PARTIE I
LA COMPLEXITE D'UNE QUESTION SIMPLE
Où construire les futurs collèges en 2020?
Cette question, relativement simple au premier abord,
présente, en vérité, une complexité
particulière. Elle dépasse en effet l'interrogation d'une
localisation géographique classique. Car son objectif n'est pas de
repérer des zones d'implantations favorables à un
équipement lambda, mais de travailler sur la localisation à
travers le prisme de la question scolaire. De fait, elle recouvre des enjeux
implicites délicats, mobilisant un travail de réflexion sur
différentes thématiques.
Nous avons pu saisir dans l'introduction de ce rapport «
les passerelles », les liens auxquels incite la commande. En ce sens, la
question de départ amène à réfléchir
à des thèmes comme la mixité sociale et la carte scolaire.
Localiser les futurs collèges prend ainsi un tout autre sens.
Appréhender une telle question se réalise
complètement à partir du moment où nous tenons compte,
à la fois, de son ambition implicite, la recherche de mixité
sociale, du contexte particulier, l'effacement de la carte scolaire et du cadre
local de politique d'aménagement, les orientations du SCOT.
La demande devient complexe. Et les solutions à
proposer aussi. Ces dernières ne peuvent se réduire à une
mise en adéquation de l'offre et des besoins, elles nécessitent
de mobiliser l'ensemble des aspects que recouvre la demande.
.
Cette partie se veut une traduction des réflexions
menées en amont du travail de localisation. Son objectif est de
construire un cadre de pensée permettant d'alimenter le travail de
localisation des collèges (Partie III). Trois thèmes sont
abordés. En premier, la mixité sociale, en second l'effacement de
la carte scolaire et enfin les orientations du SCOT. Ces thèmes
étant extrêmement généraux, nous tenterons, pour
chacun d'eux, d'orienter, au fur et à mesure, notre propos vers nos
interrogations de départ. D'une réflexion générale
sur la mixité nous aboutirons au cas plus concret du milieu scolaire ;
du contexte national d'une fin programmée de la carte scolaire nous
terminerons sur les répercutions engendrées au niveau du
territoire de la commande ; et d'une présentation de la philosophie des
schémas de cohérence territoriaux nous zoomerons sur les
orientations du SCOT Sud toulousain.
Le travail sur ces axes a mobilisé un certain nombre de
textes, d'articles, qui sont, pour la plupart, présents dans le CD de
documents proposé en annexe.
La mixité sociale
La question de la mixité est très difficile
à aborder et je suis conscient que la réflexion qui suit comporte
de nombreuses simplifications. Malgré cet écueil, ce travail
à néanmoins le mérite de proposer une lecture de la
mixité sous divers aspects.
Mixité, ségrégation, individu et
société.
Au cours de ce travail, la première question qui s'est
posée, était de comprendre le sens que prend la notion de
mixité sociale pour un individu et pour une société.
Posée ainsi, la question paraissait hermétique, mais en
considérant la mixité sociale comme l'antithèse de la
ségrégation sociale, il était possible de retourner la
question en se demandant ce que signifie la ségrégation pour un
individu et pour une société.
Concernant l'individu, la réponse est complexe car
elle dépend du statut que détient son groupe d'appartenance
identifié comme tel dans une société
ségréguée. L'inégalité étant
intrinsèque à la ségrégation, les
possibilités d'un groupe sont de fait différentes. Cependant,
quelque soit la position hiérarchique de son groupe, ce qu'implique
avant tout la ségrégation pour cette personne, c'est que des
critères le définissant dans cette société (par
exemple, son niveau économique, sa religion) l'excluent d'une partie de
celle-ci. Cette mise à l'écart, si elle produit un sentiment
d'exclusion, crée chez l'individu une frustration vis-à-vis de la
société et le questionne sur le rôle qu'il y joue.
Il n'est pas nécessaire d'approfondir pour comprendre
que la ségrégation qui exclut, peut (ce n'est pas obligatoire)
amener à un sentiment d'exclusion, lequel crée une frustration
par rapport à la société, aboutissant in fine à une
souffrance de l'individu. La traduction de ce malaise peut prendre des formes
multiples : colère, conflit, repli sur soi... entrainant des
répercussions au sein de la société.
Nous n'aborderons pas ici les comportements que l'individu met
en place vis à vis de la société à la suite de ce
malaise. Mais nous nous arrêterons sur l'idée que la
ségrégation
sociale peut apporter une souffrance à l'individu et ce
d'autant plus si le sentiment d'exclusion et d'injustice est fort.
Concernant la société, la
ségrégation crée, comme nous l'avons vu, des limites pour
les groupes qui la composent. Ces limites qui s'apparentent plutôt
à des frontières, cloisonnent les groupes dans des
environnements. Les frontières sont évidement de l'ordre des
valeurs et des normes propres à cette société, et
très souvent elles se traduisent spatialement créant une double
ségrégation sociale et spatiale. Cette mise à distance
sociale et spatiale des groupes entraine pour la société une
fragilité de son unité, parfois au point de remettre en cause
l'existence même d'une société unique.
Ainsi, de par cette lecture, la ségrégation
apparait, pour une société qui se veut unifiée, comme un
risque et pour un individu, comme une possible souffrance liée à
un sentiment d'exclusion et d'inégalité.
Actuellement, la société française qui
se veut, par sa constitution, indivisible1, affiche une
volonté de reconstruire de la mixité sociale. L'analyse de cette
volonté politique est intéressante car elle permet de comprendre
le cadre de pensée dans laquelle elle s'est constituée.
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