Tout d'abord, si une seule chose apparait clairement, c'est
bien l'approche transversale qu'il convient de mettre en place. Si en effet, la
mixité sociale ne peut pas se réaliser par décret, nous
pouvons néanmoins jouer sur un certain nombre de leviers pour
créer une situation favorable à son instauration. Le dialogue
est, de fait, inhérent à une telle approche.
Par ailleurs, il est nécessaire de reconsidérer
la question de la mixité des établissements à
l'échelle de l'individu qui choisit, c'est-à-dire les parents.
En reprenant l'idée selon laquelle les parents
réalisent un classement de leurs valeurs et de leurs priorités
lorsqu'ils décident d'inscrire leur enfant dans tel ou tel
établissement, nous pouvons nous demander comment répondre aux
attentes premières des parents pour qu'elles soient en adéquation
avec la recherche de mixité. Jean-Pol ROCQUET dans son texte
intitulé Carte scolaire d'octobre 2006 ébauche une
réponse. Il explique que pour conserver le principe de mixité il
faut que l'école offre la valeur sécurité, «
Sécurité physique et morale qui ne se limite pas à
l'intérieur des écoles et des établissements, et
sécurité éducative et intellectuelle qui garantit que les
apprentissages qui s'effectuent sont de grande qualité ». A cette
double exigence se rajoute par ailleurs une recherche de
l'épanouissement de l'enfant dans le cadre scolaire. Cette
dernière attente est expliquée par Eric MANGEZ dans son article
STRATEGIES FAMILIALES EN MATIERE D'ORIENTATION SCOLAIRE EN BELGIQUE,
« Le rapport à l'école ne se réduit pas à
ce registre instrumental. L'école est aussi un lieu de vie, où
comme dans l'ensemble de la vie quotidienne, une importance croissante est
accordée à des enjeux affectifs, au bonheur, à
l'épanouissement de la personne ». Aussi, la demande est de trois
ordres. Premièrement, sécurité physique des
élèves, deuxièmement, garantie de la qualité de
l'enseignement et enfin, épanouissement de l'élève. Ce
triptyque d'attentes doit être travaillé et chaque institution
compétente dans un domaine doit, dans le cadre d'une concertation,
répondre au mieux à ces attentes. Le besoin d'une
cohérence d'actions est primordial dans la question scolaire.
L'écueil d'un cloisonnement des compétences sans logique commune
rend inopérantes, voire même contre productives, les mesu res
sectorielles établ ies.
L'objectif n'est pas ici de proposer une manière de
faire, mais comprendre qu'un certain nombre d'évolutions sont
possibles.
A titre d'exemple J-P ROCQUET propose que « chaque
établissement et chaque école offrent, outre les disciplines
communes, des activités d'enseignement qui soient de l'ordre de l'aide
ou de l'approfondissement. L'école Jean Macé et le collège
Picasso assureraient une aide à la maitrise de la langue et trois
niveaux de connaissance en astronomie... ». L'idée est
séduisante car si les établissements recouvrent des
spécificités tout en assurant le cadre commun de connaissance,
les parents pourront répondre, pour autant que l'attente
sécuritaire soit résolue, à leur recherche
d'épanouissement de l'enfant et à la demande de qualité
éducative de l'école en dépassant le cadre de leur
représentation. Il faut cependant s'entendre sur le fait, que ce n'est
pas l'instauration d'une option rare mais bien la mise en place d'une
spécificité des établissements qui est
présentée ici.
Par ailleurs, second exemple, la question des lieux de la
ville étant comme nous l'avons vu liée aux établissements
scolaires, la localisation des futurs collèges nécessite une
réflexion particulière selon le contexte. Elle doit, en effet,
tenir compte du contexte socio-spatial des quartiers. En ce sens, dans le cas
d'un secteur de ville aux quartiers socialement ségrégués,
il semble pertinent de placer les collèges à l'interface de deux
quartiers socialement différents. L'implantation dans « un
entre-deux » évitera de définir une appartenance claire de
l'établissement au quartier et aux représentations qui lui sont
attribuées. En ce sens un dialogue avec les communes détentrices
des terrains est nécessaire.
Il est clair que toutes sortes d'idées peuvent
alimenter cette réflexion, mais nous l'avons bien compris, la recherche
de situation favorable à l'instauration de la mixité
nécessite de prendre en compte la logique des individus et ce, à
tous les niveaux de compétence. Or c'est bien par cette
nécessité que l'action est si complexe.
Pendant un temps, la société pensait
gérer la mixité sociale des établissements scolaires
à travers un outil simple de contrainte. Mais si la question de la
mixité sociale est aussi prégnante aujourd'hui dans le domaine de
l'éducation, c'est bien la preuve que un, le contexte s'est
modifié et que deux, la mixité sociale ne se
décrète pas. Ainsi trente ans après son instauration, la
carte scolaire fait l'objet d'une remise en cause forte. Et aujourd'hui le
débat autour de la carte scolaire s'intensifie dans un contexte de
suppression programmée.