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L'éducation progressive dans la pensée pédagogique de John Dewey: perspectives et enjeux professionnels africains.


par RONEL CHRISTIAN DONGMO KENFACK
Universite Catholique de l'Afrique Centrale - Licence en Philosophie 2019
  

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4. Perspectives et enjeux professionnel de l'éducation progressive pour une amélioration du système éducatif camerounais.

Dans ce siècle où l'on assiste à une croissance rapide de certains pays, ceci due à une éducation solide, il est impératif d'interpeller le système éducatif afin de redoubler d'effort en convergeant vers une professionnalisation de son éducation dans l'optique de réduire le taux de chômage, de promouvoir l'innovation. Mais comment donc y procéder ?

Aujourd'hui recourir à la pédagogie progressive de John Dewey nous sera très utile. Il a beaucoup oeuvré pour son pays les Etats-Unis à travers son école-laboratoire où il promouvait la professionnalisation, une éducation par l'expérience où l'enfant est le centre d'attention indépendamment de son niveau d'étude. Le maître ici est un guide et l'élève apprend en agissant. Dewey veut donc réconcilier esprit et action, travail et loisir, intérêt et effort. Il pense que l'enfant doit agir plutôt que d'écouter. Regardant la situation actuelle du système éducatif camerounais, l'on peut avoir l'impression que c'est ce qui est vécu sur le terrain mais grande est notre surprise de constater le contraire.

Faire de l'enfant le centre d'intérêt en éducation favorisera non seulement un esprit créatif et critique mais aussi la capacité pour l'enfant de faire face aux problèmes réels et d'en trouver des solutions par lui-même. Il fera donc usage de la théorie donnée par le maître afin de consolider le résultat par la pratique. Le Pape Jean Paul II avait raison de nous dire en parlant du rapport entre la foi et la raison : « la foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la contemplation de la vérité. »78 En éducation donc, la théorie et la pratique sont comme ces deux ailes qui favorisent l'élévation de l'enfant à la maturité, qui le rendent social, cet être qui contribue à l'épanouissement et à la construction d'une société démocratique.

Le programme valable se rapporte à l'expérience quotidienne de l'enfant à la maison et dans la communauté, Dewey attache une très grande importance aux occupations de la maison et de la communauté, donc au travail manuel. Ce dernier fournit, à travers les phases variées des diverses occupations, d'excellentes opportunités pour apprendre les matières du programme, non simplement comme une information en vue de fins scolaires, mais comme connaissance issue des situations de la vie réelle. Le programme sera en fonction de l'âge, les

78 Jean Paul II, Fides et Ratio, Limete/Kinshasa (RDC), Médiaspaul, 1998, p.3.

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plus jeunes, de 4 ou 5 ans, se consacreront à des activités déjà rencontrées dans le milieu familial : la cuisine, la couture ou la menuiserie, par exemple, l'idée étant bien d'assurer la continuité entre école et société à travers des activités pratiques. Ces occupations deviennent ensuite progressivement l'occasion d'un apprentissage de matières plus théoriques. « L'enfant vient en classe pour faire des choses : cuisiner, coudre, travailler le bois et utiliser des outils pour des actes de construction simples ; et c'est dans le contexte et à l'occasion de ces actes que s'ordonnent les études : écriture, lecture, arithmétique, etc. »79 Par exemple, à l'âge de 6 ans, les enfants vont construire une maquette de ferme dans le bac à sable de la classe et semer du blé d'hiver dans la cour de l'école. L'édification de la maquette sera alors l'occasion d'apprendre certaines notions mathématiques :

« Lorsqu'il a fallu diviser le bac à sable matérialisant l'exploitation en plusieurs champs destinés à recevoir les cultures de blé, de maïs et d'avoine, et prévoir aussi l'emplacement de la maison d'habitation et de la grange, les enfants ont employés comme unité de mesure une règle d'un pied et sont arrivés à comprendre ce que signifiait un quart, une moitié ; même si les divisions qu'ils effectuaient n'étaient pas exactes, c'étaient des approximations suffisantes pour leur permettre de délimiter leur ferme. Et à mesure qu'ils se familiarisaient avec l'usage de la règle et apprenaient à manier le demi pied, le quart de pied et le pouce, on en vint naturellement à attendre d'eux, et à obtenir, un travail plus précis... La construction des bâtiments de la ferme nécessitait quatre poteaux d'angle et six ou sept lattes de bois d'égale hauteur. Lorsqu'ils mesuraient ces dernières, les enfants oubliaient souvent de maintenir le point de départ de la graduation de la règle sur l'extrémité gauche de la latte, de sorte qu'ils devaient s'y reprendre à deux ou trois fois avant d'obtenir des mesures exactes. Puis ils refaisaient pour un autre côté de la maison ce qu'ils avaient fait pour le premier et, avec l'entraînement, leur travail gagnait naturellement en rapidité et précision. »80

Les mathématiques n'apparaissaient alors plus à l'enfant comme une matière inerte mais comme un véritable outil de résolution de problèmes pratiques. Dans le même ordre d'idées, les élèves seront amenés à construire eux même leur propre matériel scolaire, ou à cuisiner ensemble le repas du jour, ce dernier exemple étant un moyen de les familiariser avec les unités de mesure, la botanique ou la biologie, mais également de développer leur sens de la vie sociale coopérative. Sous cette approche éducative, on retrouve cette idée que le développement de la pensée en connaissance passe par la résolution de problème en situation active, que la pensée doit être testée par l'action pour passer dans l'ordre de la connaissance. Selon cette perspective,

79 Dewey J., « A pedagogical experiment », in Early works of John Dewey, Carbondale, Southern Illinois University Press, 1972, vol. 5, pp. 244-246.

80 Mayhew et Edwards, The Dewey school, 1966, pp. 83-84.

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le véritable test de l'apprentissage ne passe pas par une série d'examens en fin d'année, il consiste en l'accroissement de la capacité de l'enfant à affronter de nouvelles situations par le développement d'habitudes d'actions réfléchies au sein d'un environnement social.

Face à la mondialisation, le camerounais assiste à une évolution rapide de l'éducation ce qui favorise l'essor du pays. On assiste au Cameroun a un accroissement rapide de la population scolaire. Si autrefois, seules les élites étaient éduquées, aujourd'hui presque tous ont accès à l'éducation. Malgré cette sur-scolarisation de la population, cette population est « mal éduquée »81. Quantitativement, l'éducation s'améliore au Cameroun mais qualitativement, nous assistons à une éducation de plus en plus dégradante. Face à ce boom scolaire, l'Etat est devenu incapable de répondre à la demande scolaire au Cameroun d'où l'urgence d'une professionnalisation du système éducatif camerounais : création des écoles-laboratoires dès le primaire. À ce niveau l'enfant sera capable d'entrer en contact avec sa propre nature et d'utiliser ces ressources à des fins utiles. A long terme l'enfant développera des aptitudes lui permettant de combattre le chômage et de répondre aux besoins de la société en ce sens donc il s'agit en fait de mettre l'école à l'écoute de la société et d'ouvrir la société à toutes les dynamiques créatives de l'école afin que des transformations en profondeur soient engagées en fonction des idéaux qu'un imaginaire de la construction d'un Cameroun nouveau devrait nourrir avec l'économie de la connaissance et la promotion des nouveaux savoirs.82 Il y a donc une urgence de pallier à la non-conformité qu'il y a entre l'école et le marché du travail car ceci remet le système éducatif camerounais en question.

Notons aussi qu'au Cameroun, l'école a été faite pour le culte de diplômes, les éduqués aux sorties de celle-ci manquent un esprit de créativité et de spontanéité et ne peuvent donc être embauchés surtout par le secteur privé où ils restent incompétents d'où un vibrant appel à l'implémentation du « Learning by doing » (apprendre par l'action) que soutient Dewey. Une réappropriation des propos de Fichte sera également utile pour le système éducatif. Il dit : « on n'étudie pas pour, tout au long de sa vie et comme si l'on était constamment prêt pour l'examen, reproduire en ces propos ce que l'on a appris, mais pour l'appliquer aux situations survenant dans l'existence et ainsi le mettre en oeuvre (...) par conséquent, ce n'est en aucun cas le savoir qui constitue ici le but ultime, mais bien plutôt l'art d'utiliser le savoir ».83

Le sujet de l'éducation au Cameroun perd sa valeur suite au manque d'éducateur bien

81 M., Ndongmo, La Scolarisation dans la politique du développement au Cameroun. Réflexions éthique et théologique sur la pratique éducative dans le processusd'humanisation, Paris, Institut Catholique de Paris, 1994, p.9. 82Kä Mana, L'Afrique, notre projet : Révolutionner l'imaginaire africain,Sénégal, Editions terroirs, 2009, pp. 301302.

83Vincenti., L, Education et liberté. Kant et Fichte, Paris, PUF, 1992, p. 48.

formé. Le centre d'intérêt n'est plus l'apprenant mais le maître. Les enfants sont éduqués dans une certaine médiocrité où les notes sont vendues et quelques fois échangées contre le sexe. Certains enseignants ne notent plus les aptitudes et les compétences de leurs éduqués mais plutôt leur docilité à satisfaire leur plaisir sexuel et la capacité de ces enfants à payer pour ces notes. « L'autre éduqué » (enfant), est confondu à un objet sexuel que l'on peut manipuler à sa guise. C'est ainsi qu'éduquer aujourd'hui « est devenu synonyme de pouvoir sur quelqu'un, synonyme de privilège ».84 L'éducation, dans son sens plein, ne se limite pas seulement dans la transmission des compétences intellectuelles ; il doit être pratique et exemplaire dans le sens que le maître doit être un modèle à imiter pour les enfants. Avec Jean Jacques Rousseau nous constatons également que l'expérience est primordiale : « Au lieu de coller un enfant sur des livres, si je l'occupe dans un atelier ses mains travaillent au profit de son esprit, il devient philosophe et croit n'être qu'un ouvrier. »85 Rousseau va ainsi placer l'expérience au coeur de la formation de l'intelligence. Il s'agit de permettre à l'enfant de faire corps avec la nature au moyen des expériences diverses et concrètes.

Il doit aussi avoir la transmission des valeurs spirituelles et morales qui des fois manques en éducation. Bref le système éducatif doit s'attarder sur une éducation complète de l'enfant (éducation du physique et de l'âme) et également sur une éducation des mentalités qui est très demandant vu l'allure avec laquelle le monde tend vers sa perdition particulière le Cameroun. Au terme de cette partie, nous avons vu que la pensée deweyenne sur l'éducation reste et demeure d'actualité pour les pays Africains, notamment pour le Cameroun, qui est sans cesse à la quête d'une harmonie sociale durable et dont l'éducation sera porteuse des valeurs de notre temps. Son éducation progressive reste très bénéfique pour un pays si elle est bien mise en pratique et si on en fait bon usage.

84 G. Pallante, L'autre éduqué : cours de philosophie de l'éducation, Yaoundé, COGESET, 2007, p.49.

85 Jean-Jacques ROUSSEAU, Emile ou de l'éducation, p.443.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway