à-vis du travail de prospective, indispensable
pour anticiper les besoins qui se dessinent, et d'autre part, concernant les
Conseils Généraux, vis-à-vis de la gestion des dessertes
scolaires et de la gestion des personnels TOS (Technicien, Ouvrier et de
Service). En ce sens lors d'une rencontre le 19 et 20 juin entre le ministre
Xavier Darcos et les présidents de l'Association
15 -1980, A. SAVARY, ministre de l'éducation nationale,
accepte des dérogations, à titre expérimental
- 1985, plusieurs membres du PS émettent l'idée
d'assouplir la carte, en justifiant par la fin d'une « hypocrisie
>>
- 1986, J. CHIRAC annonce la suppression progressive de la
sectorisation.
16 « Comme j'ai commencé à l'indiquer au
cours des derniers jours, je commencerai à supprimer progressivement la
carte scolaire à partir de la rentrée prochaine
>>. Déclaration de X. DARCOS, ministre de l'éducation
nationale, le 26 mai 2007. « M. DARCOS a fixé à l'horizon
2010 la liberté de choix « totale >> >>. Extrait de
l'article Carte scolaire : les pièges du libre choix du journal
le Monde, paru le 12 juin 2007.
des Maires de France (AMF) et de l'Assemblée des
Départements de France (ADF), ce dernier expliquait que « les
mesures d'assouplissement qui sont proposées par le gouvernement vont
entraver lourdement la gestion même des établissements par les
départements, mais aussi celle des personnels TOS et l'organisation des
transports scolaires ».17
La situation pour les collectivités territoriales est
d'autant plus inconfortable qu'elles ne savent pas la forme que prendra la
suppression de la carte scolaire alors même que les intentions de
réformes s'inscrit dans un échéancier relativement court.
De fait, les communes, les départements et les régions se doivent
d'être extrêmement habiles politiquement et techniquement.
Politiquement, car s'ils s'opposent de front à cette réforme, ils
devront composer avec une partie de l'opinion favorable au
démantèlement de la carte scolaire. Et techniquement, car de par
leur compétence et de par le rôle de l'école, ils devront
être extrêmement réactifs face à la mise en place de
cette réforme. Or l'application de cette réforme peut modifier en
profondeur leur gestion de la question scolaire.
En ce sens, il est légitime qu'ils se demandent,
quelles sont les formes de recrutement d'élèves qui peuvent
s'instaurer. L'interrogation peut paraitre prématurée mais les
répercussions d'une telle mesure imposent d'y réfléchir au
plus tôt.
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