Introduction générale
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Introduction générale
« Le Latin est mort, vive le Latin! Petite histoire
d'une grande langue », c'est par ce titre inspiré du proverbe
« Le Roi est mort, vive le Roi» que le latiniste allemand Wilfried
Stroh intitule son livre sur la langue de Cicéron, paru en 2007, pour
rendre compte, selon lui, de l' : « Immortalité »
d'un latin continuant à être employé sous sa forme
originale dans le vocabulaire de nombreuses langues romanes, ou autres
indo-européennes, contemporaines. À l'instar du français
dans lequel persistent des « mots qui reproduisent directement, sans
modification orthographique, un terme latin (lavabo, utérus, mordicus)
et des locutions qui sont empruntées au latin ancien ou
médiéval (et cætera, a priori)» (Wolff, 1993 b,
p. 80).
Le français est de surcroît, comme l'explique
Walter (1997, p. 54), une langue : « Double fois latine ».
Effectivement, si la grande majorité des mots de la langue
française résultent de la mutation du latin populaire (vulgaire)
introduit par les soldats romains, à leur arrivée en Gaule, au
Ier siècle av. J.-C., une autre partie de ces mots provient du latin
« savant», celui des Humanistes de la Renaissance lesquels
procèdent au XVe à une relatinisation du français. Cela
explique l'existence dans la langue française de doublets tels que
« rigide/raide» (rigidus). En outre, ce n'est pas un, mais
des latins qui coexistent en français, parmi lesquels :
l'ecclésiastique, le scolastique, le scientifique, le juridique...
Une présence latine s'enrichissant
régulièrement de néologismes dans plusieurs domaines
scientifiques et techniques (botanique, zoologie, chimie...) ou encore en Droit
et en politique. Une néologie oeuvre parfois de
célébrités, comme pour annus horribilis
(année horrible) attribuée à la Reine d'Angleterre
Elizabeth II en 1992 (Lagarde, 2020). Enfin, certaines créations
lexicales telles que deuzio (deuxième), vulgum pecus
(commun des mortels) sont humoristiques ou familières, elles
appartiennent au latin de « cuisine» ou « macaronique »,
« vu comme une préparation culinaire [...] d'un latin en
quelque sorte «fabriqué»» (Walter, 2014, p. 111).
Ainsi, tout locuteur francophone emploie nécessairement
du latin dans ses pratiques langagières quotidiennes, soit
inconsciemment, soit délibérément. Dans le premier cas, en
utilisant des mots courants lexicalisés comme « agenda »,
« tribunal», « forum », etc. Dans le second cas, en ayant
recours plus spécialement à une phraséologie latine
permettant d'« émailler l'écriture ou la conversation de
citations » (Grigorieff, 2015, p. 8), étant donné
qu'utiliser les locutions de la langue de Cicéron dénote d'une
grande culture notamment en France, où par exemple le président
en exercice « aime étaler sa culture classique lors de ses
interviews et raffole des locutions latines» (Proust, 2021). Dans
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