La mixité sociale qui nous intéresse ici,
s'inscrit, comme nous l'avons vu, en contre poids d'un processus « naturel
» (au sens où il n'y pas de volonté politique clairement
définie) de ségrégation sociale. Or tout le monde, ou tout
au moins une très forte majorité, s'accorde sur un
nécessaire mélange social mais à la lumière des
différentes études locales, la ségrégation sociale
tend à se renforcer, en particulier dans sa traduction spatiale. Pour
quelles raisons existe-t-il un paradoxe entre les pratiques des individus et
leurs attentes vis-à-vis de la société ?
Nous pouvons faire l'hypothèse qu'à
l'échelle de l'individu d'autres valeurs concurrencent cette
volonté de mixité sociale. Le cadre scolaire est peut-être
le cas le plus explicatif de ce paradoxe d'intentions et de pratiques. Ici
aussi, il y a consensus pour considérer l'école comme le lieu de
socialisation, voire d'intégration. Et chacun s'accorde sur le besoin
d'une hétérogénéité sociale des
élèves. Mais à cette valeur partagée, l'individu,
le parent, doit composer avec d'autres éléments. Ainsi, le
parent, devant la scolarisation d'un de ces enfants, confronte ses valeurs et
les hiérarchises. La mixité sociale, bien que valeur reconnue, ne
peut concurrencer certaines valeurs à l'échelle de l'individu.
Car quoi de plus légitime à ce qu'un parent recherche ce qui lui
parait de meilleur en termes de scolarisation pour ses enfants. A
l'échelle de l'individu les valeurs macro-sociales se déclassent
au profit des valeurs nucléaires (au sens de la famille par exemple). La
difficulté est donc là, les valeurs individuelles prennent le pas
sur les valeurs communes. Ce n'est certes pas nouveau, mais cela montre la
complexité d'installer et de faire perdurer de la mixité
sociale.
Pour une société démocratique qui laisse
une place importante à la liberté individuelle, la mixité
sociale ne peut pas se décréter.
Par ailleurs, une autre difficulté apparait lorsque
l'on considère la question du point de vue spatial. En reprenant le cas
de la ville et de l'école, nous pouvons constater qu'il existe une
interrelation intense entre les paysages sociaux de ces lieux. Dans un sens, la
ségrégation spatiale des villes provoque des espaces de
relégation dans lesquels les établissements scolaires
présents accueillent un public déjà homogène
socialement. Et à l'inverse, les établissements scolaires peuvent
jouer, selon la représentation13 qu'ils renvoient, un
rôle sur les prix de l'immobilier du secteur auquel ils appartiennent (le
cas est cependant plus rare). Cette interpénétration des lieux
qui renvoie à la théorie systémique en géographie,
montre bien que l'action doit être appréhendée au travers
ces logiques de relations et d'interrelations.
13 « Dans ce système de forte
ségrégation, les familles sont attentives, dans leur choix de
résidence, aux qualités et à la réputation des
établissements ». Agnès Van Zanten, extrait de l'article
Ségrégation scolaire et mixité sociale.
A partir de cette analyse des difficultés, quelques
orientations d'actions ce sont révélées. La
dernière partie de cette réflexion s'attarde en ce sens sur ces
pistes d'action favorisant la mixité sociale dans le cadre scolaire.