Un exemple unique de construction et d'exploitation d'un navire: Le Cargo solidaire( Télécharger le fichier original )par Elisabeth Druel Université de Nantes - Master II Droit maritime et océanique 2006 |
§2 : Les contrats plus classiques d'embauche et de sous traitanceLes contrats de travail et de sous traitance sont des contrats classiquement utilisés sur tous les chantiers de construction navale hors milieu associatif. Ils vont être nécessaires à la réalisation du projet.
- Le contrat de travail Une association peut parfaitement être employeur. A ce titre, elle devra s'acquitter des charges fiscales qui pèsent sur les employeurs. L'association déclarée qui est employeur (comme la fondation ou l'association reconnue d'utilité publique) est dans la même situation que les sociétés civiles ou commerciales. Les règles du droit du travail s'appliquent donc ici. Cependant, deux types de contrats sont proposés spécifiquement aux associations et pourront être utiles dans le cas du Cargo solidaire. Il s'agit tout d'abord des contrats d'accompagnement dans l'emploi destinés aux personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d'accès à l'emploi et des contrats d'avenir destinés à faciliter l'insertion sociale et professionnelle des personnes bénéficiant du revenu minimum d'insertion, de l'allocation spécifique de solidarité ou de l'allocation de parent isolé51(*). Dans le cadre de l'objectif d'insertion par le travail, ces contrats peuvent être intéressants. Sinon, le droit classique s'applique en l'espèce. Différents types de contrats de travail sont susceptibles d'être conclus : le contrat de travail à durée indéterminée (CDI), le contrat de travail à durée déterminée (CDD), le contrat à temps partiel, le contrat d'intérim, le contrat emploi-solidarité (CES)... Quelle que soit la forme de l'association, il faudra, avant l'embauche, effectuer une déclaration préalable d'embauche à l'inspection du travail s'il s'agit d'un premier emploi de main d'oeuvre salariée ou d'une embauche de travailleurs à domicile52(*). Dès l'embauche, il faudra procéder à l'inscription sur le registre unique du personnel53(*), qui mentionne, dans l'ordre d'embauchage les noms et prénoms de tous les salariés et également ouvrir un registre unique pour l'évaluation des risques professionnels pour la santé et la sécurité des travailleurs. Enfin, il est possible qu'en cours de projet, l'association « Le Cargo solidaire » emploie plus de 50 personnes. Dans ce cas, dans les 8 premiers jours de chaque mois, un relevé mensuel des contrats conclus et résiliés au cours du mois précédent est à adresser au directeur départemental du travail et de l'emploi54(*). Il ne faudra pas, également, oublier de prendre contact avec un organisme de retraite complémentaire. Tous les contrats devront être écrits et comporter les mentions exigées par la loi (fonction du salarié, nature et durée du contrat, horaires de travail, rémunération, durée de la période d'essai...). Toute modification du contrat de travail fera obligatoirement l'objet d'un avenant notifié par écrit au salarié. De plus, suivant l'article L. 143-3 du Code du travail, lors de chaque paie, l'employeur doit remettre au salarié, à titre de justificatif, un bulletin de paie. Ce bulletin doit être remis sur le lieu du travail et doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires55(*). Le contrat de travail va pouvoir prendre fin de différentes façons. Tout d'abord, le salarié de l'association peut démissionner. Sa démission peut être verbale ou écrite, toutefois l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception est préférable. La démission ne se présume pas. Pour qu'il y ait démission, le salarié doit manifester une volonté sérieuse et non équivoque de rompre son contrat de travail. Ensuite, il existe un préavis dont la durée est fixée par les usages ou par le contrat de travail. S'il ne fait pas son préavis, le salarié peut se voir réclamer par l'employeur une indemnité compensatrice de préavis. Dans le cadre d'un CDD, le contrat ne peut être rompu avant terme, sauf par un accord entre le salarié et l'association, ou en cas d'embauche du salarié en CDI, ou encore en cas de faute grave de l'association et du salarié, ou bien en cas de force majeure. Pour le CDI, on peut avoir recours à un licenciement pour motif personnel. Ce licenciement sera toujours fondé sur une cause réelle (les faits doivent être objectifs) et sérieuse (la cause doit être suffisamment grave pour rendre inévitable le licenciement). Il existe deux cas de licenciement pour motif personnel. Tout d'abord, le licenciement pour faute : faute simple, grave ou lourde (commise avec l'intention de nuire à l'association). Ensuite, le licenciement non fautif, dans le cas par exemple d'une maladie, d'un refus d'une modification du contrat de travail ou d'une inaptitude physique. Une procédure est à respecter : il faut convoquer le salarié à un entretien préalable, lui faire passer cet entretien, ensuite notifier le licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception indiquant les faits précis reprochés et respecter le délai de préavis. La possibilité d'une indemnité de licenciement doit également être examinée. Dans tous les cas, c'est le conseil de prud'hommes qui sera compétent s'il y a litige entre le salarié et l'association « Le Cargo solidaire ». - Le contrat de sous traitance Il s'agit là d'un contrat classique en matière de construction navale. Il sera passé entre l'association constructrice et le sous traitant. Dans le cadre des contrats de construction à l'entreprise ou au forfait (dans lesquels le chantier gère et est le seul interlocuteur de l'armateur), l'armateur exige du chantier qu'il ne passe les contrats qu'avec des sous traitants qualifiés et reconnus sur la place publique et qu'ils utilisent du matériel neuf et certifié à utilisation marine. L'association « Le Cargo solidaire », dirigeant elle-même le chantier de construction, ne se verra pas imposer de telles exigences, mais ne pourra que s'inspirer de leur bon sens. Les sous traitants classiques sont les bureaux d'études, les plaquistes, les isolateurs, les électriciens, les motoristes, les héliciers... Mais les contrats passés par l'association « Le Cargo solidaire » avec ces tiers vont-ils pouvoir être qualifiés de contrats de sous traitance et se voir appliquer le régime en découlant ? L'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous traitance définit celle-ci comme étant « l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage ». Trois personnes sont donc nécessaires pour qu'il y ait sous-traitance : un maître de l'ouvrage qui passe un contrat avec l'entreprise principale, qui va passer un contrat de sous-traitance avec le sous-traitant. Si l'association « Le Cargo solidaire » avait délégué la construction du navire à un groupement tiers, doté d'une personnalité morale distincte de la sienne, des contrats de sous-traitance auraient éventuellement pu être conclus. C'est le cas de figure que l'on retrouve sur les chantiers de construction navale classiques : un armateur, un chantier, des sous-traitants. Mais l'association sera également structure chantier. Il n'y a donc pas de maître d'ouvrage, et le régime de la sous traitance ne s'appliquera pas. Les personnes qui auraient pu être sous-traitants seront des travailleurs indépendants, rémunérés pour exercer leur activité. Ils ont la possibilité, certes, de conclure un véritable contrat de travail avec l'association. Mais la formule la plus fréquemment retenue dans ce cas est celle du contrat d'entreprise. Ce dernier est « la convention par laquelle une personne s'oblige contre rémunération à exécuter un travail de façon indépendante et sans représenter son cocontractant »56(*). Ici, l'association ne sera pas employeur, à moins que la qualification du contrat liant les indépendants à l'association ne soit remise en cause. En effet, il est fréquent de se demander si de tels travailleurs ne sont pas en réalité des salariés et si leurs cotisations sociales ne sont pas dues. Il faut alors regarder s'il n'existe pas entre l'association et le travailleur indépendant un lien de subordination caractéristique du contrat de travail. Pour la jurisprudence, le lien de subordination se caractérise par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres, d'en contrôler l'exécution, de sanctionner les manquements de son subordonné. Si tel était le cas, la requalification serait inévitable.
* 51 Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, JO n° 15, 19 janvier 2005. * 52 C. trav. Art. L. 620-1 ; art. R. 620-1 ; art L. 721-7. * 53 C. trav. Art. L. 620-3 ; art R. 620-3. * 54 C. trav. Art. R. 320-1-1. * 55 Nom et adresse de l'employeur, référence de l'organisme auquel l'employeur verse les cotisations de sécurité sociale, convention collective applicable, nom du salarié, dénomination de son emploi, période et nombre d'heures auxquelles se rapporte la rémunération, montant de la rémunération brute, montant de la somme nette versée au salarié et date du paiement, etc... Pour la liste complète, voir http://www.guidon.asso.fr/article.php3?Id_article=52. * 56 GRAVEJAT (N.) ; LEVY (E.L.), Le guide pratique de la sous traitance, Paris, Dalloz, 2005, p. 10. |
|