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L'usage des locutions latines dans la presse numérique francophone: étude comparative entre la presse algérienne, française et québécoise


par Amine El Hadef El Okki
Université Frères Mentouri Constantine 1 - Master en langue française. Option : Sciences du langage 2022
  

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II. Aperçu sur la phraséologie

II.1 Émergence de la phraséologie

Le Robert définit la phraséologie comme l' : « Ensemble des locutions, termes et expressions figés d'une langue». Cependant, même si les unités phraséologiques ont toujours existé, la discipline est longtemps délaissée par les linguistes, car décrite comme « un domaine vide de sens, sans originalité » (González-Rey, 2002, p. 18) décrivant de « simples formules stéréotypées » (González-Rey, 1997, p. 291) ou encore appartenant aux échanges informels, au folklore.

Il faut attendre le Suisse Charles Bally (1867-1947), considéré comme le père fondateur de la discipline, pour avoir les premières théories des faits phraséologiques : « Si, dans un groupe de mots, chaque unité graphique perd une partie de sa signification individuelle ou n'en conserve aucune, si la combinaison de ces éléments se présente seule avec un sens bien net, on peut dire qu'il s'agit d'une locution composée (...) c'est l'ensemble de ces faits

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que nous comprenons sous le terme général de la Phraséologie » (cité dans González-Rey 2002, p. 19). Néanmoins, pour Bally la phraséologie appartient à la stylistique.

Les théories du Suisse influencent par la suite l'école soviétique notamment Vinogradov, Isacenko et Saxmatov, dont les recherches vont permettre l'émergence de la phraséologie comme discipline autonome à partir des années 1970. Les travaux dans le domaine vont dès lors se multiplier sous la houlette de plusieurs chercheurs comme A. Rey, I. Mel'èuk, G. Gross, I. González-Rey ou encore M. Pecman.

II.2 Terminologie et critères définitoires des unités phraséologiques

À l'instar de toutes les jeunes disciplines, la phraséologie connaît une confusion terminologique, Gross (1996, p. 5) déclare même que : « Nous sommes en présence d'une grande cacophonie », au vu du nombre d'appellations attribuées à l'unité phraséologique (celle retenue dans cette étude) à l'instar d' : unité lexicale complexe, expression figée, expression fixe, expression idiomatique, idiotisme, locution, parémie, phrase figée, séquence, phraséologisme...

Mais, en dépit de cette confusion, la synthèse de plusieurs recherches dans le domaine telles que celles de Bally (1953), Guiraud (1980), Mel'èuk (1993) et González-Rey (2002) entre autres permet de relever un consensus sur deux critères définitoires :

? La polylexicalité

« Toute UP implique un groupement de mots et possède comme indice physique de son identité les espaces blancs ou les traits d'union qui séparent les unités formant le groupe » (Pecman, 2004, p. 32).

? Le figement

« Le figement est le processus par lequel un groupe de mots dont les éléments sont libres devient une expression dont les éléments sont indissociables. Le figement se caractérise par la perte du sens propre des éléments constituant le groupe des mots, etc» (Dubois & al., 2001, p. 202).

II.3 Formes des unités phraséologiques

Comme souligné précédemment, la terminologie diffère d'un chercheur à l'autre. Par exemple, González-Rey (2002) distingue trois catégories : les « collocations », les « expressions idiomatiques» (locutions...) et les « parémies » (proverbes, dictons,

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maximes...). Muryn et al. (2013) tout en désignant les expressions idiomatiques par le terme « expressions figées », ajoutent une quatrième forme : les « motifs» et « séquences répétées ». Mais en général, la majorité des spécialistes convergent vers deux grands groupes d'unités phraséologiques :

? Les collocations : syntagmes semi-figés et compositionnels (le sens est la somme des sens des constituants)

? Les expressions idiomatiques et locutions : syntagmes figés et non compositionnels (le sens est global et n'est pas forcément la somme des sens des constituants).

II.4 La locution

Pour le dictionnaire des Sciences du Langage (Neveu, 2004, p. 351), la locution est une : « Unité polylexicale de type syntagmatique (à tête nominale, verbale, adjectivale, ou adverbiale) dont les constituants ne font pas l'objet d'une actualisation séparée, et qui énonce un concept autonome »

La locution se caractérise ainsi en tant qu'unité phraséologique par sa « polylexicalité » et un certain « degré de figement» tout en possédant un « sens non compositionnel ». Mais Grevisse et Goosse (2007, pp. 196-197) soulignent que ces propriétés sont : « Rarement réunies ».

Il est à noter, les difficultés à distinguer entre les « expressions », « les proverbes» et les « locutions ». À titre d'exemple pour le dictionnaire Le Robert, la locution est une : « Expression, formule, tour», tout comme pour Mel'èuk (2006, p. 30), pour qui : « Une locution est une expression multilexémique ». Un avis partagé par G. Gross dans son ouvrage « Les expressions figées en français » (1996) qui est sous-titré « Noms composé et d'autres locutions » qui considérerait donc les locutions comme des expressions figées.

Aussi, plusieurs ouvrages sur les proverbes comme : Grandjean (2010), Quitard (2019) ou Tshibasu (2020) parlent de : « Locutions proverbiales ». De leur côté, Grevisse et Goosse (2007, p. 197) déclarent que : « Les proverbes sont des espèces de locutions, mais qui constituent une phrase ». Ils définissent alors la : « Locution phrase » comme une : « Suite de mots qui constitue une phrase, sans que le locuteur puisse attribuer une fonction (et parfois un sens) à chacun de ces mots » (Grevisse et Goosse, 2007, p. 1413).

Une autre particularité concerne les locutions nominales. Celles-ci sont désignées dans les dictionnaires par les termes : nom ou nom composé, comme relevé par Gross (1996,

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p. 27) : « Le nom est une catégorie que la grammaire a privilégiée du point de vue du figement .
· il est le seul qui ait reçu une dénomination particulière (nom composé)
».

II.5 Particularités des locutions latines dans la langue française II.5.1 Au niveau orthographique

En dépit de l'usage des locutions latines dans la langue française depuis des siècles, il n'existe pas de consensus sur l'orthographe et la typographie à suivre en France, comme le souligne Wolf (1993 a, p. 5) : « La graphie des mots latins en français est flottante (pour l'accentuation, les éventuels trait d'union et majuscule, la marque du pluriel) f...] C'est pis encore avec les locutions .
· parfois senties comme étrangères, elles sont alors gratifiées d'italiques, voire de guillemets; dans d'autres passages, elles n'en ont pas »
.

D'ailleurs, les dictionnaires de langue française présentent pour certaines locutions latines deux écritures avec ou sans trait d'union (vice versa et vice-versa). Dans d'autres cas, trois variantes sont même affichées, comme pour intra muros, intra-muros et intramuros. Cette dernière graphie est permise depuis les rectifications de l'orthographe (Conseil supérieur de la langue française, 1990, p. 13) conseillant la soudure des mots composés latins. Des rectifications recommandant de franciser par accentuation les mots étrangers et latins empruntés (Conseil supérieur de la langue française, 1990, p. 17).

Une francisation qui est appliquée aussi par les différents ouvrages de codes typographiques en France, à l'instar du Lexique des règles typographiques en usage à l'Imprimerie nationale (2002, p. 100) qui préconise en plus d'écrire en romain et sans guillemets ces locutions accentuées (à priori, à postériori...). À l'inverse les locutions non francisées sont transcrites en italique tout comme les locutions phrases (proverbes, expressions, citations...).

Sauf que cette francisation ne fait pas l'unanimité parce qu'en latin, par exemple, la préposition « a » n'est pas synonyme de « à ». C'est plutôt la forme élidée de « ab » et signifie « en partant de ». Mais si l'Académie française (Grevisse et Goosse, p. 108) abandonne depuis 1986 l'usage de l'accent grave ou aigu sur les locutions latines, les autres dictionnaires comme Le Robert, le Trésor de la langue française et le Larousse mentionnent encore les variantes francisées en les associant à la réforme de 1990.

Une réforme servant aussi de référence au Canada, puisque l'Office québécois de la langue française (s. d.) approuve pour l'italique et l'accentuation ces recommandations. Il

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préconise en revanche d'employer le trait d'union dans certaines locutions latines seulement sans pour autant donner une explication à ces choix ou une règle à suivre.

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