CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE DE LA RECHERCHE
Ce chapitre aborde l'analyse contextuelle, l'identification du
problème de recherche, la justification du choix du thème et son
intérêt, les objectifs de la recherche, les hypothèses de
recherche, la revue de littérature, la clarification conceptuelle et les
théories sous-tendant la recherche.
1.1. Analyse contextuelle
Depuis son accession à l'indépendance en 1960,
le Burkina Faso, à l'instar de nombreux pays africains, a connu
plusieurs réformes, ainsi que des innovations de son système
éducatif, en vue d'atteindre un taux de scolarisation de 100% et
d'améliorer l'accès et la qualité de l'enseignement.
À la conférence d'Addis-Abeba en 1961, sous l'égide de
l'UNESCO, les ministres de 34 pays africains dont la Haute-Volta (actuel
Burkina Faso) prirent l'engagement d'atteindre en 1980 un taux de scolarisation
de 100% au primaire avec des taux sensiblement améliorés dans les
enseignements secondaire et supérieur (Ouédraogo et al., 2020,
p.8). Dans cette logique de scolarisation massive, le Gouvernement de la
Haute-Volta a adopté un décret rendant l'enseignement de premier
degré gratuit et obligatoire. Cet engagement de l'État
s'exprimait à travers le décret 289bis/PRES/EN du 03 août
1965. Ledit décret disposait que : « L'enseignement de premier
degré est, dans les limites de possibilités d'accueil,
obligatoire pour l'enfant des deux sexes de six (6) ans à quatorze (14)
ans révolus » (Haute-Volta, Présidence de la
République, 1965, p. 1). De ce fait, « l'enseignement de
premier degré est gratuit en ce qui concerne la période soumise
à l'obligation scolaire » (Haute-Volta, Présidence de
la République, 1965, p. 1). Cependant, il ressort qu'au lendemain de
l'indépendance du pays, c'est-à-dire en 1961, le taux de
scolarisation atteignait à peine 6,5 % en 1961 (Ouédraogo et al.,
2020, p.8). Au regard de ces résultats et des méthodes
héritées du colonisateur en matière d'éducation, le
changement du contenu de l'école, son enracinement dans nos
réalités socio-culturelles et la formation des compétences
au service du développement économique du Burkina Faso
s'avéraient nécessaires. En effet l'accès à
l'éducation pour bon nombre d'enfants (dans les différents ordres
d'enseignement) et sa qualité demeuraient un problème criard pour
la population. En effet, on dénombrait au niveau primaire un total de
1063 salles de classe pour une population scolarisable de 55 598 enfants (Yaro,
1994). C'est ainsi que le pays s'est inscrit dans différentes
réformes (politiques, stratégies, projets, programmes et plans)
afin d'impacter positivement les indicateurs de l'éducation. Nous avons
entre autres la réforme des programmes scolaires en 1962, la
ruralisation de l'école à partir de 1967,
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l'introduction des langues nationales (1979-1984),
l'école révolutionnaire en 1984 (réforme avortée),
la souscription du Burkina Faso au Programme d'Analyses des Systèmes
Éducatifs de la CONFEMEN, le plan décennal de
développement de l'éducation de base (PDDEB 20012010), la
réforme de 2006 et la réforme de 2014 (le continuum
éducatif).
À l'issue de la conférence de Addis-Abeba avec
sa projection d'atteindre la scolarisation universelle en 1980, le Burkina Faso
la Haute-Volta entama sa première révision de programmes
scolaires, dont le but était de les adapter aux réalités
du pays, de décoloniser l'école tout en changeant de langue
d'enseignement. Cette réforme fut jugée insatisfaisante par les
autorités et n'aura pas atteints ses objectifs. Le français
demeura alors la langue d'enseignement malgré le fait qu'il ne soit pas
une langue adaptée aux réalités du pays (Ouédraogo,
2007).
La ruralisation de l'école est apparue en 1967 et
consistait à exporter l'école chez les ruraux afin de les
scolariser en leur donnant des techniques dans le sens de développer
l'agriculture et de l'adapter aux besoins nationaux. Pendant un cycle de trois
ans, l'école devait former des agriculteurs instruits dans des Centres
d'Éducation Rurale (CER). Toutefois, en trois ans
d'expérimentation, les résultats jugés inefficaces ont
conduit à l'abandon de cette réforme (Kobiané, 2006 ;
Ouédraogo, 2018). Cette réforme n'ayant pas atteint les
résultats escomptés a pris fin et remplacée à
partir de 1973-1974 pour propulser le développement communautaire. Le
gouvernement voltaïque a entamé en 1979 une réforme en
introduisant trois (03) langues nationales comme médiums d'enseignement
au côté du français. Il s'est agi du mooré, du
dioula et du fulfuldé. Cette réforme qui visait à booster
l'efficacité de l'éducation dans son ensemble a été
brusquement interrompue après une phase expérimentale dans des
écoles pilotes au bout cinq (05) années. Elle fut interrompue
sans mise en cause officielle de son bien-fondé (Ilboudo, 2010).
Pourtant une évaluation intermédiaire faite l'année
d'avant par l'Institut de la Réforme et de l'Action Pédagogique
et dont les résultats ont paru cette année-là (IRAP, 1984)
montrait que les performances scolaires des écoles de la réforme
étaient supérieures à celles des écoles classiques
en mathématiques, en français et en disciplines d'éveil
(sciences d'observation, histoire et géographie).
En 1984, le Conseil National de la Révolution a
proposé une nouvelle réforme teintée de communisme en
ayant pour objectifs de former des citoyens doués d'esprit nationaliste
prêts à faire face aux difficultés du monde, promouvoir le
développement économique. La technique d'augmentation de l'offre
scolaire était d'offrir à chaque village une école
primaire. Malgré les difficultés de mise en oeuvre, la
période 1983-87 comptabilise environ 3000 nouvelles salles de classe,
soit presque le double des acquis des années 60-70 (M. Pilon, 2002,
p.6). Ainsi, le taux brut de scolarisation atteint 30 % en 1990 ; avec 7928
salles de classe existantes (soit une
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création d'environ 5300 unités sur la
décennie) et 472 979 élèves au primaire (idem). La
réforme fut abandonnée, eu égard aux critiques relatives
au coût onéreux avec le recul des partenaires techniques et
financiers, à l'absence de diplômes qui ignore l'environnement
international, l'introduction des langues nationales ressemblant à bien
d'égards à l'ancienne réforme (Compaoré, 2017 ;
Ouédraogo, 2017).
Le Burkina Faso est entré dans le programme d'analyses
des systèmes éducatifs de la CONFEMEN à la 42e
Conférence Ministérielle de la CONFEMEN tenue à Bamako
où nos pays cherchèrent des réponses aux différents
défis, en mettant l'accent sur le développement quantitatif et
qualitatif de l'éducation, en vue d'atteindre l'éducation pour
tous. La vision était de favoriser l'accès et la qualité
en matière d'éducation de base. Mais selon le rapport
d'évaluation du PASEC, à travers les phases 3 et 4 mises en
oeuvre de 1995 à 1998 sur l'état de l'éducation au Burkina
Faso, l'accès universel au cycle primaire est loin d'être atteint
dans l'ensemble (CONFEMEN, 1999). En effet, les taux de scolarisation restent
bas du fait que les filles et les enfants du milieu rural ont un accès
plus limité à l'école. Sur la période 1970 à
1995, le taux brut de scolarisation au primaire au Burkina Faso n'a pas atteint
40%. Cependant, les années 1990 montrent cependant une croissance
régulière et plus marquée du secteur privé, dont la
part atteint 12 % en l'an 2001 représentant près de 110 000
élèves. Selon les statistiques de 1999, la province du Kadiogo
comptait 465 écoles primaires avec 286 écoles publiques contre
179 privées. Le nombre des salles de classes s'élevait à
2456 avec 1474 pour le public et 982 pour le privé. L'ensemble des
enfants scolarisés était de 148 849 avec un ratio
élèves/maitre de 66. Les efforts consentis au cours de la
décennie 1990-2000 ont amélioré le taux de scolarisation
de 35,7 % au milieu des années quatre-vingt-dix à 42,7 % en 2000
(Meunier-Nikiéma & Salem, 2008), sans pour autant assurer l'atteinte
de la scolarisation universelle. Ces différentes
révélations sur l'état du système éducatif
du pays conduiront les gouvernants à adopter d'autres stratégies
et politiques telles que le plan décennal de développement de
l'éducation de base.
Lancé officiellement en 2002, le plan décennal
de développement de l'éducation de base (PDDEB) (20001-2010)
visait à accroître l'offre d'éducation de base, à
améliorer la qualité de l'enseignement et développer les
capacités de pilotage du secteur éducatif. Il s'agissait
notamment de renforcer le capital humain nécessaire au
développement économique du Burkina Faso en éliminant les
disparités existantes à tous les niveaux de l'enseignement. La
mise en oeuvre du PDDEB a permis l'amélioration des indicateurs au
niveau du primaire (47,4% en 2001 à 88,3% en 2011), dans le
post-primaire et le préscolaire (1,44% en 2001 à 3% en 2010).
Avec un taux de scolarisation de 79,6% en 2011, le Burkina Faso est toujours
loin de
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l'atteinte de l'éducation pour tous en 2015 tel que
stipulé dans le cadre d'action de Dakar adopté lors du sommet
mondial sur l'éducation tenu en 2000 (Ouédraogo et al., avril
2020).
À partir de 2006, d'autres réformes sont venus
accompagner le PDDEB afin de faciliter l'atteinte des objectifs de l'EPT ; la
réforme de 2006. Ainsi, la notion de l'enseignement de base s'est
élargie pour prendre en compte le post-primaire, c'est-à-dire le
premier cycle du secondaire. À cet effet, nous assistons à un
nouveau découpage du système éducatif. D'autres changement
importants étaient les passerelles entre le formel et le non formel,
l'obligation scolaire de 6 à 16 ans qui implique qu'aucun enfant ne doit
être exclu du système éducation avant ses 16 ans
révolus ; la gratuité de l'enseignement de base public (du CP1
à la 3e). La réforme a été mise en oeuvre à
travers deux (02) phases : une première phase de 2007 à 2011 et
une seconde phase de 2011 à 2015. Elle a conduit à l'adoption du
Programme de développement stratégique de l'éducation de
base (PDSEB 2011-2021) et à celle du Plan Sectoriel de
l'Éducation et de la Formation (PSEF 2017-2030). Ainsi, de façon
opérationnelle, le gouvernement adoptera le continuum afin d'avoir une
vision holistique du système éducatif. Le continuum
éducatif intervint à partir de 2014 en vue de l'atteinte des
objectifs de la réforme de 2006, de mettre en application la loi
d'orientation de l'éducation de 2007 et d'accompagner la mise en oeuvre
des programmes et projets à l'exemple du PDSEB. Il s'alignait sur la
Lettre de Politique Éducative adoptée comme directive de 2008
à 2015 avec pour principes d'inclure dans l'éducation de base
l'enseignement primaire et le 1er cycle secondaire, et la gratuité de
ces enseignements, ainsi que la révision du curricula selon l'Approche
Par les Compétences (APC), etc. (Rapport JICA, 2012). Il s'est
donné pour principaux objectifs l'accroissement des indicateurs
d'accès et de qualité au niveau de l'enseignement base. Par
ailleurs, elle fut confrontée dans sa mise en oeuvre à de
nombreuses difficultés, du fait des instabilités
institutionnelles et connut une fin tacite sans évaluation
réelle. La situation avant l'adoption du continuum présentait les
indicateurs éducatifs au niveau primaire comme suit : en 2013, le nombre
d'écoles primaire s'élevait à 12 394 avec 9 886 publics
contre 2 508 privés. La situation géographique de ces
infrastructures indiquait 2 195 étaient situées en milieu urbain
et 10 199 en milieu rural. Le nombre de salles de classes était
estimé à 47 709 avec 11 189 en milieu urbain et 36 520 en milieu
rural. Selon la nature des murs, le nombre de salles de classe dont les murs
sont en dur étaient de 39 108, 4 086 en semi dur et 4 488 en d'autres
matériaux. À la même année, le taux brut d'admission
au primaire était de 92,8% avec 92,2% et 92,3% respectivement pour les
garçons et les filles. Le TBA pour le Kadiogo, région du centre
était estimé à 100,5% avec 99,9% et 101,1% respectivement
pour les garçons et les filles. Le TBS s'estimait à 81,3% avec
81,6 pour les garçons et 81% pour les filles. Celui de la région
du centre
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était de 90,7% avec 88,4% pour les garçons et
93% pour les filles (DGESS, 2013). Le taux net de scolarisation au primaire
à la même année était de 63,2% avec respectivement
63,5 % et 62,8% pour les garçons et les filles. Le taux
d'achèvement du primaire était de 59,5% avec 59,7% pour les
garçons et 59,3% pour les filles. L'achèvement dans la
région du centre était meilleur qu'à celui national et
était de 69,4%.
En résumé, on retient que le continuum
éducatif survint dans un contexte où le Burkina Faso est en
quête permanente de la scolarisation universelle au vu des diverses
politiques éducatives adoptées. Cependant, la population
scolarisable ne cesse de croître avec le taux brut de natalité est
de 46 %o pour l'ensemble du Burkina Faso, 38 %o en milieu urbain et 48 %o en
milieu rural (RGPH, 2006). Quant au niveau d'instruction selon le recensement
de 2006, plus de 70 % de la population de 7 ans ou plus n'ont aucun niveau
d'instruction, 20,1 % ont le niveau primaire. La population scolarisable en
scolarisable en 2013 des enfants de 6-11 ans était estimé
à 3 125 631 enfants avec 1 614 937 garçons contre 1 510 694
filles avec un TBS primaire de 81,3% (DGESS, 2013). Ces données
démographiques sont considérées comme les données
de départ du continuum éducatif. Cependant, selon les
données du recensement général de la population et de
l'habitation de 2019 du Burkina Faso, la population s'élève
à 20 505 155 personnes, dont 9 900 847 hommes et 10 604 308 femmes avec
une densité de 75,1/km2. La population de la commune de
Ouagadougou est de 2 415 266. Le taux d'accroissement de la population est de
2,94%. Par rapport aux enfants dont l'âge est compris entre 06 et 16 ans,
il ressort que 39,1% n'ont jamais fréquenté, 15% sont
déscolarisés et 45,9% sont scolarisés et un taux
d'alphabétisation de 29,7%.
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