La protection de la victime devant les juridictions repressives ivoiriennepar Gneneindjomain Moussa OUATTARA Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest (UCAO) - Master en droit privé 2023 |
UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE L`AFRIQUE DE
L'OUEST (UCAO /UUA) UNITE UNIVERSITAIRE A ABIDJAN (UUA) Faculté de Droit Civil LA PROTECTION DE LA VICTIME DEVANT LES Mémoire en vue de l'obtention du diplôme
de Master en Droit Privé Présenté par : Sous la direction de : Monsieur OUATTARA Monsieur YEO Nawa Gneneindjomain Moussa Maître de conférences, Agrégé des facultés de droit Abidjan, Novembre 2023 DEDICACE Pour leurs nombreux sacrifices, labeurs, conseils, prières et leur soutien indéfectible, ce travail est dédié à des personnes spéciales et précieuses, en l'occurrence notre père Monsieur Gberi-Bè OUATTARA et notre mère Madame Diatou Mariam OUATTARA. Qu'ils trouvent dans cette étude l'expression de tout notre amour et l'exorde de notre gratitude. II REMERCIEMENTS Le succès de ce travail résulte des efforts conjugués de plusieurs personnes auxquelles nous tenons à exprimer nos sincères remerciements bien qu'il soit difficile voire impossible de faire une liste exhaustive. Nos remerciements s'adressent en premier lieu au Professeur YEO Nawa pour avoir accepté de diriger ce travail, nonobstant les multiples responsabilités qui lui incombent. Ses remarques, conseils et directives nous ont été d'une utilité indéniable. Nos remerciements s'adressent ensuite à l'ensemble du corps enseignant ainsi qu'à l'Administration de la Faculté de Droit Civil de l'Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest - Unité Universitaire à Abidjan qui nous ont transmis, tout au long de notre formation, le goût de l'effort, l'acceptation de notre part de sacrifice. Ces valeurs ont été pour nous de grandes ressources pour parvenir à l'achèvement de ces études. De même, à mes frères, soeurs et ami(e)s, nous adressons nos remerciements pour tous ces moments où ils n'ont cessé de croire en nous. Aussi, pour nous avoir soutenu durant notre parcours universitaire, nous remercions humblement Messieurs Bertrand KOFFI, Lionel OUSSOU, et Rodrigue KOFFI. A l'institution estudiantine dénommée Conférence des Délégués de la Faculté de Droit Civil (CDFDC) où nous avons servi et appris en tant que Président, et à ses membres, nous témoignons nos reconnaissance et fierté. Nous souhaitons également témoigner notre gratitude à notre ami et frère Carlos ASSAMOI pour la qualité de sa compagnie et pour tous les moments de joie et de doute que nous avons passés ensemble. « C'est la fin qui donne un sens à tout ce qui précède ». Nos remerciements s'adressent également à nos compagnons devanciers de la RAS Formation, pour avoir partagé avec nous leurs expériences et leur temps, pour leurs soutiens, leurs amitiés positives et leurs encouragements constants. Pour finir, la rédaction de ce mémoire nous offre l'opportunité de remercier infiniment DIEU pour sa grâce et sa bonté intarissable dans notre vie. III AVERTISSEMENT La Faculté de Droit Civil de l'Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest-Unité Universitaire à Abidjan (UCAO-UUA) n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur. IV SIGLES ET ABREVIATIONS al. alinéa art. article Bull crim. Bulletin des arrêts de la cour de cassation, chambre criminelle CA Cour d'appel Cass. Cour de cassation CDFDC Conférence des Délégués de la Faculté de Droit Civil Cf confer CP Code pénal CPP Code de procédure pénale Crim. Cour de Cassation, Chambre criminelle CRPC Procédure de comparution sur reconnaissance préalable de Culpabilité D. Dalloz D.P. Recueil périodique Dalloz éd. édition Et. Al. Et alii (autres) Ibid. Signifie qu'il s'agit de l'ouvrage que l'on vient tout juste de citer dans la note précédente, mais à une page différente V Idem. Signifie qu'il s'agit du même auteur, du même ouvrage et de la page que la référence précédente in. cité dans Infra Plus loin ; ci-dessous J.O.R.C.I. Journal Officiel de la République de Côte d'Ivoire L.G.D.J. Librairie générale de droit et de la jurisprudence n° numéro ODCCP Office for Drug Control and Crime prevention (Bureau du Contrôle des Drogues et de Prévention du Crime) Op.cit. Signifie du même auteur dans l'ouvrage déjà cité plus haut p. Page R.J.A.C.A.T. Recueil des jurisprudences des arrêts des cours d'appel et tribunaux RAS Rassemblement des Amoureux du Savoir s. Suivant Supra Plus haut ; ci-dessus Trib. Correct. Tribunal correctionnel UCAO-UUA Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest - Unité Universitaire à Abidjan v. Voir VI SOMMAIRE INTRODUCTION 1 PREMIERE PARTIE : UNE PROTECTION RECHERCHEE 9 CHAPITRE 1 : LA RECHERCHE PAR LA PLURALITE DES MODALITES D'INTEGRATION DE LA VICTIME DANS LA PROCEDURE PENALE .... 10 Section 1 : La dualité des modalités d'intégration par voie d'action 11 Section 2 : La dualité des modalités d'intégration par voie d'intervention 21 CHAPITRE 2 : LA RECHERCHE PAR LA PLURALITE DES DROITS RECONNUS A LA VICTIME PENDANT LA PROCEDURE PENALE 28 Section 1 : Les droits de facilitation de la procédure à la victime 29 Section 2 : Les droits de participation à la manifestation de la vérité 37 DEUXIEME PARTIE : UNE PROTECTION LIMITEE 46 CHAPITRE 1 : LA LIMITATION DANS LA PARTICIPATION DE LA VICTIME A LA PROCEDURE PENALE 47 Section 1 : L'intégration partielle de la victime dans la procédure 48 Section 2 : La nécessité de renforcement de la sécurité de la victime 56 CHAPITRE 2 : LA LIMITATION DANS LES PROCEDURES ALTERNATIVES AUX POURSUITES 63 Section 1 : La passivité de la victime dans les procédures accélérées prévues 64 Section 2 : L'absence de procédures privilégiant la réparation du préjudice de la victime 72 CONCLUSION 80 1 INTRODUCTION« Si les systèmes de justice pénale du monde étaient des entreprises privées, ils mettraient tous la clef sous la porte car la moitié de leurs principaux clients - à savoir les victimes de crimes - ne sont pas satisfaits de leurs services ».1 Partant de ces écrits de Monsieur Jan Van Dijk, certaines victimes, malgré la reconnaissance de leur participation au procès pénal2 pour la réparation de leurs préjudices, ne sont pas satisfaites du traitement que leur accorde le système répressif. En effet, ce constat se justifie par le fait que l'envers du crime n'est pas généralement la première préoccupation du système de justice pénale.3 Le procès pénal, au regard de son objet, vise à sanctionner l'auteur d'un acte antisocial pénalement sanctionné. Dès lors, il oppose le ministère public, représentant légitime des intérêts de la société, à l'auteur présumé de l'acte antisocial. La procédure pénale vise ainsi à protéger l'intérêt public. La peine, enjeu de la procédure pénale, est prononcée pour le compte de la société et non pour le compte de la victime4. Face à cette justification systématique qui ne privilégie pas les intérêts des victimes dans le système pénal, plusieurs reformes internationales5 et nationales6 ont vu le jour dans l'optique d'améliorer la situation des victimes dans le procès pénal. Toutefois, malgré ces réformes, la protection des victimes ainsi que de leurs intérêts demeure une préoccupation majeure. C'est ce qui justifie notre étude dont le sujet trouve sa formulation en ces termes : La protection de la victime devant les juridictions répressives ivoiriennes. 1 Jan Van Dijk, Administrateur général au Centre des Nations Unies pour la prévention internationale du crime et l'un des principaux responsables de l'étude internationale Cf ODCCP « Dixième congres des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants », consultable sur https://www.un.org/french/events/10thcongress/2088af.htm, consulté le 27 octobre 2023 à 01h 49 2 Par le procès pénal nous entendons la procédure pénale en tant qu'ensemble des règles qui définissent la manière de procéder pour la constatation des infractions, l'instruction préparatoire, la poursuite et le jugement des délinquants. Ici, nous intéresserons principalement aux phases de l'instruction, de poursuite et de jugement. 3 CARIO (R.), RUIZ-VERA(S.), Droit(s) des victimes, De l'oubli à la reconnaissance, Ed. L'Harmattan 2015, P.13 in NIAMBE (K. R.), « La participation de la victime au procès pénal », Thèse, Université Alassane OUATTARA de Bouaké, 2020, 457p. 4 Cf ENM-pénal 2011, « La procédure pénale », [en ligne] https://www.prepa-isp.fr/wp content/uploads/2018/09/ENM-Annales-P%C3%A9nal-2011.pdf , consulté le 25 octobre 2023 à 03h01 5 A titre d'exemple, le Conseil économique et social des Nations Unies a adopté en juillet 2005 des principes fondamentaux et des directives concernant le droit à un recours et à une réparation des victimes du droit international relatif aux droits de l'homme et violations graves du droit international humanitaire. 6 Nous pouvons citer la loi n°2021-892 du 21 décembre 2021 relative aux mesures de protection des victimes de violences domestiques, de viol et de violences sexuelles autre que domestiques. 2 Cette étude nécessite, avant tout, une approche définitionnelle des mots-clés notamment « protection », « victime » et « juridictions répressives ». Partant de l'idée que « toute définition en droit est périlleuse »7, ces notions-clés n'ont pas fait l'objet de définition de la part du législateur ivoirien. S'agissant de la « protection », elle est définie par le dictionnaire Le Robert comme « l'action de protéger, de défendre quelqu'un ou quelque chose. Protéger, c'est aider une personne de manière à la mettre à l'abri contre toute attaque. C'est défendre contre toute atteinte ». De même, pour Gérard CORNU, « la protection est la précaution qui consiste à prémunir une personne ou un bien contre un risque, à garantir sa sécurité, son intégrité, etc., par des moyens juridiques ou matériels ».8 Ainsi, appréhender la protection de la victime devant les juridictions répressives revient à s'interroger sur les moyens juridiques mis à la disposition de la victime pour garantir sa sécurité, son intégrité et ses intérêts notamment la réparation de son préjudice devant les juridictions pénales. Quant au mot « victime », la notion principale de notre sujet, il est présenté comme une notion difficile à saisir en raison de son évolution selon les époques. En effet, le sens commun qualifie généralement de victime toute personne qui subit et qui souffre soit des agissements d'autrui, soit d'événements néfastes. 9 De même, selon le Lexique des termes juridiques, « à l'origine personne offerte en sacrifice aux dieux, la victime au sens général commun s'entend de toute personne qui souffre d'une atteinte quelle qu'en soit l'origine, portée à ses droits, ses intérêts ou son bien-être. Dans un sens plus restreint c'est une personne qui a été tuée ou blessée ».10 Dans le même ordre d'idée, le Vocabulaire juridique de Gérard CORNU définit la victime comme « celui qui subit personnellement un préjudice, par opposition à celui qui le cause, auteur »11. Ces définitions sus évoquées, qui ne comportent pas ou ne font pas allusion à la notion d'infraction, ne semblent pas nous convaincre eu égard à notre sujet. 7 YAYA (M. S.), « le droit de l'OHADA face au commerce électronique », Thèse, Université de Montréal et Université de Paris-Sud 11, 2011, p.5 8 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 12ème éd., 2018, p.1743 9 Cf ENM-pénal 2011, op.cit. 10 GUINCHARD (S.), DEBARD (T.), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 26ème éd., 2019, p. 1106 11 CORNU (G.), op. cit., p.2254 3 Par contre, la définition contenue dans la décision cadre du Conseil de l'Union européenne attire notre attention. Cette décision définit la victime au sens pénal comme « la personne qui a subi un préjudice, y compris une atteinte à son intégrité physique ou mentale, une souffrance morale ou une perte matérielle, directement causé par des actes ou omissions qui enfreignent, la législation d'un Etat membre ».12 Cette définition, nous le constatons, fait allusion à l'infraction13, l'objet du droit pénal. Ainsi, la victime est perçue comme la personne dont la souffrance a pour origine la commission d'une infraction. Cette acception de la victime trouve son fondement dans les dispositions de l'article 7 du code de procédure pénale alinéa premier. Ce texte dispose que : « l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention, appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ». En clair, la victime est une personne physique ou morale qui a personnellement souffert du dommage directement causé par la commission d'un acte anti-social que constitue l'infraction. Partant de cette conception de la victime, seront exclues de notre étude les victimisations dont l'origine n'est pas un acte constitutif d'infraction. En fait, il résulte de la compréhension de cette définition retenue de la victime que ne saurait acquérir la qualité de victime toute personne n'ayant pas personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction. Cependant, cette compréhension connait un assouplissement depuis la réforme du code de procédure pénale en 2018. Désormais, sur le fondement des articles 7, 8 et 20 dudit code, les victimes dites médianes ou indirectes peuvent exercer l'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction. Il s'agit entre autres des héritiers, des victimes par ricochet et des associations agissant dans un but d'intérêt collectif14. En définitive, par « victime » nous pouvons entendre toute personne, physique ou morale, ou groupe de personnes ayant souffert d'un dommage directement ou indirectement causé par une infraction. 12 GUINCHARD (S.), DEBARD (T.), op.cit., 2019, p.1106 13 C'est l'article 2 du CP qui définit l'infraction. Selon cette disposition « Constitue une infraction tout fait, action ou omission, qui trouble ou est susceptible de troubler l'ordre public ou la paix sociale en portant ou non atteinte aux droits des personnes et qui comme tel est légalement sanctionné ». 14 Article 8 du CPP 4 Certes le législateur ivoirien ne définit pas la notion de victime, mais, il emploie certains mots ou groupes de mots pour la designer. Il s'agit entre autres de « plaignant »15, de « partie civile »16, « partie lésée »17 de « ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction »18. L'appellation « partie civile » attire particulièrement notre attention en raison de la nuance qui existe entre elle et la notion de « victime ». En effet, la victime, comme définie précédemment, est la personne qui a personnellement subi un préjudice directement causé par l'infraction. Si elle n'agit pas en justice ou si elle saisit les juridictions civiles, elle garde toujours cette appellation de « victime ». Par contre, si elle décide de saisir les juridictions répressives, elle doit se constituer partie civile. Ainsi la partie civile sera toute victime d'une infraction ayant porté son action civile devant la juridiction répressive. Avec la qualité de partie civile, la victime intègre le procès pénal et y devient partie à part entière. Autrement dit, toute partie civile est une victime19 mais toute victime n'est pas une partie civile. Toutefois, il est possible que la victime, alors qu'elle ne s'est pas constituée partie civile, se trouve devant les juridictions pénales. Dans ce cas, elle a une place très réduite20 dans le procès et y est généralement traitée comme un témoin21. Relativement à l'expression « juridictions répressives », pour bien la cerner, il est judicieux de s'intéresser en amont à la définition de la notion de « juridiction » d'une part et du qualificatif « répressive » d'autre part. Selon le Lexique des termes juridiques, la juridiction « dans un sens fonctionnel, et employé au singulier uniquement, désigne la jurisdictio, le pouvoir de dire le droit ; dans un sens organique, et employé au singulier comme au pluriel, désigne 15 Article 116 nouveau du CPP 16 Article 101 du CPP 17 Article 8 du CPP 18 Article 7 du CPP 19 Exceptés les cas où certaines personnes ou associations qui peuvent subroger la victime dans la constitution de partie civile. 20 Elle bénéficie de certains droits tels que l'assistance d'un avocat pendant les enquêtes et le bénéfice des mesures de protection pendant l'instruction. 21 Selon le Lexique des termes juridiques, le témoin est un simple particulier invité à déposer, dans le cadre d'une enquête ou sous la forme écrite d'une attestation, sur les faits dont il a eu personnellement connaissance, après avoir prêté serment de dire la vérité. 5 les organes qui sont dotés de ce pouvoir »22. Il ressort de là que la juridiction est l'organe doté du pouvoir de dire le droit23. Quant au qualificatif « répressive », il s'entend de « ce qui se rapporte à la répression, qui tend à son organisation, à sa mise en oeuvre et à son application ».24 Il a pour synonyme le qualificatif « pénal » qui est défini comme « ce qui se rapporte aux peines proprement dites, aux faits qui encourent ces peines et à tout ce qui concerne la répression de ces faits ».25 Il est également parfois synonyme du qualificatif « criminel » au sens large et par opposition à « civil », qui englobe en ce sens « tout ce qui se rapporte aux infractions et à leurs sanctions »26. Ainsi « les juridictions répressives » ou les juridictions pénales ou encore les juridictions criminelles sont des organes dotés du pouvoir de dire le droit en matière de la répression, son organisation, sa mise en oeuvre et son application. En clair, les juridictions répressives sont les organes compétents en matière des infractions et de leurs sanctions. En outre, dans l'optique de parvenir au bon fonctionnent de la justice répressive, le législateur ivoirien a instauré deux types de juridictions pénales. Il s'agit d'une part des juridictions répressives d'instruction et d'autre part des juridictions répressives de jugement. Relativement aux juridictions d'instruction, il s'agit au premier degré du juge d'instruction27 et au second degré de la chambre d'instruction de la cour d'appel28. Concernant les juridictions de jugement, au premier degré, se trouvent le tribunal criminel29, le tribunal correctionnel30 et le tribunal de simple police31. Au second 22 GUINCHARD (S.), DEBARD (T.), op.cit., 2019, p.619 23 « Dire » a ici le sens de « trouver la règle de droit régissant le cas et la lui appliquer concrètement » in NTAMBWE (C. Y. N.), Initiation à la science et à la théorie du droit, Côte d'Ivoire, UCAO, 2021, p.133 24 CORNU (G.), op.cit., p.1913 25 CORNU (G.), op.cit., p.1593 26 CORNU (G.), op.cit., p.636 27 Article 97 du CPP. Le juge d'instruction est le magistrat que la loi a chargé de procéder à l'instruction des affaires au niveau des tribunaux de première instance. 28 Article 215, 228 et 205 du CCP. La chambre d'instruction connaît de l'instruction au second degré des affaires criminelles, de l'examen des appels contre les ordonnances du juge d'instruction et de l'examen des requêtes en annulation des actes du juge d'instruction. 29Article 20 du CPP. L'ancienne cour d'assise, le tribunal criminel est compétent pour juger en premier ressort les individus renvoyés devant lui par l'ordonnance de renvoi. 30 Article 390 du CPP. Le tribunal connaît des délits au premier ressort. 31 Article 531 CPP. Le tribunal de simple police connaît des délits au premier ressort. 6 degré, se trouvent la chambre criminelle de la cour d'appel32 et la chambre correctionnelle de la cour d'appel.33 La cour de cassation, en raison de son rôle de contrôle des jugements et arrêts rendus par les juridictions de fond, est aussi une juridiction répressive.34 A titre indicatif, le ministère public et le greffe, en raison de leurs rôles respectifs de poursuite et d'authentification du procès, ne seront pas exclus dans le cadre de cette étude. Par contre, le juge de l'application des peines35, qui est aussi un organe répressif ne sera pas principalement évoqué dans notre travail. Aux termes de cette réflexion terminologique, il ressort que la protection de la victime devant les juridictions répressives doit s'entendre de la manière dont le législateur défend la victime, son intégrité, ses intérêts, ses droits, contre toute atteinte dans la procédure pénale mais aussi surtout des moyens juridiques mis à sa disposition pour garantir la réparation de son préjudice. Il ressort également de cette approche définitionnelle que notre étude portera sur la victime non constituée ou non encore constituée partie civile et principalement sur la victime qui a la qualité de partie civile en raison des droits dont elle dispose devant les juridictions répressives. Le champ d'étude défini, il importe à présent de présenter l'intérêt de notre sujet. Celui-ci revêt un double intérêt qui est à la fois scientifique et pratique. S'agissant de l'intérêt scientifique, il réside dans le fait que nos travaux contribueront à la connaissance de la protection de la victime d'une infraction dans le procès pénal et à la compréhension des droits dont elle dispose pour assurer sa protection. Cette étude permettra également de révéler les insuffisances au niveau de la protection de la victime afin d'inciter le législateur ivoirien à une réforme des droits de la victime adaptés à son statut. Relativement à l'intérêt pratique, notons que nos travaux permettront aux justiciables surtout aux victimes d'emprunter les voies et moyens qui leur 32 Article 370 du CPP. La chambre criminelle, remplaçante de la cour d'assise, connait des affaires criminelles ayant fait l'objet d'appel. 33 Article 573 du CPP. La chambre des appels correctionnels connaît des appels interjetés contre les jugements rendus par les tribunaux correctionnels et les tribunaux de simple police. 34 Articles 219 et 514 du CPP 35 Article 723 du CPP. Le juge de l'application des peines (JAP) est un magistrat du siège du tribunal judiciaire, compétent pour fixer les principales modalités de l'exécution des peines privatives de liberté ou de certaines peines restrictives de liberté, en orientant et en contrôlant les conditions de leur application. 7 permettront de demander et obtenir la réparation de leurs préjudices devant les juridictions pénales surtout si le ministère public ne veut pas engager les poursuites. Notre étude, loin d'être la première, s'inscrit dans la lignée des réflexions déjà menées sur le statut de la victime dans le procès pénal en droit ivoirien36. Sa singularité se saisit par son sujet qui porte sur la protection de la victime que n'a cessé de chercher le législateur ivoirien à travers sa présence dans le procès pénal. En effet, la présence de la victime devant les juridictions répressives est consacrée depuis la loi n°60-366 du 14 novembre 1960 portant code de procédure pénale37. Par ailleurs, depuis la réforme du code de procédure pénal en 2018 avec la loi n°2018-975 du 27 décembre, nous constatons un renforcement de la protection de la victime notamment l'amélioration de ses droits. La loi n° 2022-192 du 11 mars 2022 modifiant celle de 2018 s'inscrit dans la même logique. Ces reformes mettent en lumière l'actualité de ce sujet. Dès lors, notre étude soulève le problème suivant : le législateur ivoirien s'est-il vraiment préoccupé de la protection de la victime devant les juridictions répressives ? Pour répondre à cette interrogation, trois méthodes de recherche seront adoptées à savoir la méthode descriptive, la méthode analytique et la méthode comparative. D'abord, le choix de la méthode descriptive se justifie par le fait que les droits de la victime assurant sa protection devant les juridictions pénales sont méconnus par les justiciables et par les victimes elles-mêmes. Il est important d'user de cette méthode pour éclairer les justiciables qui souffrent d'une infraction sur les mesures à prendre pour la réparation du préjudice subi. Ensuite, l'adoption de la méthode analytique trouve sa justification dans le fait que la victime est considérée comme une partie accessoire voire secondaire dans le procès pénal. Cette méthode permettra d'analyser l'impact de la place secondaire de la victime sur sa protection. 36 A titre d'exemple, nous pouvons citer la thèse de NIAMBE Kassi Richard portant sur « la participation de la victime dans le procès pénal », thèse soutenue à l'Université Alassane OUATTARA de Bouaké en 2020. 37 L'article premier du CPP de 1960 disposait que : « L'action publique pour l'application des peines est mise en mouvement et exercée par les magistrats ou fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi. Cette action peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée, dans les conditions déterminées par le présent Code ». 8 Enfin, le recours à la méthode comparative dans le cadre de notre analyse s'explique par le fait que, au besoin, nous nous réfèrerons aux législations étrangères pour apprécier le traitement que réserve le législateur ivoirien à la victime qui se trouve devant les juridictions répressives. Par ailleurs, l'analyse de l'arsenal juridique répressif ivoirien donne de constater et de noter que depuis le code de procédure pénale de 1960 jusqu'à celui de 2018 tel que modifié par la loi n°2022-192 du 11 mars 2022, le législateur cherche progressivement la protection de la victime. Mais cette protection demeure limitée. C'est donc au gré de ce constat que notre étude consistera à analyser la protection recherchée de la victime devant les juridictions répressives (PREMIERE PARTIE) ainsi que les limites de cette protection (DEUXIEME PARTIE). 9 PREMIERE PARTIE : UNE PROTECTION RECHERCHEE Les juridictions répressives sont celles qui connaissent en principe des affaires pénales. Mais exceptionnellement, la loi leur permet de se prononcer sur l'action civile de la victime. Cette possibilité concourt à la recherche de la protection de la victime et se justifie, en plus des avantages qu'elle offre à la victime, par le fait que la victime n'est pas étrangère à l'affaire pendante devant ces juridictions pénales. C'est le premier témoin ou le témoin principal du fait ayant troublé l'ordre public ou la paix sociale et pour la répression duquel les juridictions pénales sont saisies. En fait, la protection de la victime est recherchée parce qu'elle est le siège de la commission de ce fait antisocial, source de sa souffrance. C'est à ce juste titre que l'Etat dans l'optique de veiller au rétablissement de l'ordre public lui accorde une main protectrice et une oreille attentive en lui permettant de participer à la procédure pénale. Partant, la protection de la victime est recherchée devant lesdites juridictions par cette possibilité qui lui est offerte d'intégrer la procédure pénale. Cette intégration se fait par plusieurs modalités (CHAPITRE 1) et donne droit à la victime d'exercer une panoplie de droits pendant la procédure pénale (CHAPITRE2). 10 CHAPITRE 1 : LA RECHERCHE PAR LA PLURALITE DES MODALITES D'INTEGRATION DE LA VICTIME DANS LA PROCEDURE PENALE Selon le Robert Micro-poche, « la modalité est la forme particulière d'un acte, d'un fait, d'une pensée, d'un objet. Elle est synonyme de manière ».38 Par intégration, il faut entendre, « incorporation de nouveaux éléments à un système ».39 Ici, il s'agit d'analyser les formes particulières ou les manières qui permettent de faire entrer la victime dans la procédure pénale en tant que partie intégrante afin de rechercher sa protection. Quant à la procédure pénale, elle est « l'ensemble des règles qui définissent la manière de procéder pour la constatation des infractions, l'instruction préparatoire, la poursuite et le jugement des délinquants ».40 A titre de précision, l'intégration de la victime, c'est sa participation au procès pénal41. En effet, les modalités d'intégration ou de participation sont en réalité les modalités de constitution de partie civile,42 car c'est par le biais de celle-ci qu'elle est partie au procès. Cette constitution peut se faire soit par voie d'action soit par voie d'intervention. Et, pour chaque voie d'intégration, le législateur a prévu deux modalités. De ce fait, il y a d'une part une dualité de modalités d'intégration de la victime à la procédure par voie d'action (SECTION 1) et d'autre part, une dualité de modalités d'intégration par voie d'intervention (SECTION 2). 38 REY (A.), Le Robert Micro-poche, Paris, Le Robert, éd. 2018, avril 2018, p. 912 39 REY (A.), op.cit., p.771 40 GUINCHARD (S.), DEBARD (T.), op.cit., 2019, p.853 41 Le procès pénal est ici synonyme de la procédure pénale. 42 Pour Jacques LEROY, « la constitution de partie civile est l'expression procédurale de l'action civile » in LEROY (J.), Procédure pénale, L.G.D.J. 7ème éd., 2021, p.298 11 |
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