II.1 Émergence de la
phraséologie
Le Robert définit la phraséologie comme l' :
« Ensemble des locutions, termes et expressions figés d'une
langue». Cependant, même si les unités
phraséologiques ont toujours existé, la discipline est longtemps
délaissée par les linguistes, car décrite comme «
un domaine vide de sens, sans originalité »
(González-Rey, 2002, p. 18) décrivant de « simples
formules stéréotypées » (González-Rey,
1997, p. 291) ou encore appartenant aux échanges informels, au
folklore.
Il faut attendre le Suisse Charles Bally (1867-1947),
considéré comme le père fondateur de la discipline, pour
avoir les premières théories des faits phraséologiques :
« Si, dans un groupe de mots, chaque unité graphique perd une
partie de sa signification individuelle ou n'en conserve aucune, si la
combinaison de ces éléments se présente seule avec un sens
bien net, on peut dire qu'il s'agit d'une locution composée (...) c'est
l'ensemble de ces faits
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Éléments théoriques
que nous comprenons sous le terme général
de la Phraséologie » (cité dans González-Rey
2002, p. 19). Néanmoins, pour Bally la phraséologie appartient
à la stylistique.
Les théories du Suisse influencent par la suite
l'école soviétique notamment Vinogradov, Isacenko et Saxmatov,
dont les recherches vont permettre l'émergence de la phraséologie
comme discipline autonome à partir des années 1970. Les travaux
dans le domaine vont dès lors se multiplier sous la houlette de
plusieurs chercheurs comme A. Rey, I. Mel'èuk, G. Gross, I.
González-Rey ou encore M. Pecman.
II.2 Terminologie et critères
définitoires des unités phraséologiques
À l'instar de toutes les jeunes disciplines, la
phraséologie connaît une confusion terminologique, Gross (1996, p.
5) déclare même que : « Nous sommes en présence
d'une grande cacophonie », au vu du nombre d'appellations
attribuées à l'unité phraséologique (celle retenue
dans cette étude) à l'instar d' : unité lexicale complexe,
expression figée, expression fixe, expression idiomatique, idiotisme,
locution, parémie, phrase figée, séquence,
phraséologisme...
Mais, en dépit de cette confusion, la synthèse
de plusieurs recherches dans le domaine telles que celles de Bally (1953),
Guiraud (1980), Mel'èuk (1993) et González-Rey (2002) entre
autres permet de relever un consensus sur deux critères
définitoires :
? La polylexicalité
« Toute UP implique un groupement de mots et
possède comme indice physique de son identité les espaces blancs
ou les traits d'union qui séparent les unités formant le groupe
» (Pecman, 2004, p. 32).
? Le figement
« Le figement est le processus par lequel un groupe
de mots dont les éléments sont libres devient une expression dont
les éléments sont indissociables. Le figement se
caractérise par la perte du sens propre des éléments
constituant le groupe des mots, etc» (Dubois & al., 2001, p.
202).
II.3 Formes des unités
phraséologiques
Comme souligné précédemment, la
terminologie diffère d'un chercheur à l'autre. Par exemple,
González-Rey (2002) distingue trois catégories : les «
collocations », les « expressions idiomatiques» (locutions...)
et les « parémies » (proverbes, dictons,
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maximes...). Muryn et al. (2013) tout en désignant les
expressions idiomatiques par le terme « expressions figées »,
ajoutent une quatrième forme : les « motifs» et «
séquences répétées ». Mais en
général, la majorité des spécialistes convergent
vers deux grands groupes d'unités phraséologiques :
? Les collocations :
syntagmes semi-figés et compositionnels (le sens est la somme des
sens des constituants)
? Les expressions idiomatiques et locutions
: syntagmes figés et non compositionnels (le sens
est global et n'est pas forcément la somme des sens des
constituants).
II.4 La locution
Pour le dictionnaire des Sciences du Langage (Neveu, 2004, p.
351), la locution est une : « Unité polylexicale de type
syntagmatique (à tête nominale, verbale, adjectivale, ou
adverbiale) dont les constituants ne font pas l'objet d'une actualisation
séparée, et qui énonce un concept autonome »
La locution se caractérise ainsi en tant
qu'unité phraséologique par sa « polylexicalité
» et un certain « degré de figement» tout en
possédant un « sens non compositionnel ». Mais Grevisse et
Goosse (2007, pp. 196-197) soulignent que ces propriétés sont :
« Rarement réunies ».
Il est à noter, les difficultés à
distinguer entre les « expressions », « les proverbes» et
les « locutions ». À titre d'exemple pour le dictionnaire Le
Robert, la locution est une : « Expression, formule, tour»,
tout comme pour Mel'èuk (2006, p. 30), pour qui : « Une
locution est une expression multilexémique ». Un avis
partagé par G. Gross dans son ouvrage « Les expressions
figées en français » (1996) qui est sous-titré
« Noms composé et d'autres locutions » qui
considérerait donc les locutions comme des expressions figées.
Aussi, plusieurs ouvrages sur les proverbes comme : Grandjean
(2010), Quitard (2019) ou Tshibasu (2020) parlent de : « Locutions
proverbiales ». De leur côté, Grevisse et Goosse
(2007, p. 197) déclarent que : « Les proverbes sont des
espèces de locutions, mais qui constituent une phrase ». Ils
définissent alors la : « Locution phrase » comme une
: « Suite de mots qui constitue une phrase, sans que le locuteur
puisse attribuer une fonction (et parfois un sens) à chacun de ces mots
» (Grevisse et Goosse, 2007, p. 1413).
Une autre particularité concerne les locutions
nominales. Celles-ci sont désignées dans les dictionnaires par
les termes : nom ou nom composé, comme relevé par Gross (1996,
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Éléments théoriques
p. 27) : « Le nom est une catégorie que la
grammaire a privilégiée du point de vue du figement .
·
il est le seul qui ait reçu une dénomination particulière
(nom composé) ».
II.5 Particularités des locutions latines dans la
langue française II.5.1 Au niveau orthographique
En dépit de l'usage des locutions latines dans la
langue française depuis des siècles, il n'existe pas de consensus
sur l'orthographe et la typographie à suivre en France, comme le
souligne Wolf (1993 a, p. 5) : « La graphie des mots latins en
français est flottante (pour l'accentuation, les éventuels trait
d'union et majuscule, la marque du pluriel) f...] C'est pis encore avec les
locutions .
· parfois senties comme étrangères, elles
sont alors gratifiées d'italiques, voire de guillemets; dans d'autres
passages, elles n'en ont pas ».
D'ailleurs, les dictionnaires de langue française
présentent pour certaines locutions latines deux écritures avec
ou sans trait d'union (vice versa et vice-versa). Dans
d'autres cas, trois variantes sont même affichées, comme pour
intra muros, intra-muros et intramuros. Cette
dernière graphie est permise depuis les rectifications de l'orthographe
(Conseil supérieur de la langue française, 1990, p. 13)
conseillant la soudure des mots composés latins. Des rectifications
recommandant de franciser par accentuation les mots étrangers et latins
empruntés (Conseil supérieur de la langue française, 1990,
p. 17).
Une francisation qui est appliquée aussi par les
différents ouvrages de codes typographiques en France, à l'instar
du Lexique des règles typographiques en usage à l'Imprimerie
nationale (2002, p. 100) qui préconise en plus d'écrire en
romain et sans guillemets ces locutions accentuées (à priori,
à postériori...). À l'inverse les locutions non
francisées sont transcrites en italique tout comme les locutions phrases
(proverbes, expressions, citations...).
Sauf que cette francisation ne fait pas l'unanimité
parce qu'en latin, par exemple, la préposition « a » n'est pas
synonyme de « à ». C'est plutôt la forme
élidée de « ab » et signifie « en partant
de ». Mais si l'Académie française (Grevisse et
Goosse, p. 108) abandonne depuis 1986 l'usage de l'accent grave ou aigu sur les
locutions latines, les autres dictionnaires comme Le Robert, le Trésor
de la langue française et le Larousse mentionnent encore les variantes
francisées en les associant à la réforme de 1990.
Une réforme servant aussi de référence au
Canada, puisque l'Office québécois de la langue française
(s. d.) approuve pour l'italique et l'accentuation ces recommandations. Il
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préconise en revanche d'employer le trait d'union dans
certaines locutions latines seulement sans pour autant donner une explication
à ces choix ou une règle à suivre.