Contribution d'une éthique de la discussion et de l'action à la lutte contre la pauvreté à l'échelle planétaire( Télécharger le fichier original )par Jean Barnabé Milala Lungala Université de Kinshasa - Diplôme d'études supérieures(DES) 2005 |
I.3.3. La transformation de la question éthique kantienne dans la résolution des problèmes.Devant des problèmes,notamment ceux liés à la pauvreté , toute la collectivité et tous les acteurs partent donc ,d'une seule question moins individualiste que celle posée par Emmanuel Kant : « Que devons-nous faire ? ». 1) Premièrement, dans la terminologie de Jürgen Habermas, les discussions pragmatiques se limitent à échafauder des Programmes possibles. 2) Deuxièmement, les discussions éthico-politiques, sur base des discussions pragmatiques appellent la compréhension qu'un groupe a de soi-même, et de son identité, c'est-à-dire la réappropriation des traditions dans un esprit critique. 3) Troisièmement, les discussions morales sont totalement décontextualisées et universalisables. 4) Quatrièmement, les discussions politiques, puisque englobantes, se posent d'abord sous la forme pragmatique d'un choix de finalités collectives en fonction de certaines orientations axiologiques et d'un examen attentif, au nom d'une rationalité fins- moyens ,des stratégies que le Législateur politique souhaite adopter 131(*). Bien entendu, un tel travail suppose une bonne interprétation de la situation, d'une description adéquate du problème à résoudre, de l'obtention d'informations significatives et fiables, et du bon traitement de ces informations, effectué le cas échéant à l'aide d'une théorie. Ramenées à des questions spécifiques ,les questions morales sont celles ayant trait à la politique sociale,à l'organisation de système scolaire ou encore à celui des soins médicaux,à la distribution des richesse,etc. Les questions éthiques sont celles liées à l'écologie, au réseau routier et à l'urbanisme, à l'exode rural, à la fuite des cerveaux, à la discrimination culturelle et ethnique, ou à la culture politique en général. I.3.4. Les présupposés d'une approche post-analytique.
Notre démarche à ce niveau consiste à pouvoir présenter le Programme de lutte contre la pauvreté, par la suite tenter de montrer les points d'encrages avec la philosophie, spécialement la philosophie du langage, dans sa phase post-analytique ou discursive avec Jürgen Habermas. L' « approche programmes » dans la lutte contre la pauvreté renvoie à la primauté d'une philosophie de la vie qui englobe l'humain et le suprahumain, à la modernisation sociale, à la participation de la société civile, à la démocratie, à la gestion des conflits, tout en impliquant une large concertation de la dynamique interne sur les Projets, - l'aspect discursif constitue la stratégie de base de l'approche Programme -, tous ces éléments constitueront l'objet de notre Dissertation. C'est donc une étude globale. L' « approche programme » des programmes non décrétés qui ont cours maintenant devaient être mise en oeuvre dans le contexte d'un environnement d'un Etat ordonné, réhabilité au nom de la dimension institutionnelle de l'Ajustement. Toute fois, en arrière -fond se profile le débat bien intéressant sur la nature du développement (le développement durable est de plusieurs cotés une vision nouvelle en ceci qu'elle est soucieuse de préserver la nature dans son ensemble). Cette approche est toute récente, elle demande à être explicitée. L'humain signifie que l'homme est mis au centre, non seulement du point de vue des objectifs mais aussi de la méthode. « Durable » veut dire que l'environnement humain et physique doit être préservé tout en assurant le suivi des Programmes. Il y a ici le primat d'une conception de la vie qui englobe l'humain et le suprahumain. Cette approche est nationale dans le sens où une expertise nationale est mise en place dès le lancement du programme et se substitue à l'expertise étrangère. Elle implique une large concertation ou de consultations sur les projets. Disons le tout de suite, c'est cet aspect discursif qui constitue la stratégie de base de l'approche Programme. En tant que tel elle anticipe énormément sur la philosophie post-analytique dont nous allons parler. L'approche programme doit cohabiter avec les recommandations des programmes économiques à moyen terme, adoptés sous conditionnalité : privatisation, ouverture à l'échange international, réduction des dépenses publiques, etc. Nous pouvons remarquer plus aisément que la conception du développement durable, bien que n'étant pas le sujet principal de notre Dissertation, coïncide avec la philosophie du langage. Au niveau du tournant pragmatique, elle postule la primauté de la communauté sur le sujet, et donc une anthropologie philosophique non individualiste à l'instar de l'anthropologie solipsiste inaugurée par Descartes et poursuivi par Kant. La transformation de cette philosophie par la philosophie du langage nous donne de façon générale un cadre théorique très fécond capable de trouver des points d'ancrage pour ce faire. Déjà, lorsque nous partons de la question transformée de Kant, devant un problème : « Que devons nous faire ? », cette voie nous offre sans conteste des prolongements capables d'aborder cette question de la pauvreté. Cette architecture théorique met ensemble la discussion et le monde vécu. « Le monde vécu dont les institutions sont une composante ,se présente comme un ensemble cohérent des convictions culturelles ,d'ordres légitimes et d'identités personnelles ,enchevêtrés les unes avec les autres et reproduites par le moyen de l'activité communicationnelle »132(*). Le concept de « monde vécu », riche d'occurrences, antidote à la synthèse transcendantale kantienne, englobe un type de savoir et de savoir -faire qui nourrissent les intelligences aptes à résoudre des problèmes récurrents de la société soucieuse de leur identité. « L'idée de la possibilité d'honorer les prétentions à la validité critiquables requiert des idéalisations qui soient opérées par les acteurs de la communication eux-mêmes et qui se trouvent du même coup, non plus au ciel transcendantal, mais sur le terrain même du monde vécu ».133(*)
Le concept de l'agir communicationnel, pour autant qu'elle renvoie à la discussion en vue d'une entente, offre lui aussi une des clés théoriques qui soutend une société réflexive, autoréflexive et éthiquement responsable dans la distribution des biens publics. Une discussion soit elle scientifique ou politique répond aux mêmes présupposés. En outre, nous pouvons le dire ici, la communauté dialogale précède le « contrat social » ; elle est la condition de possibilité de celui-ci. D'un point de vue éthique, la philosophie post-analytique postule par le fait même, des normes tout compte fait éthiques ,sans les quelles tout dialogue est impossible. Une anthropologie proprement communautaire et une éthique de la discussion sont des présupposés de notre recherche au niveau fondamental. La théorie de la discussion134(*), au niveau de la philosophie (du langage) appliquée, entendez les discussions et les négociations, forment la logique de base de la vie en commun et des institutions étatiques, dans l'optique qui est la nôtre. I.3.5. L'Etat comme macro « je ». Jürgen Habermas présente, selon les périodes, les missions qui incombent à l'Etat, des problèmes qui ont par ailleurs assez accru aussi bien quantitativement que qualitativement : par exemples, le contrôle de la pauvreté engendrée par le capitalisme, la domestication du pouvoir de l'Etat absolu et, enfin la prévoyance des risques entraînés par la science et la technique, et les déficits actuels de l'appareil de l'Etat (i.e.,la légalité de l'Administration, la séparation fonctionnelle des pouvoirs,...). 135(*) Nous allons tenter de discuter de ces points de vue d'Habermas sur base des principes de l'Etat de Droit. L'ombre d'une philosophie du sujet plane sur les traditions de pensées jusque là dominantes. Le primat est accordé à l'Etat comme un macro « je ». L'Etat moderne opère justement comme un macro-individu providentiel qui vise la réalisation du bonheur de tous les individus indistinctement. Un appareil de l'Etat qui agit pour et au nom d'un Bien commun indifférencié.136(*) Notre analyse, n'oublions pas, se fait à partir du Nous communautaire en tant qu'a priori de la communauté de la communication. Habermas partage en gros un même projet avec Karl Otto Apel en ceci qu'ils essaient de transformer la philosophie transcendantale kantienne en la détachant du sujet traditionnel pour l'ancrer dans les jeux du langage communicationnel ; ils partent tous à quelques exception près de l'a priori de la communauté de la communication. (137(*))
L'intention de la pragmatique universelle par exemple, est de tenter de briser le prétexte d'un appareil de l'Etat qui agit pour et au nom d'un bien commun indifférencié. Il faut une société auto domestiquée par la participation de tous, au moyen de la discussion politique la plus large possible, au lieu d'une emprise anonyme d'une Administration centralisée des élites auto formées, coupée des délibérations des peuples et du pouvoir social (tissu associatif, communautés, espace public et personnalités), le système déconnecté du monde vécu en tant que interactions simples, de la société civile et de l'opinion publique tout en les colonisant.
La politique doit mettre la gestion des informations à la base du processus politique et à la disposition de tous, pour dépasser les problèmes de nos démocraties existantes, notamment celui du paupérisme. Aujourd'hui, les idées dominantes libérales sont incontestablement les plus assises et les plus institutionnalisées. Nous devrons perpétuellement mesurer le potentiel de raisonnabilité et de moralité de ces idées sociales à l'aune de leur efficacité ou gouvernabilité face à nos problèmes, tel celui de la pauvreté socio-économique. * 131 Ibidem. * 132 Ibidem, 37. * 133Jürgen HABERMAS, Droit et démocratie .Entre faits et normes, p.33. * 134bidem, p.183. * 135Ibidem, P .460. * 136 Ibidem, P.17. 86. Voir .HUISMAN (Dir.), Dictionnaire des philosophes, p.98. |
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