Introduction
Notre étude en traitant de l'usage des locutions
latines dans les journaux électroniques francophones, aborde la relation
unissant la langue française et son homologue latine, la
phraséologie et la presse numérique.
Dans ce chapitre, nous délimitons le champ
théorique et conceptuel de cette recherche en présentant les
notions de base, les théories et les outils nous permettant d'analyser
dans la partie pratique les données récoltées.
I. Le latin dans la langue française I.1
Aperçu sur la langue latine
L'Académie française définit le latin
comme : « La langue parlée et écrite dans la Rome
antique, et qui fut la langue de l'Église et des savants en Europe
jusqu'à la Renaissance et au-delà ». Une langue qui
n'est à sa naissance, au VIIIe siècle av. J.-C., qu'un simple
dialecte limité seulement à la région du Latium (Italie).
Mais, la création de la ville de Rome en 753 av. J.-C., et l'expansion
de l'Empire romain vont permettre au latin de régner sur la majeure
partie de l'Europe et sur le bassin méditerranéen grâce
à la politique linguistique impériale imposant aux autochtones
colonisés l'usage de la langue latine.
Néanmoins, la chute de l'Empire, en l'an 476, face aux
tribus barbares favorise l'émergence dans les anciennes colonies d'un
latin populaire (vulgaire) mélangé aux dialectes locaux et aux
langues germaniques. Un brassage qui au fil des siècles, se
concrétise par la naissance de plusieurs langues vivantes contemporaines
comme l'espagnol, l'italien, le français, le roumain, le portugais et le
catalan. Le latin va dès lors progressivement disparaitre, malgré
une revalorisation pendant la Renaissance au XVe siècle, jusqu'à
être considéré comme une langue morte.
Toutefois, le latin continue aujourd'hui à être
enseigné en Occident. Il est de surcroît la langue officielle d'un
État « Le Vatican », et dispose d'un organisme «
l'Académie pontificale de la latinité» dont le rôle
principal est d'adapter le latin aux nouvelles réalités modernes
en créant des termes comme fábula televisífica
(série télé) ou fístula nicotiâna
(cigarette) (Yurkina, 2012). Néologismes qui sont plus tard
répertoriés dans un dictionnaire italo-latin « Le Lexicon
Recentis Latinitatis ».
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Éléments théoriques
Une création lexicale latine qui n'est pas l'apanage
de cette Académie. Elle est en effet présente entre autres dans
les nomenclatures juridiques societas europaea (société
européenne), scientifiques et techniques (Llorem Ipsum
en informatique pour les pages tests) ou en politique comme pour
pax americana (paix américaine) analogisme de pax romana.
D'autres néologismes humoristiques et familiers font partie du
latin de « Cuisine» ou « Macaronique » tels que pedibus
cum jambis (à pied).
Au niveau grammatical, le latin se caractérise par un
troisième genre dit « neutre ». Il se distingue aussi du
français par ce qui est désigné en grammaire par «
les cas» soit « les formes différentes que prennent les
noms, les adjectifs et les pronoms suivant leur fonction dans la phrase »
(Petitmangin, 1956, p. 3) et par les « déclinaisons» qui
consistent à énumérer tous les cas (formes). Il existe
ainsi pour les noms cinq types de déclinaisons et sept cas (nominatif,
vocatif, accusatif, génitif, datif, ablatif, locatif).
I.2 La langue française, une langue deux fois
latine
Avec l'Ordonnance de Villers-Cotterêts (août
1539), le français devient l'unique langue officielle du royaume de
France. Une langue qui résulte en grande partie de la mutation au fil
des siècles du latin populaire (vulgaire) parlé par les soldats
romains lors de l'invasion de la Gaule au Ier siècle av. J.-C. Le
français est du reste considéré comme une langue
« deux fois latine » (Walter, 1997 : 54).
En effet, le vocabulaire français, d'abord issu dans
sa majorité de ce latin vulgaire, va connaître une relatinisation,
au XVe siècle, pendant la Renaissance, avec la
création de mots « savants» provenant du latin classique. Cela
explique la présence de doublets dans la langue française, comme
avec « étroit/strict» qui viennent du latin
strictus.
Néanmoins, à l'inverse des autres langues
romanes comme l'espagnol et l'italien, le vocabulaire français d'origine
latine subit à travers les siècles « une
évolution forte » (Banniard, 1997, p. 39), mais qui
épargne plusieurs mots et locutions. Ceux-ci gardant leur forme latine
initiale avec parfois une francisation par accentuation.
À signaler, cependant, une différence entre les
locutions et les mots. En effet, ces derniers sont généralement
lexicalisés, comme le souligne H. Walter (2014, pp. 60-66) qui dresse
une liste des cent lexies latines les plus fréquemment utilisées
telles qu'« agenda », « tribunal », « forum »,
« examen », « aquarium »... Des mots qui
« n'ont pas toujours gardé en français le sens qu'ils
avaient en latin » (Walter, 2014, p. 60).
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Éléments théoriques
I.3 Les différents latins de la langue
française
Le dictionnaire Le Robert 2010, dans sa version
numérique compte environ 16 000 termes français d'origine latine
(Leclerc, s. d.). Ces mots proviennent de sept (7) sources différentes :
le latin classique (10 657 mots), le bas latin (1166 mots), le latin populaire
(857 mots), le latin d'Église (419 mots), le latin tardif (600 mots), le
latin juridique (98 mots), le latin scientifique (652 mots) et le latin moderne
(79 mots).
Aussi, plusieurs dictionnaires et ouvrages évoquent
d'autres latins comme le latin scolastique et le latin macaronique. De
surcroît, plusieurs langues de spécialité sont latines
aujourd'hui. Ce qui confirme l'existence dans la langue française de
plusieurs latins parmi lesquels :
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