b. Le Maître
Bien que l'éducation soit fondée sur l'enfant
cela n'exclut pas l'intervention du maître dans le processus de
croissance de l'enfant. Selon Dewey l'éducation progressive ne peut pas
se passer du maître. Il joue un rôle indispensable car la nature
changeante de l'enfant ne lui permet pas d'avoir une orientation objective dans
ses travaux. Le maître a donc le devoir d'assister l'enfant pour qu'il
puisse atteindre des fins précises, utiles et adaptées pour son
développement. Pourquoi donc le maître dans cette
éducation, si l'enfant n'est pas considéré comme une
« tabula rasa » ? Comment est vu le maître dans cet
éducation progressive ?
Pour Dewey, l'enseignant est un guide et metteur en
scène. Il dirige le bateau, mais l'énergie que les gens lui
doivent provient de ceux qui apprennent. Plus un enseignant est au courant de
l'expérience passée des élèves quant à leurs
espoirs, leurs désirs et leurs intérêts principaux, mieux
ce sera. Il est engagé non seulement dans la formation des individus
mais aussi dans la formation de la vie sociale appropriée. De cette
façon, le maître est toujours le prophète du vrai Dieu.
Pour Dewey le maître qui réussit en classe
possède une passion pour la connaissance et une curiosité
intellectuelle dans les matériaux et les méthodes qu'il enseigne.
Cette propension est une curiosité et un amour inhérents à
l'apprentissage qui diffèrent de la capacité d'acquérir,
de réciter et de reproduire les connaissances des manuels scolaires.
« Personne, » selon Dewey,
35 John Dewey, L'école et l'enfant,
(trad. Louis-Samuel Pidoux), Suisse, Delachaux et Niestlé,
8e éd., 1967, p. 95.
36 John Dewey, Démocratie et
éducation, (trad. Gérard Deledalle), Paris, Armand Colin et
Nouveaux Horizons, 1990 (1er éd. 1975), p. 159-161.
37 Ibid., p. 300.
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« ne peut vraiment réussir à remplir ses
fonctions et à répondre à ces exigences [d'enseigner] qui
ne conservent pas [sa] curiosité intellectuelle intacte tout au long de
[toute] sa carrière »38. Selon Dewey, ce n'est pas que
"le maître doit s'efforcer d'être un érudit de haut niveau
dans toutes les matières qu'il ou elle doit enseigner", plutôt,
"un maître doit avoir un amour et une aptitude inhabituels dans une
matière : histoire, mathématiques, littérature, science,
beaux-arts, etc. 39 Le maître en classe n'a pas à
être un universitaire dans toutes les matières; au lieu de cela,
un véritable amour en un suscitera un sentiment d'information
authentique et de perspicacité dans toutes les matières
enseignées.
Le meilleur indicateur de la qualité d'un maître,
selon Dewey, est la capacité de regarder et de réagir au
mouvement de l'esprit avec une conscience aiguë des signes et de la
qualité des réponses qu'il ou ses élèves
présentent en ce qui concerne le sujet
présenté.40 Comme le note Dewey, « on m'a souvent
demandé comment certains maîtres qui n'avaient jamais
étudié l'art d'enseigner étaient toujours des enseignants
extraordinairement bons. L'explication est simple. Ils ont une sympathie
rapide, sûre et inébranlable avec les opérations et le
processus des esprits avec lesquels ils sont en contact. Leurs propres esprits
évoluent en harmonie avec ceux des autres, appréciant leurs
difficultés, entrant dans leurs problèmes, partageant leurs
victoires intellectuelles ".41 Un tel maître est
véritablement conscient de la complexité de ce transfert d'esprit
à esprit, et il a le courage intellectuel d'identifier les succès
et les échecs de ce processus, ainsi que la manière de le
reproduire ou de le corriger de manière appropriée à
l'avenir.
Il est essentiel, selon Dewey, que le maître en classe
ait la propension mentale à surmonter les exigences et les facteurs de
stress qui lui sont imposés parce que les élèves peuvent
sentir quand il n'est pas véritablement investi dans la promotion de
leur apprentissage.42 De tels comportements négatifs, selon
Dewey, empêchent les enfants de poursuivre leurs propres propensions
à l'apprentissage et à la croissance intellectuelle. On peut donc
supposer que si les maîtres veulent que leurs élèves
s'engagent dans le processus éducatif et emploient leur curiosité
naturelle pour la connaissance, ils doivent être conscients de la
façon dont leurs réactions aux jeunes enfants et les contraintes
de l'enseignement influencent ce processus.
En somme, il était question dans cette partie de
comprendre l'implication de l'éducateur dans l'éducation
progressive. Le maître, guide, collaborateur, observateur, accompagnateur
et
38 To those who aspire to the profession of
teaching (APT). In Simpson, D.J., & Stack, S.F. (eds.), Teachers, leaders
and schools: Essays by John Dewey (33-36). Carbonale, IL: Southern Illinois
University Press, 2010. P.34.
39 Ibid., p. 35.
40 Ibid., p. 35.
41 Ibid., p. 36.
42 Professional spirit among teachers (PST). In
Simpson, D.J., & Stack, S.F. (eds.), Teachers, leaders and schools:
Essays by John Dewey (37-40). Carbonale, IL: Southern Illinois University
Press, 2010.
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facilitateur à l'égard de l'élève,
tels sont les caractères clés qui font du maître un agent
principal dans la formation du caractère de l'enfant. On note donc que
le maître n'est pas un observateur passif, mais qu'il existe entre lui et
l'enfant une relation d'échange, c'est-à-dire du donner et du
recevoir mais l'enfant reste l'acteur de ses apprentissages. Quel est donc la
place de l'expérience dans la pédagogie progressive ? Quelles
peuvent être ces valeurs ?
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